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Vins et spiritueux : les trois géants qui contrôlent 60% du marché en Afrique

Les signaux attractifs du marché africain. Il est porté par la consommation croissante d'une « classe moyenne » émergente et mondialisée. En 2013, les Africains ont ainsi consommé 864 millions de bouteilles de vin, soit une hausse de 17,3% en cinq ans.

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Les chiffres sont éloquents: la consommation de vin sur le continent africain, en pleine mutation économique, « augmente cinq fois plus vite que la consommation mondiale moyenne », souligne une étude sur 24 pays d’Afrique subsaharienne réalisée par le cabinet britannique IWSR et présentée à Bordeaux à l’occasion du 18e Salon international Vinexpo.

En 2013, les Africains ont ainsi consommé 864 millions de bouteilles de vin, soit une hausse de 17,3% en cinq ans. Et les chiffres, partis de très bas, ne devraient pas cesser de grimper: une augmentation de 11% en 2018.Unanimement, les experts et les professionnels mettent ces perspectives encourageantes sur le compte d’une « classe moyenne » grandissante, dans un contexte de croissance économique soutenue (5 à 6% par an) depuis une dizaine d’années.

« De plus en plus d’Africains disposent pour la première fois de revenus disponibles » pour consommer, souligne Daniel Mettyear, auteur de l’étude. « La courbe est exponentielle, la demande est là », confirme, depuis le terrain, Félix Kamdem, importateur camerounais, à la tête d’un réseau de distribution (Tire-bouchon) dans son pays.

Le Nigeria, pays le plus peuplé (173 millions d’habitants) avec une majorité de musulmans et première économie africaine depuis 2015, l’Afrique du Sud, à la fois productrice et consommatrice, mais aussi les pays pétroliers comme l’Angola, le Cameroun, ou encore l’Ethiopie, le Kenya et la Côte d’Ivoire, sont le plus souvent cités comme des marchés ayant un fort potentiel de croissance.

Pour Pernod Ricard, par exemple, le marché africain de vins et spiritueux a un bel avenir. Cette entreprise a par exemple réalisé 9,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur l’exercice 2018-2019 (autour de 500 millions d’euros en Afrique, 4 % du CA, 500 employés), en hausse de 6 %, et son cours de bourse atteint des records.

Si ces bons résultats sont aujourd’hui soutenus par la Chine (+ 21 %) et par l’Inde, c’est le continent africain qui, de son point de vue, fera demain les beaux jours de Pernod Ricard. Après une période difficile due à la conjoncture économique globale, ses activités y prospèrent à nouveau. Le français et ses concurrents, le britannique Diageo et le sud-africain Distell, contrôlent 60 % du marché des spiritueux, selon nos informations. Selon Alexandre Ricard,

Aujourd’hui, les moteurs de notre croissance sont essentiellement l’Asie, tirée par la Chine et l’Inde, et l’Europe de l’Est, avec la Russie. D’ici à dix ans, ce sera l’Afrique, où le marché des spiritueux est en progression constante et connaîtra un avenir brillant. Sur notre dernier exercice fiscal, notre chiffre d’affaires en Afrique subsaharienne a progressé de 11 %. Les spiritueux connaissent un taux de croissance de 3 à 4 % sur un continent de 1,2 milliard d’habitants où la démographie croît de 2 à 3 % par an et où l’urbanisation progresse avec, à terme, plus de la moitié de la population qui habitera en zone urbaine. Ce qui constitue généralement notre cœur de cible. La classe moyenne progressera de 475 millions de personnes dans les quinze prochaines années. Le taux de pénétration du digital est exponentiel. C’est pourquoi, dès aujourd’hui, il faut une politique d’investissement constante pour soutenir nos équipes, nos filiales, le marketing, la formation, la production.

