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Transport urbain de masse : les ambitions de l’Égypte, l’expérience sud-africaine, le rêve ghanéen et les petits-pas du Nigeria

Doté d’un des plus anciens réseaux de métro africain, avec la Tunisie et l’Algérie, le pays des Pharaons s’engage dans de gigantesques projets d’extension et de modernisation de son matériel ferroviaire roulant. Il envisage d’ici 2028 l’acquisition de 40 nouveaux trains et 27 stations, dont 12 souterraines. Il lance en outre la construction d’un métro sans conducteur. Pendant ce temps, le Ghana, aidé par l’Afrique du Sud, finance la construction d’un métro aérien pour un coût de 2,6 milliards d’euros. Excepté l’Afrique centrale, trop en retard, des projets d’investissement dans le transport de masse pour décongestionner les métropoles surpeuplées essaiment sur le continent. Mais ils ne sont pas suffisants au regard des opportunités existantes.

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© AFP

Lors de sa dernière visite en Côte d’Ivoire, fin décembre 2022, le ministre français de l’Economie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire avait annoncé le lancement de grands projets, dont le métro d’Abidjan.

Aujourd’hui marque le démarrage concret de la réalisation de ce grand projet d’infrastructure qu’est le Métro d’Abidjan. Je tenais à être présent pour ce lancement. Ce projet ambitieux est également un projet social qui va bénéficier à des millions d’habitants d’Abidjan. Il contribuera également au rayonnement de la Côte d’Ivoire de manière générale et à la fraternité qui unit la France et la Côte d’Ivoire,

avait déclaré le membre du gouvernement français au cours de l’audience que lui a accordée le Premier Ministre ivoirien, Patrick Achi.

Au sortir d’une autre audience à lui accordée par le chef de l’Etat Alassane Ouattara, Bruno Le Maire présentait cette initiative ambitieuse comme « l’un des plus grands projets d’infrastructures du continent » sensé « profiter à des millions d’habitants d’Abidjan au quotidien » et « améliorer la vie quotidienne de chacune et de chacun ».

L’annonce du lancement avait surpris plus d’un observateur averti. Ce d’autant plus que le 30 novembre 2017, soit cinq ans plus tôt, le chef de l’Etat Alassane Ouattara avait procédé au lancement officiel des travaux de construction de la première ligne du métro ivoirien.

La cérémonie s’était déroulée à la gare de Treichville en présence de son homologue français, Emmanuel Macron, dont le déplacement et le soutien se justifiaient par l’implication de son pays dans la conduite de cette initiative.

1,4 milliard d’euros pour construire un linéaire de 37 km de voie ferrée devant transporter 500 000 Abidjanais par jour 

En effet, le projet avait initialement été confié aux Coréens Hyundai Rotem et Dongsan engineering, qui n’avaient pas pu réunir tous les financements nécessaires à la réalisation de ce gigantesque chantier.

Finalement, ce sont leurs concurrents français Kéolis, Alstom, et Bouygues qui avaient raflé la mise en vue de l’exécution du projet. Le coût des travaux est estimé à 918 milliards de francs CFA (environ 1,4 milliard d’euros) et ils sont financés intégralement par la France. Toutefois, en incluant tous les tronçons, le coût prévisionnel se situe autour de 1 166,43 milliards de francs CFA, soit 1,77 milliard d’euros. Ce chiffre n’a pas connu de renégociation depuis 2019.

Début janvier 2018, lors d’une adresse à la nation, le chef de l’Etat ivoirien avait ordonné la livraison des travaux entre 2021 et 2022. Mais de nombreuses contraintes ont fini par compromettre les prévisions, et ce n’est qu’en novembre prochain que devraient démarrer les travaux principaux sur les emprises.

D’après le dernier chronogramme à date, annoncé par les autorités ivoiriennes, il faudra attendre 2025 pour que le métro soit opérationnel. L’année dernière, le gouvernement ivoirien avait entamé des négociations avec Alstom en vue de la livraison des 26 premières rames sur les 28 rames qui devront assurer le transport de quelque 500 000 Abidjanais chaque jour et décongestionner la capitale économique ivoirienne, d’après les prévisions. La mise en service des rames ne se fera pas avant 2024.

