Dans sa Revue des finances publiques, publiée le 6 août 2024, la Banque mondiale publie les principaux résultats et recommande des réformes budgétaires audacieuses pour libérer le plein potentiel du Cameroun. Des réformes qui devraient permettre d’accroître les recettes fiscales ; améliorer la performance de l’allocation et de l’exécution budgétaires ; accroître l’efficience des dépenses publiques de capital humain au Cameroun et assurer l’efficacité de la fourniture de services publics au niveau local.
Pour améliorer la mobilisation des recettes intérieures et réduire le gap fiscal estimé à 6 % du PIB, le Cameroun, selon la Banque mondiale pourrait envisager de mettre en œuvre une stratégie de recettes à moyen terme (MTRS). Ce, en matière de politique fiscale, en révisant la loi sur l’investissement de 2013 pour rationaliser les incitations fiscales ; en réduisant le champ d’application des exonérations conformément aux directives régionales de la CEMAC de 2022 ; en établissant le Code des impôts comme seule référence pour les exonérations fiscales et en révisant la politique fiscale foncière, y compris les structures de taux d’imposition foncière et les régimes d’abattement/allègement fiscal applicables.
Pour ce qui est de l’administration fiscale, la Banque mondiale recommande de créer une base de données complète sur l’impôt sur le revenu des particuliers, avec une ventilation par contribuable séparée par tranche de revenu ; généraliser l’utilisation obligatoire de systèmes de facturation électronique ; réaliser des évaluations préalables à la déclaration des biens immobiliers de grande valeur dans les quartiers d’affaires et fournir aux contribuables des déclarations fiscales préremplies avec la valeur des biens ; améliorer l’approche basée sur les risques pour le contrôle en se concentrant sur les segments de contribuables présentant des risques élevés de non-conformité et mettre en place un mécanisme accessible et efficace de résolution des litiges fiscaux.
Réduire le montant des dépenses communes
En vue d’améliorer la performance de l’allocation et de l’exécution budgétaires, la Banque mondiale demande au Cameroun de réduire le montant des dépenses communes ; prévenir les déviations budgétaires entre LFI-LFR-LR en introduisant des critères d’accès à une allocation supplémentaire ; adopter une feuille de route pour réduire le niveau des dépenses exécutées suivant des procédures dérogatoires en dessous du plafond de 5 % des dépenses totales. Mais également, adopter des critères de sélection des projets et renforcer les évaluations ex ante et ex post de la mise en œuvre des projets ; entreprendre une étude pour identifier les ministères qui accumulent un stock important d’arriérés et utiliser l’allocation budgétaire sectorielle pour apurer les arriérés ; accélérer la mise en œuvre du Compte unique du Trésor pour améliorer la gestion financière de l’État et renforcer les données budgétaires en établissant une plateforme centralisée pour assurer une collecte et un reporting cohérents et précis des données entre les entités.
Accroître l’efficience des dépenses publiques de capital humain au Cameroun
Notamment, en réaffectant les dépenses d’éducation vers les priorités stratégiques et améliorer l’efficacité. A travers la mise en œuvre intégrale de la réglementation de novembre 2022 sur la transparence et l’efficacité du financement des écoles ; appliquer un redéploiement plus équitable des enseignants et réduire le nombre de personnels administratifs ; créer un Fonds national des manuels scolaires pour soutenir l’édition, l’impression et la distribution des manuels scolaires, en particulier dans les zones d’éducation prioritaires (ZEP) ; soutenir la gratuité ciblée des manuels scolaires dans les zones d’éducation prioritaires (ZEP). Mais aussi, réformer les barrières administratives telles que l’exigence d’un certificat de naissance pour obtenir un diplôme d’école primaire, augmenter les allocations pour l’éducation, en particulier les investissements.
Pour améliorer l’efficacité et l’efficience des dépenses publiques de santé et augmenter les dépenses publiques dans le secteur, la Banque mondiale recommande d’accorder la priorité aux allocations budgétaires destinées aux programmes de santé publique essentiels et aux services de santé productifs. Ce, en augmentant les ressources financières globales disponibles pour le secteur de la santé, en harmonisant et en consolidant les systèmes de financement existants ; accélérer la décentralisation des dépenses de santé grâce à la mise en œuvre effective de nouvelles réglementations ; renforcer le cadre de financement basé sur la performance et accélérer sa mise en œuvre à l’échelle nationale.
En vue d’accroître l’efficience des dépenses publiques de protection sociale au Cameroun, l’on recommande au Cameroun de réaffecter une partie des économies et des ressources issues des ajustements des subventions à l’élargissement d’un programme national de filets sociaux. Et ainsi, adopter et publier la Stratégie nationale de protection sociale ; mettre en place des plateformes de prestation solides comme le Registre Social, et étendre la couverture des filets sociaux et des programmes ciblant les jeunes ; augmenter les allocations et décaissement des fonds publics ; transformer le projet filets sociaux en un programme national doté d’un cadre juridique et politique approprié. Mais aussi, mettre en place une structure gouvernementale permanente et stable pour héberger les programmes d’assistance sociale et réformer le système de retraite public actuel.
Booster la décentralisation budgétaire
Pour assurer l’efficacité de la prestation de services publics au niveau local, l’institution de Bretton Woods demande au Cameroun de booster la décentralisation budgétaire, en améliorant la mobilisation des recettes locales par la mise en œuvre effective de la future loi sur la fiscalité locale, prônée par la SND30. Pour cela, l’on préconise d’accroître l’autonomie budgétaire des régions, en donnant la possibilité aux conseils régionaux de déterminer les taux de majoration par rapport aux taux nationaux et de patente dans la limite de 10 % ; régionaliser la patente ; augmenter l’allocation du budget national aux CTDs ; fluidifier les transferts vers les CTDs : intégrer les sous-comptes des régions et des communes dans le CUT pour les transferts directs de fonds ; renforcer la transparence, la redevabilité et participation citoyenne dans les processus décisionnels liés aux questions fiscales locales : consultations publiques lors de la préparation du budget, publication des budgets des CTDs, soumission des comptes des CTD aux audits, etc…Mais aussi, renforcer les capacités des CTDs en matière budgétaire : planification, préparation et exécution du budget et mettre en œuvre un système de péréquation fiscale, de subventions conditionnelles d’investissement.