L’Afrique : un marché au potentiel grandissant

Selon la récente étude prospective Vinexpo/IWSR, l’Afrique, quant à elle, représente également un marché d’avenir pour les producteurs et négociants français. On constate l’émergence de nouveaux marchés tels que le Nigeria, la Côte d’Ivoire et la Namibie notamment en termes de volume. On retrouve cette tendance dans les données douanières françaises, exemple de la Côte d’Ivoire, pays où les exportations françaises de vins ont progressé de 20,3 % entre 2015 et 2016.

Côté spiritueux, la région Afrique-Moyen Orient avait trusté la place de leader en termes de progression à l’horizon 2020 (+ 11,4 % soit 8x plus que la croissance du secteur) ! De nombreuses grandes marques y sont déjà implantées et distillent leurs stratégies marketing pour attirer de nouveaux consommateurs.

Parmi le top 20 des pays clients de la France, on retrouve les Émirats Arabes Unis (10ème position), l’Afrique du Sud (17ème position) et le Nigeria (20ème position). C’est à destination de la Côte d’Ivoire qu’on relève la plus forte progression des exportations françaises de spiritueux en 2016 qui ont doublé en valeur (par rapport à 2015) pour atteindre 2 376 hl pour 2,156 M EUR. L’Afrique est bel et bien un marché au potentiel grandissant où les entreprises aux capacités de volume importantes trouveront des opérateurs désireux de découvrir de nouvelles gammes.

Le premier pays africain, huitième producteur de vin au monde, est l’Afrique du Sud avec 9,7 Miohl. Viennent ensuite l’Algérie, deuxième producteur en Afrique avec 627.000 hectolitres par an, le Maroc avec 333.000 hectolitres et la Tunisie avec 244.000 hectolitres. Des pays comme le Gabon, la Tanzanie ou le Kenya se sont également mis à la production pendant que d’autres, tels le Nigeria, l’Ouganda, l’Angola et le Rwanda consomment de plus en plus. En termes de consommation, le vin, qui était auparavant réservé aux élites, se démocratise.

En effet, si l’Afrique ne représente aujourd’hui que 5 à 6% de la consommation mondiale de vin, ce taux est en augmentation constante depuis maintenant plusieurs années. Davantage consommatrice de vins rouges que de vins blancs, l’Afrique connait également une bonne croissance des vins mousseux.

Le cas de l’Afrique du Sud

L’Afrique du Sud est le 7ème producteur mondial de vin, et ses habitants s’intéressent de plus en plus aux vins et aux spiritueux étrangers. Selon la revue d’information de l’Industrie du Vin en Afrique du Sud, Sawis, les ventes totales d’alcool ont légèrement augmenté en volume, de 1% entre 2014 et 2015, alors que les dépenses ont crû de 6,5%, signifiant le choix d’alcools plus chers.

Selon Sawis, « le marché sud-africain est mature et l’on constate peu de glissement de la bière vers les autres boissons », mais tenant compte de la croissance de la population, on note une baisse globale de la consommation d’alcool de 1% par an. La bière est le premier alcool sur le marché sud-africain : plus de 77% du volume d’alcool pur consommé et 55% de la valeur.

Suivent les boissons prêtes à boire, les spiritueux puis les vins renforcés et les effervescents. Le marché du vin, quant à lui se développe au rythme de 7% par an, ces dernières années.

Durant l’année 2016, les exportations françaises de vin et spiritueux se sont élevées à 57,7 M EUR, soit +11% par rapport à 2015. Elles se composent essentiellement de spiritueux comme le cognac, 1er poste, 26 M EUR (+11%) ; le whisky, 3e poste, 5,3 M EUR (+7,5%) ; la vodka, 4ème poste, 4,2M EUR (+43%). Le champagne représente le 2ème poste des exportations en valeur avec 18,3 M EUR (+6%) et constitue 84,6% des exportations françaises de vin vers l’Afrique du Sud. Le total des vins tranquilles atteint 2,3 M EUR, dont le montant du bordeaux est 537 000 EUR, celui du bourgogne 632 000 EUR.

