Selon Omar Farouk Ibrahim, le Secrétaire général de l’organisation des producteurs de pétrole africains, 600 millions de personnes en Afrique n’ont pas accès à l’électricité. Plus de 900 millions n’ont pas accès à des énergies modernes pour cuisiner ou se chauffer.
Pourtant, le continent est doté d’abondantes ressources énergétiques allant des énergies dites vertes aux énergies fossiles de transition à l’instar du gaz naturel.
D’après l’Afrec, une agence spécialisée de l’Union africaine, l’Afrique joue un rôle important dans l’exploration, l’exportation et la fourniture de gaz naturel au niveau mondial, avec une production en 2019 d’environ 8,7 millions de Terajoules (TJ) sur un total mondial de 142 millions de TJ. Soit un peu plus de 6%.
Actuellement produit dans 18 pays africains, principalement en Afrique du Nord où est produit un peu plus de 70% de tout le gaz africain, suivi de 23% en Afrique de l’Ouest, le reste de la production provenant des autres régions africaines, la production gazière africaine subit chaque année une augmentation générale et régulière.
Elle est passée selon l’Afrec d’environ 5.300.000 TJ en 2000 à 8.700.000 TJ en 2012. Elle a par la suite chuté en Afrique du Nord, si bien qu’en 2015, la production africaine totale se chiffrait à 7.100.000 TJ, avant d’augmenter et atteindre en 2019, des niveaux prévus proches de ceux de 2012.
Le gaz naturel africain dont le potentiel de production n’est pas des moindres est utilisé pour deux objectifs, notamment pour la production de l’électricité (un peu plus de 2.820.000 TJ en 2017 selon l’Afrec) et la consommation finale au sein des entreprises et des foyers (1.940.000 TJ).
Dans sa forme liquéfiée, à en croire le rapport sur les perspectives de l’Afrique pour 2020 de la Chambre africaine de l’énergie, cette production gazière africaine pourrait atteindre 20% de la production mondiale en 2025. Parmi les huit premiers producteurs, l’Angola a connu une augmentation substantielle à partir de 2017. Ainsi que le Mozambique et le Nigeria qui ont enregistré les plus fortes hausses de production de gaz depuis 2010. Toutes supérieures à 50%.
En revanche, l’instabilité politique en Libye a entraîné une baisse de la production de 38%. « En Égypte, la production a été affectée non seulement par le « Printemps arabe » mais aussi par la chute des investissements et la vétusté des infrastructures. Ce qui a entraîné une baisse de la production de 27% entre 2010 et 2017. Depuis 2017, avec la mise en service du champ du Delta du Nil occidental et du champ de Zohr, l’Égypte a considérablement augmenté sa production.
Les changements intervenus entre 2014 et 2017 ont permis au Nigeria de dépasser l’Égypte en tant que deuxième plus grand producteur de gaz à cette époque, mais toujours avec un retard d’environ 2.000.000 TJ par an derrière l’Algérie », rappelle le rapport.
Tendance aux exportations
L’Afrique possède donc, il est indéniable, une capacité de production de gaz naturel non négligeable dont l’adoption par les pays peut être généralisée comme combustible de production d’électricité et de cuisson. Toutefois, au grand dam des populations et des économies locales, les Etats africains ont tendance pour la majorité à exporter leurs productions hors du continent alors même que les demandes nationales ne sont pas satisfaites.
L’Afrec indique par exemple qu’environ 40% du gaz produit en Afrique est exporté. Au cours des cinquante dernières années, les exportations de gaz africain ont été supérieures à la consommation des pays producteurs. L’Afrique se distingue ainsi des autres régions du monde où environ 30% du gaz produit est exporté, et plus particulièrement de l’Asie où le rapport entre les exportations et la consommation domestique n’a pas cessé de diminuer au cours des 40 dernières années, et où aujourd’hui à peine 20% du gaz produit est exporté.
En 2006, les exportations nettes africaines de gaz s’élevaient à 4 millions de TJ, contre 1,7 million de TJ utilisées pour la production d’électricité et 1,7 million de TJ pour la consommation finale,
précise la note de conjoncture 2020 de l’Afrec.
