Très prisé pour sa saveur et sa valeur nutritive, l’escargot terrestre comestible fait partie des viandes sauvages dont le taux de consommation reste le plus élevé en Afrique. De par son excellente valeur nutritive, cette denrée constitue une source alternative de nutriments pour l’alimentation humaine et animale, surtout en Afrique au Sud du Sahara.
La chaire de l’escargot contribue à réduire le déficit en protéines animales et en sels minéraux. De nombreux travaux ayant d’ailleurs démontré que la teneur en protéine de ce mollusque est élevée (supérieure à 40%) et représente en outre une source en macroéléments, calcium, phosphore, magnésium, fer, etc.
Outre sa saveur et sa valeur nutritive, le mollusque qui se fait de plus en plus rare est recherché pour son apport dans la cosmétique, la santé, l’agriculture et la décoration. Partout dans le monde, l’escargot vaut de l’or. On parle d’un marché mondial valorisé à 1 milliard d’euros, et qui croit de 4,5% par an, pour une production de 300 000 tonnes seulement. Une production insuffisante au regard des multiples sollicitations et utilisations de la chaire, de la coquille ou encore des excréments du mollusque.
En Afrique, un tour dans les marchés permet de se rendre compte de la situation. Au Bénin par exemple, en dépit du fait que le marché soit florissant, un panier de 40 escargots varie entre 10 000 FCFA et 25 000 FCFA en fonction de la taille. En cote d’ivoire, la demande s’élevait en 2021, à en croire les autorités ivoiriennes, à 250 tonnes pour une récolte dans les forêts de 07 tonnes, tandis que les producteurs ont fourni 14 tonnes.
En faisant les calculs, on se rend à l’évidence que le pays n’a produit que 20 tonnes du gastéropode, passé à 30 tonnes en 2022 pour un gap de 230 tonnes. Il n’est donc pas étonnant de constater que le kilogramme de ce mollusque coûte 5000 FCFA sur les étales des marchés ivoiriens, alors qu’à coté, on a la viande de bœuf à 2500 FCFA.
Au Nigeria, les vendeuses s’arrachent le mollusque, d’après une enquête réalisée par le magazine « Jeune Afrique » à 1,1euro, la pièce (250 nairas), pour le revendre à 300 nairas. Au Cameroun, le gastéropode coûte 3500 FCFA, le kilogramme en saison sèche et 6500 en saison pluvieuse, et les clients en demandent de plus en plus. Séché, le prix de la denrée atteint 25 000 FCFA. Plus cher encore, le litre de bave extraite des escargots destinée à la cosmétique et à l’industrie pharmaceutique est vendu à partir de 35 000 FCFA au Cameroun par exemple.
Au Nigeria, au Bénin et en Côte d’Ivoire où elle est également fortement demandée dans la médecine traditionnelle, le litre de bave d’escargot atteint 85 000 FCFA, la poudre lyophilisée très souvent importée vers l’Europe et l’Asie, également destinée à la cosmétique atteint les 100 000 FCFA le kilogramme. Car, « d’après les résultats des laboratoires, la bave du gastéropode est riche en collagène, en élastine, en protéine, en allantoïne et en acide glycolique », explique un expert.
Ces derniers sont des principes actifs ayant des propriétés anti-inflammatoires et réparatrices des imperfections de la peau,
précise-t-on.
L’escargot est donc prisé, il est clair, pour sa chaire, sa coquille et ses excréments (les chiffres à l’échelle du continent ne sont pas disponibles, mais il ressort d’après des enquêtes que les coquilles et les excréments rapportent également gros). Mais, il est surtout recherché, il ne souffre d’aucun doute pour sa bave.
Une occasion à saisir
D’où l’opportunité pour les Etats africains d’investir et à promouvoir l’héliciculture. Laquelle est encore embryonnaire sur le continent. En effet, les escargots commercialisés en Afrique proviennent en grande partie du ramassage effectué dans les forêts pendant les saisons pluvieuses. Il génère des revenus financiers, tout en procurant des emplois aux populations des zones forestières, mais ce n’est pas suffisant.
Ainsi, face à la forte demande des marchés internationaux et nationaux, il est donc nécessaire au-delà de toutes autres initiatives de promouvoir l’héliciculture en Afrique, afin de saisir l’opportunité qu’offre un marché dont la demande est supérieure à l’offre, de combler la demande locale, et pourquoi pas de capter une part considérable dans le milliard d’euros que génère ce marché par an au niveau mondial.
Pour cela, les Etats africains n’ont qu’à structurer la filière. Le climat et de pluviométrie étant déjà favorables au bon développement de cette culture sur le continent, laquelle présente plusieurs avantages en termes de coûts de production. En effet, il est admis de la plupart des experts que l’élevage des escargots présente de nombreux avantages et moins de risques.
Entre autres, ces mollusques n’ont aucune nuisibilité sur l’environnement, ils ne font pas de bruits, ils ne dégagent pas d’odeurs, et ne sont presque pas souvent touchés par les épizooties. En plus, sur le plan logistique, l’héliciculture n’est pas coûteuse car, les escargots consomment peu et les apports en termes d’équipements et de main d’œuvre ainsi que de financements sont relativement faibles par rapport aux autres types d’élevage (volaille, chèvres, bovins, porcs, etc.)
L’exemple du Maroc
Dans ce domaine, le Maroc est un exemple à suivre. Premier producteur africain d’escargot, et premier exportateur en destination de l’Union européenne, de l’Asie et les Etats-Unis, sa production se chiffre en 2022 à quelques 15 000 tonnes d’escargots de type « Morguette », indique Nadia Babrahim, présidente de la fédération nationale d’héliciculture.
Toutefois déplore-t-elle, cette production est boostée par la récolte dans la nature à son état sauvage et est principalement destinée à l’exportation. « De façon périodique et en fonction des conditions climatiques des régions, des ramasseurs procèdent à la collecte des escargots dans tout le pays. Ils sont triés par la suite, en écartant les morts, les brisés et les coquilles vides. Mais, ils ne demeurent pas longtemps dans le pays, puisque les meilleurs sont exportés ».
C’est ce ramassage qui représente le talon d’Achille de la profession. Car, il se fait de manière aléatoire, sans respect du repos biologique du mollusque, ni de son besoin d’accouplement, encore moins de ses périodes d’hibernation ou d’estivation.
Il faut savoir que l’escargot passe les trois quart de sa vie dans sa coquille, en raison de son incapacité physiologique à s’adapter aux changements de température, qu’ils soient à la hausse ou en baisse,
indique un expert.
Au moment où il renait de ses cendres pour répondre à l’ensemble de ses besoins naturels, il est donc ramassé pour poursuivre son chemin vers l’exploitation, entrainant ainsi la rupture de son processus de développement et de reproduction,
ajoute-t-il.
Si dans cette culture, c’est le ramassage à l’état sauvage qui prévaut, l’élevage quant à lui bien que minime y contribue. Au Maroc, une centaine de parcs d’élevages sont dénombrés dans l’ensemble du pays, et ces derniers devraient permettre, à en croire les autorités, de produire 100 tonnes vers la fin de 2023. Cela dit, la production devrait avoisiner les 400 tonnes, lorsque l’exploitation des parcs aura atteint son plein potentiel. Un exemple à suivre.