Le Maroc : un cas d’école

A ce jour, près de 400.000 hectolitres de vin, dont plus de 50% de qualité supérieure, sont produits chaque année au Maroc, et l’écrasante majorité (environ 85%) est consommée localement. Avec plus de 40 millions de bouteilles par an, le Maroc est même parmi les grands producteurs de la région.

Des vignes s’étendent à perte de vue sous un chaud soleil près de Casablanca, dans l’un des plus anciens domaines viticoles du Maroc, un pays où la production de vins de qualité augmente, comme la consommation, malgré les interdits liés à l’islam.

Le Maroc produit aujourd’hui de bons vins, essentiellement pour le marché intérieur, mais une partie de cette production est destinée à l’export, en France notamment,

explique un responsable du domaine Oulad Thaleb, de 2.000 hectares, à 30 km au Nord-est de Casablanca. « Ici, il y a un microclimat qui favorise la production de vins chauds, même si on n’est pas loin de l’océan », ajoute M. Mariot, gérant à Oulad Thaleb depuis cinq ans.

En tout, le Maroc compte désormais 14 Appellations d’Origine Garantie (AOG), cultivées essentiellement dans l’arrière-pays de Casablanca et vers Meknès (Centre) et une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC), les « Côteaux de l’Atlas ».

En mars 2012, une Association des sommeliers du Maroc a même vu le jour à Marrakech, regroupant une vingtaine de professionnels. S’agissant des cépages, ils sont caractéristiques des principales variétés présentes autour de la Méditerranée (Grenache, Syrah, Cabernet-Sauvignon, Merlot…, pour les seuls vins rouge).

Introduite il y a près de 2.500 ans, la vigne marocaine a connu un pic de production au temps des protectorats français et espagnol, le royaume servant de refuge pour des viticulteurs touchés par la maladie du phylloxera. La production était destinée presque entièrement à l’étranger car peu nombreux étaient les Marocains qui consommaient du vin.

Dans les années 50, la production a même dépassé les trois millions d’hectolitres, avant de s’orienter vers le qualitatif. L’activité vitivinicole au Maroc emploie entre 17 000 et 20 000 personnes. Selon des chiffres non officiels, l’activité viti-vinicole dans le royaume a en outre généré en 2011 des recettes fiscales de plus de 128 millions d’euros. Le marché marocain est monopolisé par 2 grandes entreprises vinicoles, Les Celliers de Meknès, créée en 1964 par la famille Zniber, et le groupe Castel et Thalvin de Guy Baconnet, créé en 1927 et situé à Benslimane.

Bien que seulement 10 à 15 % du vin marocain est destiné à l’exportation, il représente toutefois une importation très importante. Outre ses exportations en Europe en Asie et en Amérique, le Maroc est également deuxième fournisseur de vin en Afrique après l’Afrique du Sud.

Le trio de tête des pays africains consommateurs de vin

Selon Sagaci Research, une société d’études de marché et d’analyses de données dédiée aux marchés africains, qui a publié un rapport sur la consommation de vin sur le continent africain, sur la période de juin 2020 à juin 2021, le trio de tête des pays qui ont la proportion de leur population adulte consommant du vin la plus élevée sur le continent est constitué par ordre du Togo, du Cameroun et de la Côte d’Ivoire.

Le Togo occupe la première place en termes de consommation de vin, suivi de près par le Cameroun et la Côte d’Ivoire, avec respectivement 26 %, 25 % et 23 % de la population adulte du pays ayant consommé du vin au cours des quatre dernières semaines,

indique l’étude. Il ne s’agit dont pas d’un classement par volume de vin consommé par pays. La République du Congo, le Bénin, l’Afrique du Sud, le Gabon, le Burkina Faso, le Nigeria et la Namibie complètent le top 10. Outre le marketing, les habitudes culturelles et les croyances religieuses semblent avoir une certaine influence sur ces tendances, indique l’étude de Sagaci Research.