« Métro d’Abidjan », 3ème projet de métro en Afrique subsaharienne

Annoncé depuis les années 1970, au temps de feu le président Félix Houphouët Boigny, par la Direction et contrôle des grands travaux, aujourd’hui connue sous le nom de Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD), le métro d’Abidjan n’avait pu être opérationnel dans les années 1990 comme escompté, à cause de la rude crise qui avait frappé de plein fouet et fragilisé l’économie mondiale et celle des pays émergents en particulier au cours de la décennie 1980.

Il fallut finalement attendre l’an 2011 pour que le projet fût remis sur la sellette par le président Alassane Dramane Ouattara, alors au début de son tout premier mandat à la tête de la Côte d’Ivoire.   

Le métro d’Abidjan va rallier le nord d’Abidjan depuis la commune d’Anyama (ville située à 10 kilomètres au nord d’Abidjan) à l’aéroport international d’Abidjan, situé au sud de la ville, en passant par les communes de Treichville, Port-Bouët, Marcory, Abobo, Adjamé, et de Plateau. L’achèvement du premier tronçon (Anyama centre – Plateau lagune) était annoncé pour la mi-2023.

Tandis que le second tronçon (Plateau lagune – Port-Bouët Aéroport) devrait être livré un an plus tard, vers juin 2024. C’est alors que pourraient débuter les travaux de la seconde ligne, d’après le ministère des Transports ivoirien, cité par des médias de ce pays. Le linéaire de 37 km comporte 20 stations, 21 ponts rail-route, un viaduc sur la Lagune et 40 passerelles piétonnes.

La deuxième contrainte justifiant le retard observé dans le lancement du projet est d’ordre écologique. Le tracé initial devait entraîner en effet la destruction d’une partie de la forêt du Banco située en plein cœur de la capitale économique ivoirienne.

En dépit des critiques faites par des écologistes, le président Ouattara avait signé un décret modifiant les limites cette aire luxuriante d’environ 3500 hectares dont le sous-sol abrite une importante partie de la nappe phréatique ravitaillant les Abidjanais.

Perçu comme un « projet gagnant-gagnant » par le Premier ministre ivoirien Patrick Achi, le « Métro d’Abidjan » s’inscrit dans le cadre du Programme « Vision 2030 » du président Ouattara, et il a pour finalité de doubler le PIB par habitant de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2030. La mise en œuvre de ce projet classe la Côte d’Ivoire au troisième rang des pays de l’Afrique subsaharienne ayant engagé ce type de projet de transport.

Il faut savoir qu’il n’y a pas de métro à Addis-Abeba en Éthiopie, ni à Abuja au Nigeria, ni à Pretoria en Afrique du Sud, et encore moins à Dakar au Sénégal. Il n’y a que trois pays en Afrique qui ont des projets de métro réalisés ou en voie de réalisation : l’Algérie, l’Égypte, et la Côte d’Ivoire,

se félicitent des sources au ministère des Transports ivoiriens citées par des confrères.

Abuja envisage la construction d’un réseau de métro de 292 km, dont la 1ère phase a coûté 745 millions d’euros

Les trains métropolitains de Tunis et du Caire ont été mis en service en 1985 et en 1987 respectivement. Le 12 juillet 2018, le Nigéria a inauguré dans la capitale fédérale du pays, Abuja, sa première ligne de métro baptisée la « Yellow Line », longue de 26,7 kilomètres.

Elle relie l’aéroport d’Abuja au centre-ville. Les cinq autres lignes sont en cours de construction. Le projet baptisé « Abuja Light Rail », qui comprendra à terme six lignes et totalisera 292 kilomètres, bénéficie de l’appui financier de la Chine.

L’Empire du Milieu s’est vu confier le marché de construction des deux premières lignes d’une longueur de 42,28 kilomètres, déjà opérationnelles, pour un coût de 745 millions d’euros. La deuxième ligne, baptisée « Blue Line », a été inaugurée le 12 juillet 2019, soit un an jour pour jour après la première.

Les travaux de la troisième ligne sont exécutés par la China Civil Engineering Construction, maître d’œuvre des deux précédentes lignes. C’est la même société chinoise qui va exécuter la construction de la prochaine phase de ce projet de métro, dont il est attendu qu’il désengorge la ville nigériane d’Abuja, peuplée de 2,5 millions d’habitants.

Le métro de Lagos est en cours de construction et sa livraison était prévue pour 2022, tout comme celle du train urbain de la ville de Sfax en Tunisie. Luanda annonce la mise en service de son métro léger en 2024. Sauf désagrément de dernière heure, la ville algérienne d’Oran devrait procéder à la mise en service de son métro cette année. Ce sera alors le second métro du pays en douze ans, après celui d’Alger inauguré en 2011.   

