Dans un contexte où la sécurité alimentaire et la transformation locale deviennent des priorités stratégiques sur le continent, le Gabon et la Côte d’Ivoire offrent deux parcours singuliers en matière de productions agroalimentaires. Si la Côte d’Ivoire s’impose comme une puissance agricole régionale, le Gabon dispose d’un potentiel encore largement inexploité.
Côte d’Ivoire : un géant agricole
Avec 45 % de sa population active dans le secteur, l’agriculture reste un pilier de l’économie ivoirienne. Le pays est leader mondial du cacao et de la noix de cajou, et figure aussi parmi les plus grands producteurs de caoutchouc, coton et huile de palme. Ces filières ne se limitent plus à l’exportation brute. La Côte d’Ivoire a misé sur l’industrialisation pour capter davantage de valeur ajoutée. En 2023, le broyage de cacao a atteint près de 972 000 tonnes, confirmant la position du pays parmi les premiers transformateurs mondiaux. La noix de cajou connaît également une évolution : plus de 20 % de la production est désormais traitée localement.
Même si cette performance cache une fragilité : l’agriculture vivrière. Riz, manioc et banane plantain restent insuffisants pour nourrir une population croissante. Le pays importe encore massivement du blé, du lait, du poisson et d’autres produits transformés, révélant une dépendance alimentaire persistante.
Gabon : un potentiel en friche
Au Gabon, le secteur pétrolier contribue encore entre 30 et 40 % du PIB et représente en moyenne 50 à 60 % des recettes de l’État, selon les cours internationaux. Cette forte dépendance du Gabon au pétrole représente un risque majeur pour son économie en raison de la volatilité des prix mondiaux et du déclin de la production. Depuis plus de 15 ans, les autorités gabonaises mettent sur pied des plans de diversification de l’économie. Un chantier dont les dirigeants de la Ve République, sous la houlette du président Brice Clotaire Oligui Nguema, ont décidé d’en faire un champ de bataille. C’est dans cette optique que le Gabon entend saisir les opportunités d’investissement et de partenariats avec les acteurs économiques ivoiriens dans plusieurs secteurs d’activités dont l’agriculture et l’agro-industrie.
Quand on retire le pétrole, le Gabon a une balance commerciale déficitaire. Ceci, du fait que nous importons essentiellement tout ce que nous mangeons. Nous sommes à un peu près de 500 milliards de Fcfa, soit près d’un milliard de dollars d’importations de produits alimentaires. Nous ne pouvons pas rester dans cette situation éternellement. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire a su développer une expertise sur les questions liées à la production locale, à la souveraineté alimentaire et autres. Donc, dans des secteurs tels que l’agro-alimentaire, l’agribusiness, nous espérons tirer profit de l’expérience ivoirienne pour développer ces programmes chez nous
indique le Directeur général de l’Agence nationale de promotion des investissements du Gabon, Ghislain Moandza Mboma, dans une interview exclusive accordée à Invest-Time.
5,2 millions d’hectares de terres arables
Au Gabon, pays situé au cœur de l’Afrique centrale, l’agriculture contribue faiblement au PIB malgré des conditions favorables. Le pays dispose de 5,2 millions d’hectares de terres arables, mais sa production locale ne couvre qu’environ 40 % des besoins alimentaires. Viandes, fruits, légumes et céréales sont massivement importés pour combler le déficit.
Face à cette situation, les autorités ont lancé plusieurs initiatives. Le Pacte agricole et le programme GRAINE visent à structurer des coopératives, améliorer les rendements et renforcer les cultures stratégiques telles que le manioc, la banane plantain ou le riz.
Deux trajectoires, un défi commun
En comparant les deux pays, les contrastes sont évidents. La Côte d’Ivoire, forte de son poids agricole, cherche à monter en gamme grâce à la transformation industrielle. Le Gabon, lui, doit d’abord atteindre un seuil d’autosuffisance vivrière avant d’aspirer à devenir un hub agro-industriel. Mais au-delà de ces différences, un objectif commun se dessine : réduire la vulnérabilité alimentaire et renforcer la souveraineté agricole. Pour la Côte d’Ivoire, cela passe par une meilleure structuration de l’agriculture vivrière. Pour le Gabon, la clé réside dans une montée en puissance progressive des filières de base, appuyée par des investissements, des innovations et surtout le transfert des compétences et la coopération Sud-Sud. D’où l’importance du forum d’affaires entre les deux pays, déjà très attendu à Libreville pour sa première édition.
Transfert de compétences Sud-Sud
Le forum s’articulera autour d’un panel de haut niveau, d’un autre consacré au secteur privé, des opportunités d’investissements, des tables rondes, des rencontres B to B, des visites de sites touristiques. Ce sera également une occasion pour les deux pays d’explorer les pistes de partage d’expériences pour une croissance mutuelle.
Le Gabon offre de nombreuses opportunités. Mon message est celui de la mobilisation du secteur privé parce que dans le fond nos pays ne se développeront que par nous-même. Aujourd’hui, chacune de nos nations a atteint un certain niveau d’expertise dans son domaine.
Souligne Ghislain Moandza Mboma.
Le Gabon, riche de ses ressources naturelles et fort de son engagement environnemental, ambitionne de devenir un hub économique en Afrique centrale. La Côte d’Ivoire, de son côté, s’impose comme un pôle de croissance en Afrique de l’Ouest grâce à une économie diversifiée et un climat des affaires en amélioration continue. Dans cette perspective, le forum vise à encourager les partenariats public-privé et les coopérations inter-entreprises, tout en renforçant l’intégration économique continentale, en phase avec la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).