En outre, poursuit le rapport, bien que la tradition viticole soit présente dans plusieurs régions du continent (Maroc, Éthiopie, Afrique du Sud, etc.), les données montrent que les Français ont fortement influencé les habitudes de consommation dans d’autres pays, puisque huit des 10 premières nations consommatrices de vin en Afrique ont une histoire commune avec la France.

Mais, il faut noter que ces analyses comportent quelques limites, car, au total, 29 pays seulement sur les 54 du continent ont été inclus dans l’étude. Les résultats finaux sont basés sur la collecte de données quotidiennes auprès de plus de 20 000 consommateurs au cours des 12 derniers mois via l’application mobile SagaPoll.

Quelques vins locaux se démarquent

C’est le cas par exemple de Witblits, une eau-de-vie fabriquée à partir de raisins, généralement en utilisant les restes de la cave, et elle est très demandée en Afrique du Sud. De même, Arrack est une boisson alcoolisée distillée, généralement produite dans le sous-continent indien, et est célèbre dans les pays du Moyen-Orient. Ainsi, la demande croissante de boissons alcoolisées traditionnelles devrait stimuler la croissance du marché dans un proche avenir.

À l’inverse, la production de Mampoer en Afrique du Sud est strictement contrôlée par le gouvernement, en raison de sa forte résistance. Ainsi, le marché de cette boisson particulière devrait connaître une croissance retardée au cours de la période de prévision.Witblits et Moonshine font partie de la culture sud-africaine. Le premier est un esprit clair qui a été distillé dans le Western Cape pendant des années. Amarula est une liqueur à la crème d’Afrique du Sud, à base de sucre, de crème et du fruit de l’arbre marula africain qui est aussi appelé localement l’arbre à éléphant ou l’arbre du mariage.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, les consommateurs sud-africains d’alcool sont parmi les plus gros buveurs au monde et consomment 28,9 litres d’alcool pur par habitant de la population buveuse.Amarula est une liqueur à la crème d’Afrique du Sud qui correspond au besoin du marché sud-africain et divers fabricants ont travaillé activement pour satisfaire la demande correspondante. En outre, il existe une demande similaire pour les boissons locales dans la région du Moyen-Orient, à l’exception des produits de marques de renommée mondiale.

Par conséquent, l’expansion géographique et les fusions et acquisitions sont pratiquées par les principaux acteurs pour augmenter leurs revenus, tandis que les acteurs privés se concentrent pour continuer à produire les boissons traditionnelles, ainsi que celles d’origine occidentale.

Diageo, Pernod Ricard et Distell se partagent le marché africain

Ces trois géants (Diageo, Pernod Ricard et Distell) se disputent la première place en Afrique. Ils partagent 60% des parts de marché du secteur des vins, champagnes et spiritueux sur le continent africain.

Célèbre pour son scotch Johnny Walker, son whisky J&B et son gin Gordon’s, le britannique Diageo, numéro un mondial des spiritueux, a confié, au début de septembre, à South Africa Breweries (Sab), filiale d’AB Inbev depuis 2016, la licence pour la production, la distribution et la commercialisation de sa vodka Smirnoff et de ses bières en Afrique du Sud.

Vient ensuite le leader français du champagne et du cognac, Moët-Hennessy, filiale de LVMH qui tutoie les 10 % de parts de marché. Plusieurs acteurs comme l’écossais Grant’s, Bacardi‑Martini, le français Rémy Cointreau, l’italien Campari bénéficient chacun de parts de marché qui ne dépassent pas les 5 % aux côtés de spiritueux locaux de qualité très standard.

Pour l’ensemble des grands acteurs, l’Afrique du Sud apparaît toujours comme le marché le plus mature « même si ses difficultés économiques et sa croissance morose se ressentent sur la croissance du marché », selon un spécialiste du secteur.

Les taxes et les prix élevés ont aussi eu une incidence sur les habitudes de consommation dans le pays, relevait, début septembre, Richard Rushton, directeur général de Distell, qui a vu toutefois ses revenus grimper de 20 % entre 2018 et 2019 sur le continent en dehors de ses bases sud-africaines.

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