Johannesburg-Pretoria : le plus grand projet ferroviaire d’Afrique, tandis que le Ghana sollicite l’Afrique du Sud pour la construction d’un métro aérien

En juin 2010, à la veille de la Coupe du monde dont il était le pays hôte, l’Afrique du Sud a inauguré son premier train express dans la capitale économique Johannesburg. La rame assure la desserte de l’aéroport Tambo au centre-ville.

Les travaux de la première phase de la liaison ferroviaire de la province du Gauteng, baptisée « Gautrain », ont été exécutés par le consortium Bombela en association avec le Français Bouygues et d’autres partenaires comme Murray and Roberts Holdings Ltd, deuxième société du secteur des BTP en Afrique du Sud.

Son exploitation a été confiée à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) pour une durée de 15 ans, tandis que le Canadien Bombardier en assure la fourniture du matériel et la réalisation des travaux électriques.

Le projet de métro sud-africain totalise 80 kilomètres, jusqu’à Pretoria, comprenant au total 45 chantiers où 10 000 ouvriers ont besogné. L’infrastructure a coûté 2,5 milliards d’euros et est présentée comme le plus grand projet ferroviaire d’Afrique. Forte de son expérience dans le domaine de la fluidité et la mobilité urbaines, l’Afrique du Sud apporte aujourd’hui son expertise aux autres pays du continent en matière de pilotage de projets de trains urbains.

Le 11 novembre 2019, en marge du Forum pour l’investissement en Afrique (AIF), à Johannesburg, en Afrique du Sud, le gouvernement ghanéen avait signé un accord de concession de 2,6 milliards de dollars avec le consortium sud-africain African Investment SkyTrain en vue de la construction d’un métro aérien à Accra, dans la capitale ghanéenne, où plus de six millions de personnes ont de la peine à se mouvoir.

Le chantier devrait générer 5000 emplois pendant la phase de construction, et plus du double aussitôt que les travaux seront achevés, selon le directeur général du Ghana Infrastructure Investment Fund (GIIF), Solomon Asamoah. La disponibilité du budget pour le démarrage était annoncée pour la fin 2020.

Le consortium African Investment SkyTrain est constitué de Wilson Bayly Holmes, une société sud-africaine d’ingénierie de la construction, BUNENGI Group, une société de développement de projets d’infrastructure et Africa Investor Capital, la branche d’investissement et de financement du groupe AI. La sollicitation du groupe sud-africain fut commentée par le président ghanéen de l’époque, Nana Akufo Addo, comme « un bon exemple de la coopération intra-africaine ».

Avec l’acquisition de 40 nouveaux trains et 27 stations, dont 12 souterraines, l’Egypte étend son réseau de métro

On le voit, la course vers l’option de la construction de métros pour désengorger les principales villes en Afrique est lancée. Dans un continent peuplé d’1,2 milliard d’âmes, et dont la démographie pourrait doubler dans les 50 prochaines années, ces mesures sont salutaires voire urgentes.

C’est dans cette optique qu’en juin dernier, l’Egypte a signé avec la Coré du Sud un accord en vue de la construction locale de 40 trains totalisant 320 wagons. Pour un coût de 460 millions de dollars. Les trains vont compléter le parc des métros 2 et 3 du Caire. Le montage va être effectué dans une unité de production située dans la zone économique du Canal de Suez, selon un communiqué du ministère égyptien de la Coopération internationale.

Le coût global du projet est de 656 millions de dollars US tel que détaillé dans l’accord initial conclu en août 2022 entre l’Autorité nationale des tunnels (NAT) d’Egypte et le géant du ferroviaire coréen Hyundaï Rotem.

La totalité du matériel roulant devant être fourni par le Korean Economic Development Cooperation Fund (EDCF), affilié à la Korea Eximbank, sera livrée dans les cinq prochaines années. La Corée du Sud s’inscrit ainsi dans la longue liste des partenaires techniques internationaux dont l’expertise a été sollicitée ces quarante dernières années par l’Egypte pour mener à bien ses projets dans le transport urbain de masse.

Il s’agit notamment de Siemens Mobility, Hyundai Rotem, Talgo, Wabtec, Deutsche Bahn (DB) et bien d’autres. Un accord similaire a été signé entre l’Egypte et le constructeur espagnol Talgo dans la même perspective : la fourniture de wagons produits sur le sol égyptien.  

