L’Afrique compte environ 350 millions de filles et de femmes en âge de procréer qui vivent avec moins de 1,90 dollar US par jour. Au Ghana par exemple, les femmes pouvaient se permettre d’acheter des serviettes hygiéniques au prix de 0,44 dollar US par paquet. Cependant, après que le gouvernement a augmenté les taxes sur les produits hygiéniques, un paquet de serviettes coûte désormais 1,78 dollar US, ce qui le met hors de portée du plus grand nombre. La hausse des prix a poussé les femmes à manifester devant le parlement ghanéen en juin 2023.
D’après BBC Afrique , une femme gagnant un salaire minimum de 26 dollars US (environ 15 681 francs CFA) par mois au Ghana devrait dépenser 3 dollars US (environ 1 809 francs CFA), soit un dollar sur 7 qu’elle gagne, pour acheter deux paquets de serviettes hygiéniques contenant huit serviettes. Cela signifie que pour chaque 7,11 dollar US qu’elle gagne, elle doit dépenser 0,98 dollar rien que pour les serviettes hygiéniques. À titre de comparaison, les femmes aux États-Unis ou au Royaume-Uni dépenseraient beaucoup moins. Par exemple, aux États-Unis, les femmes qui gagnent le salaire minimum dépensent 3 dollars sur 1 200 dollars (environ 723 748 francs CFA).
Au cours des dernières décennies, de nombreux acteurs se sont efforcés d’apporter des solutions pratiques à cette situation, notamment des gouvernements, des organisations internationales (UNFPA, Unicef, HCR, etc.), des organisations non gouvernementales (Fondation Bill & Melinda Gates, Fondation Buffett, etc.) et des entreprises privées. Parmi le large éventail de solutions privilégiées, les serviettes réutilisables apparaissent comme une innovation remarquable, représentant une alternative saine et abordable pour les millions de femmes qui ne peuvent se permettre les produits sanitaires jetables plus traditionnels.
Les serviettes hygiéniques réutilisables des jumelles Awa et Adam Drabo
Awa et Adam Drabo sont deux jumelles maliennes engagées dans l’entrepreneuriat innovant et durable, depuis juillet 2019. A la tête de l’entreprise écoresponsable 2AD company, elles produisent et commercialisent des serviettes hygiéniques réutilisables, à Bamako, la capitale malienne. C’est l’alternative saine et confortable qu’elles ont eu à trouver pour mieux gérer le cycle menstruel. Pour les femmes et les jeunes filles, elles conçoivent donc des serviettes confortables lavables et hautement absorbantes pour les accompagner tout au long de la journée et de la nuit.
La mission principale de 2AD Company est de faire reculer le tabou autour des règles et d’aider les jeunes filles et les femmes à s’épanouir durant leur cycle menstruel, en leur offrant des serviettes périodiques adaptées et respectueuses de l’environnement. Des serviettes confortables, moins chères et réutilisables pendant 6 mois à 5 ans. C’est l’alternative aux serviettes traditionnelles et aux serviettes hygiéniques jetables. Ensemble, avec leur équipe composée de douze (12) personnes, elles produisent 630 serviettes par jour, soit plus de 150.000 depuis la création de l’entreprise. Les couts de ces serviettes oscillent entre 1,66 dollar et 3,32 dollar US.
Les produits Safi Pads et Nia Pads au Kenya
Barclay Okari est le fondateur d’Impact Industries, une entreprise qui fabrique des serviettes hygiéniques lavables. Il a expliqué sur foundersafrica que pendant son expérience de volontariat dans une école à Narok, une petite ville du Sud-Ouest du Kenya, il a observé que plusieurs filles manquaient les classes en raison de leurs périodes menstruelles, car elles n’avaient pas les moyens d’acheter des serviettes hygiéniques. C’est à ce moment que Barclay décide de s’intéresser à ce marché.
Son projet rencontre un grand succès et le jeune homme parvient à récolter 18 000 dollars US auprès des associations pour étendre son activité. Impact Industries a vendu des serviettes à plus de 100 000 filles et femmes au Kenya et en Ouganda. Pour rappel, Barclay Okari a figuré en 2016 dans le classement Forbes des 30 jeunes entrepreneurs les plus prometteurs en Afrique.
La précarité menstruelle
En Afrique subsaharienne, près de 40 % de la population, dont une majorité de femmes, vit sous le seuil de pauvreté. Dans toutes les cultures, les règles ont été ou sont encore stigmatisées et considérées comme quelque chose de « sale » ou d’« impur ». Ainsi, les sujets relatifs aux menstruations doivent être tus et ne sont pas discutés ouvertement. Il a pourtant été démontré que le coût des protections est trop élevé dans cette région du monde et empêche les jeunes filles et les femmes de vivre leurs périodes menstruelles dans la dignité.
Pour preuve, à Kédougou, au Sénégal, plus de la moitié des femmes utiliseraient du tissu comme protection hygiénique durant leurs règles. La majorité d’entre elles précisent qu’elles y ont recours à cause du coût trop élevé des serviettes hygiéniques jetables. Or, ces tissus, s’ils ne sont pas adaptés et lavés correctement, peuvent provoquer des infections. C’est ainsi que près d’un quart des femmes interrogées dans cette région déclarent en avoir déjà eu au cours de leur période menstruelle.
Au Niger et au Burkina Faso, faute de production locale, les protections hygiéniques, comme les tampons, doivent être importées à des coûts exorbitants. Elles restent inabordables pour beaucoup de femmes. Selon Mordor Intelligence, La taille du marché d’hygiène féminine est estimée à 36,20 milliards USD en 2023 et devrait atteindre 45,78 milliards USD d’ici 2028, avec un TCAC de 4,81% au cours de la période de prévision (2023-2028).