Lorsque le gouvernement du Nigeria décide en 2010 de confier à la société d’ingénierie, Process and Industrial Developments Limited (P&ID), entreprise enregistrée aux îles Vierges britanniques, le projet de construction d’une usine de traitement de gaz dans le Sud-Est du pays, pour produire de l’électricité, Abuja ignore les tourments aux devants desquels elle s’engage.
Le contrat conclu sous l’ère Goodluck Jonathan, président du Nigeria entre 2010 et 2015, s’avèrera un véritable piège pour ce géant de l’économie africaine. Aux termes de l’accord en effet, le gouvernement nigérian est censé livrer l’infrastructure et les pipelines nécessaires pour fournir du gaz à l’usine. P&ID doit construire l’usine, puis l’exploiter et commercialiser la production pour une période de 20 ans.
Rien ne se passe pourtant comme prévu. Indexant le gouvernement nigérian accusé d’avoir violé l’accord, P&ID fait ses comptes et considère qu’elle aurait réalisé un bénéfice de 6,6 milliards de dollars US au cours de cette période de 20 ans d’exploitation de l’usine.
La société affirme par ailleurs que les 7% d’intérêts annuels qu’elle était supposée prélever sur ce capital s’élèveraient désormais à 2,4 milliards de dollars US, au taux de 1,2 million USD par jour, ce qui pousse le montant à un total de 9 milliards USD. Avec les intérêts, la somme réclamée atteignait désormais plus de 11 milliards de dollars. Soit environ 20% des réserves de change du Nigeria.
40 millions de dollars US en travaux préparatoires
Selon les sources de Invest-Time, Process and Industrial Developments Limited n’aurait dépensé en fait que 40 millions de dollars américains en travaux préparatoires.
Or, en 2017, un tribunal d’arbitrage de Londres saisi par Process and Industrial Developments Limited accorde tout de même 6,6 milliards de dollars de dommages et intérêts à l’entreprise, qui obtient ensuite en août 2019 un jugement lui autorisant la saisie pour un montant total de 9,6 milliards de dollars US d’actifs du Nigeria.
Le gouvernement de l’ancien président Muhammadu Buhari, qui hérite de l’affaire, fait immédiatement appel et obtient un sursis à exécution de la décision, sous réserve du versement (effectué) de 200 millions de dollars de garantie à P&ID. Au motif de ce recours, il évoque « pots-de-vin, corruption et parjure », concernant à la fois l’accord gazier mais aussi la procédure d’arbitrage.
Au final, ce lundi 23 octobre 2023, un tribunal commercial de Londres vient de donner raison au Nigeria dans cette affaire. « Les décisions (d’arbitrage) ont été obtenues par la fraude », a ainsi indiqué le juge Robin Knowles dans son jugement, cité par nos confrères de Jeune Afrique.
Une victoire pour notre continent longtemps exploité
Réagissant à ce verdict qui lui est favorable, la présidence de la République fédérale du Nigeria, dans un communiqué rapporté par l’Afp s’est satisfaite du jugement :
La victoire d’aujourd’hui n’est pas pour le seul Nigeria. C’est une victoire pour notre continent longtemps exploité et pour les pays en développement dans leur ensemble
Un autre procès sur le même litige gazier serait engagé par P&ID devant un tribunal américain.
En 2019, un expert juriste s’étonnait déjà de cette affaire et des décisions jugées iniques rendues jusque-là
Il serait impensable qu’un État-nation verse autant de capital à une petite entreprise inconnue qui n’a investi qu’une petite fraction de ce montant dans le pays et n’a effectué aucune des dépenses contractées. En outre, il est déroutant qu’un tribunal britannique envisage même une telle décision
La demande de compensation de 11 milliards de dollars US présentée par P&ID semble absurde, pourtant les entreprises dont les contrats signés avec les gouvernements africains ne sont pas respectés ont bien le droit de réclamer une compensation, de la même manière que les dirigeants africains doivent veiller aux clauses des contrats qu’ils signent afin que de telles situations ne se répètent pas.
Car comme le dit justement un observateur averti : « Assez d’argent a été gaspillé dans des procédures qui pourraient être utilisées pour améliorer la vie des Africains ».