Mais le pays ne compte pas s’arrêter là. Dans le cadre du projet d’extension du réseau ferroviaire cairote, les autorités égyptiennes ont confié à la multinationale française Alstom le projet de développement du métro sans conducteur sur la   ligne 6 du métro du Caire. Le géant français devra assurer notamment la conception, la construction et l’entretien de ladite ligne.

Soit au total 27 stations, dont 12 souterraines, qui pourraient accueillir près d’un demi-million de passagers dans une capitale qui comptait près de 9,54 millions d’âmes en 2017. L’accord-cadre avait été conclu en novembre 2022 à l’occasion de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les réchauffements climatiques (COP27) à Sharm-el Cheik.

Ethiopie et Île Maurice : le tramway en attendant le métro

La fédération de l’Ethiopie elle aussi a de très grandes ambitions en matière de fluidité de la mobilité urbaine et notamment les transports ferroviaires urbains de masse, mais le pays se contente pour le moment de son tramway, dont il a inauguré la première ligne en septembre 2015. Le projet a été financé à hauteur de 470 millions de dollars dont 85% ont été débloqués par la banque chinoise Export Import sous la forme de prêt.

Mais l’exploitation du réseau dont la première ligne est longue de 32 km a été sous-optimisée dès février 2022. Près de la moitié du matériel roulant du réseau de métro léger d’Addis-Abeba était alors hors service.

Soit 23 voitures ferroviaires en panne sur les 40 existantes que compte le réseau, nécessitant une enveloppe estimée à 60 millions de dollars US pour la réparation du réseau depuis sa mise en exploitation en novembre 2015, selon chef du Bureau des transports d’Addis-Abeba, Mitku Asmare, interviewé par The Reporter, un média local éthiopien.

En cause, la vétusté desdits matériels ayant pour effet une baisse considérable du trafic et du rendement : les rames transportaient à peine 56 000 personnes par jour, contre près de 113 500 passagers au début de leur mise en service fin 2015. De quoi offusquer la presse éthiopienne, qui annonçait la fourniture par la Chine de pièces de rechange pour réparer le réseau.

The Reporter rapporte aussi que les revenus générés par le tramway éthiopien au cours de ses quatre premières années de service se chiffraient à 11,1 millions de dollars US, alors que les coûts d’exploitation étaient évalués à 154 millions de dollars US. Cela a provoqué un retard dans les remboursements des prêts mobilisés pour leur construction. Un autre pays qui a osé, c’est l’Ile Maurice.

Le projet de métro léger développé par ce pays de l’océan indien était annoncé pour être opérationnel dès septembre 2019. Ce modeste réseau de 26 km a permis au pays de moderniser son système de transport en commun notamment dans la capitale Port-Louis, d’après le Premier ministre Pravind Kumar Jugnauth. Emergé en 1987, les travaux de ce métro ont débuté en septembre 2017 grâce à un don de 240 millions d’euros (9,9 milliards de roupies mauriciennes), octroyé par le gouvernement indien. Le coût global est de 460 millions d’euros.

Afrique centrale : l’urgence de saisir les opportunités face à l’inquiétant retard

Au final, l’Afrique centrale est la région qui accuse un énorme retard dans ce type de transports urbains de masse. C’est pourtant depuis 2019 que le gouvernement camerounais par la bouche de la ministre du Développement urbain et de l’Habitat et ses partenaires annonçaient la construction d’une ligne de tramway pour désengorger la ville de Douala, qui est la capitale économique de ce pays.

Le projet censé alors démarrer dès 2019 et être livré en 2021, est tombé dans les oubliettes depuis lors. Jusqu’à ce que le maire de la ville de Douala annonce, récemment, le démarrage des travaux au cours de cette année, sans donner plus de détails sur les coûts et les aspects techniques.

Le linéaire est long de 18 km et les travaux vont être réalisés par le consortium belgo-turc Iristone-ILCI, a-t-on appris.

C’est le projet de tramway qui vient de Douala 4ème jusqu’au carrefour Agip (Douala 1er, Ndlr). C’est 18 kilomètres,

a tout juste indiqué le maire Roger Mbassa Ndine en tâchant d’ajouter que le projet comprend aussi la construction d’une centrale électrique autonome dans la zone industrielle de Bonabéri (Douala IV) pour alimenter les lignes électriques du tramway. Il est donc urgent de saisir les opportunités existantes dans cette partie du continent.

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