Bien plus, la note de conjoncture de l’agence spécialisée de l’Union africaine chargée de développer le secteur énergétique africain rappelle qu’un tiers du gaz produit sur le vieux continent est utilisé pour la production d’électricité, comparé à près de 40% dans le monde et 45% en Asie.
En ce qui concerne la consommation finale au sein des entreprises et des foyers, la différence est encore plus nette : un peu moins d’un quart du gaz produit en Afrique est utilisé comme énergie finale sur place, contre près de la moitié au niveau mondial et deux tiers en Asie.
Naturellement, ajoute le rapport, ce sont les plus grands producteurs de gaz qui détiennent généralement la plus grande part des exportations bien que cela diffère selon les pays. Au début des années 1970, seules l’Algérie et la Libye exportaient du gaz, mais la situation a changé récemment, en partie grâce au déploiement du gaz naturel liquéfié (GNF), de sorte que sept pays exportent désormais du gaz.
En 2017, l’Algérie représentait près de 60% de toutes les exportations de gaz de l’Afrique, suivie par le Nigeria avec un peu moins de 30%.
À l’origine, les exportations à partir de l’Afrique se faisaient par gazoducs depuis l’Algérie et la Libye vers l’Europe. Puis, plus tard vers le Moyen-Orient depuis l’Égypte. Cependant, avec le déploiement du GNL, cette pratique a changé, permettant à des pays comme le Nigeria et l’Angola de commencer à exporter du gaz, tandis que des pays comme l’Algérie et l’Égypte, ont pu accéder à de nouveaux marchés grâce au GNL.
L’Europe était la destination initiale des exportations africaines de gaz par gazoduc et elle reste très importante pour les exportations du gaz africain, avec encore plus de 60% des exportations.
Mais en 2019, plus de la moitié de ces exportations sont livrées sous forme de GNL. Parallèlement, les exportations de GNL vers la région Asie-Pacifique représentent 23% des exportations, juste en deçà des exportations par gazoduc vers l’Europe.
Augmentation de la demande en Afrique
Pourtant, s’il est vrai que les pays producteurs retirent des subsides en exportant leurs productions, il n’en demeure pas moins vrai que les marchés locaux sont plus que demandeurs aujourd’hui. En Afrique, des données ont montré qu’une forte croissance apparaît lorsque le gaz commence à être utilisé comme combustible pour la demande finale, notamment dans l’industrie et les ménages.
Dans la plupart des pays, la demande de gaz a augmenté de plus de 50 % au cours des dix dernières années, et dans bon nombre d’entre eux, de beaucoup plus. L’augmentation de la demande de gaz en Afrique est d’autant plus réelle que le continent enregistre une croissance démographique rapide. Elle est un défi et nécessite une extension et un renforcement du réseau gazier.
L’exemple qui vient du Mozambique
Sur ce point, le Mozambique devrait servir d’exemple à l’Afrique. En effet, ce pays dispose d’importantes réserves de gaz et constitue un modèle d’utilisation croissante de ce combustible. Jusqu’en 2014, le gaz produit au Mozambique était en grande partie (environ 95 %) destiné à l’exportation. Cette situation a changé avec le développement de la production d’électricité à partir du gaz, notamment grâce à l’expansion des producteurs indépendants d’énergie (PIE).
La part du gaz mozambicain utilisé dans le pays est ainsi passée à 20 %. L’avantage de ce changement pour le Mozambique est évident si l’on considère la production d’électricité. Laquelle permet à cet Etat de garantir l’accès universel à l’énergie, de soutenir le développement des entreprises et améliorer la qualité de vie de plusieurs milliers de ménages. Bien avant, c’est hydroélectrique qui constituait la majeure partie de son approvisionnement en électricité.
En 2015, l’hydroélectricité a produit 17 TWh. Mais cette production a baissé, pour diverses raisons, à 15 TWh en 2019, soit une chute de plus de 10%. Cependant, au cours de cette période, l’électricité générée par le gaz est passée de 1,2 TWh à 3,7 TWh.
L’augmentation de la production de gaz a compensé la baisse de l’hydroélectricité et a permis à l’électricité disponible pour les foyers et les entreprises de continuer à augmenter. Si le gaz avait continué à être exporté aux niveaux observés avant 2014, cela n’aurait pas été possible et le Mozambique aurait été confronté à une sérieuse réduction de l’électricité disponible.