Entre le gouvernement du Cameroun et le groupe français Eramet, le divorce est prononcé. Le groupe français vient de décider d’abandonner le projet de rutile d’Akonolinga dans la région du Centre.
Selon un communiqué publié le 26 octobre 2023 et relayé par nos confrères du journal EcoMatin, le Comité exécutif du groupe n’a pas approuvé l’investissement de 180 millions d’euros, soit environ 118 milliards de FCFA, pour continuer la phase suivante du projet en vue d’un passage en exploitation.
Le groupe va débuter une démobilisation responsable et respectueuse des lois locales par une réhabilitation du site aux normes internationales, une restitution des permis de sables minéralisés et une transmission des études réalisées sur le rutile d’Akonolinga à l’Etat du Cameroun
Eramet propose également à l’Etat de lui transférer par le biais d’une convention à 1 euro symbolique, la mini-usine pilote d’essai dénommée « Mbape », conçue pour le traitement du rutile d’Akonolinga.
Quant aux autres permis, ils feront l’objet de finalisation de l’exploration engagée pour conclure sur l’intérêt relatif de chaque permis.
Il précise que Eramet va réaliser une démobilisation progressive des personnels du projet au 31 décembre 2023, dont une partie sera retenue au-delà de cette date pour finaliser le programme de réhabilitation environnementale.
L’ensemble des primes prévues par la loi camerounaise et la convention collective nationale des hydrocarbures sera versé au personnel démobilisé.
Le plan de démobilisation prévoit de s’achever en fin mars 2024, informe le groupe français par une correspondance de Loïse Tamalgo, Administrateur général Eramet Cameroun, adressée à Fuh Gentry, le ministre par intérim des Mines, de l’Industrie et du développement technologique (Minmidt).
A l’origine du divorce…
Au début du mois d’octobre courant, le Minmidt par intérim, Fuh Calistus Gentry, au cours d’une réunion par visioconférence, a menacé de rompre toute relation avec Eramet Cameroun S.A et de l’évincer du projet d’exploitation du rutile d’Akonolinga.
La filiale de l’opérateur minier français a obtenu 5 permis de recherches par appel d’offres en novembre 2019, pour une durée de 3 ans renouvelable. Fuh Calistus Gentry a même donné jusqu’à la fin du mois d’octobre en cours à cette entreprise pour lui produire un chronogramme clair du démarrage de l’exploitation.
Faute de quoi, il se verrait dans l’obligation de demander aux services du Premier ministre, l’autorisation de conclure un accord avec d’autres partenaires capables de démarrer le plus rapidement possible ce projet.
Un projet jugé peu rentable par Eramet
Déjà dans une correspondance adressée le 16 octobre 2023, à Fuh Gentry, Loïse Tamalgo a informé de la « décision de non-investissement du groupe Eramet ».
Il est bon de rappeler que pendant les 4 ans de présence du groupe Eramet au Cameroun, nous avons investi 13,6 millions d’euros, soit environ 9 milliards de FCFA dans le projet en ressources humaines et techniques, et en contribution sociale, réalisé plus de 2000 sondages sur les 4 permis de rutile d’Akonolinga, mis à jour 89 millions de tonnes de ressources étendues sur 3400 hectares avec une épaisseur, relativement faible, d’en moyenne 1,7 mètre et une teneur moyenne de 0.96%. Cela est un gage de notre engagement à faire réussir le projet. Toutefois, comme tout projet minier, c’est le gisement et les résultats techniques qui dictent la marche à suivre à la fin. Les résultats économiques des études défient toute viabilité d’un projet industriel rentable : un quart seulement des ressources, soit 203 000 tonnes ont une teneur qui dépasse la teneur de coupure économique. La gestion des eaux et des particules ultrafines pouvant impacter l’environnement et la biodiversité, viennent drastiquement renforcer les coûts opératoires et les coûts d’investissements pour un projet d’exploitation
écrivait Loïse Tamalgo.
Avant d’ajouter qu’
il ressort des résultats de l’étude complémentaire de la dernière année que le projet dans les conditions actuelles de marché et de niveau de connaissance des procédés n’est pas économiquement viable
A en croire Tomalgo, les études du gisement ont montré qu’il y a une présence très importante de particules ultrafines dont 75% ne décantent pas dans le gisement de rutile d’Akonolinga.
Ce qui entraîne un risque environnemental qui ne peut être mitigé que par des investissements très importants qui rendent le projet non rentable.
De plus, le traitement des particules ultrafines pourrait générer une modification de la qualité de l’eau et avoir un impact sur la biodiversité.
Pour décanter ces particules fines, il est nécessaire de procéder à des ajouts massifs de produits chimiques, notamment des floculants et sels, sans que cela ne donne la certitude de pouvoir rejeter une eau propre et de qualité comparable à celle du milieu naturel initial
Pour nous, cela constitue un obstacle majeur non résolu et, en tout état de cause, très couteux
martèle le responsable.
Le groupe Eramet, un des leaders mondiaux des métaux d’alliages (notamment le manganèse et le nickel) et de la métallurgie, avait obtenu des permis de recherches sur le bloc rutilifère d’Akonolinga à l’issue d’une procédure d’appel d’offres lancée en septembre 2018.
Il a ainsi décroché ce contrat devant BWA Group, dont le siège se trouve à Lisbonne au Portugal.