Comme nous l’avons annoncé dans notre précédente publication, le tout premier sommet africain pour le climat (ACS23) a permis de voir les clivages et divergences entre deux approches de développement de l’Afrique, à l’heure où les discours à travers le monde convergent vers la nécessité d’une transition énergétique pour sauver la planète du désastre climatique.
La première vision est prônée par le président sénégalais Macky Sall, qui, bien qu’ayant obtenir en juin dernier à Paris une promesse de 2,5 milliards d’euros nécessaires pour réduire sa dépendance des combustibles fossiles, insiste sur la nécessité de poursuivre le développement et la production de son gaz et de son pétrole offshore pour booster le développement industriel et économique du pays.
La seconde est incarnée par son homologue kenyan William Samoei Ruto, qui persiste à penser que c’est par le développement des énergies vertes que le continent pourrait apporter efficacement sa contribution à la résorption des problématiques climatiques.
Le Sénégalais Macky Sall croit ainsi à la possibilité de concilier l’urgence de maintenir le niveau de réchauffement de la Terre à +1,5°C, tel que préconisé par les accords de Paris, et l’impératif de développement de la croissance. L’atteinte de ce dernier objectif passe en partie par l’exploitation des combustibles fossiles. Le sous-sol sénégalais en regorge comme nombre d’autres pays du continent.
En dépit de ces sons discordants, toutes les parties sont parvenues à des accords consignés dans la déclaration dite de Naîrobi signée le 06 septembre dernier, au terme de trois jours de travaux de réflexion.
Car c’est à la capitale kenyane qu’est revenu l’honneur d’abriter cette première initiative historique, dont la finalité recherchée était de montrer l’immense potentiel de l’Afrique en matière des énergies vertes, d’une part, et d’harmoniser les positions du continent sur cette question en prélude à la prochaine COP 28 prévue à Dubaï aux Emirats arabes unis.
Développer les industries vertes
Les accords de Nairobi reconnaissent sans ambages l’énorme niche de réserves d’énergies vertes dont dispose le continent et soulignent que ce potentiel fait partie des solutions intégrantes dans la lutte contre le changement climatique.
En d’autres termes, l’Afrique peut aider la planète à stabiliser son niveau de réchauffement dans le seuil fixé à au plus 2% C par rapport à l’ère préindustrielle.
L’Afrique possède à la fois le potentiel et l’ambition d’être un élément essentiel de la solution mondiale au changement climatique,
affirme la déclaration finale commune. Pour rester fidèles à ces objectifs, les chefs d’État et de gouvernement africains signataires desdits accords se sont engagés notamment à développer les énergies renouvelables, l’agriculture ou encore encourager les industries vertes.
Toutefois, le problème crucial qui se pose est la difficulté à mobiliser les ressources financières dans un continent à faible croissance, en proie au sous-développement. Les parties signataires de la déclaration reconnaissent que, pour libérer son potentiel
à une échelle susceptible de contribuer de manière significative à la décarbonation de l’économie mondiale, il faudra multiplier les flux actuels de financement du développement et des investissements.
C’est pourquoi ils plaident en faveur de la mise en place d’« une nouvelle architecture de financement adaptée aux besoins de l’Afrique y compris la restructuration et l’allégement de la dette ». Le problème de restructuration du fardeau d’endettement qui pèse lourdement sur les économies africaines avait déjà été posé lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui s’était tenu à Paris en juin 2023.
Le président de la Transition tchadienne souhaite une annulation pure et simple de la dette du continent, mais sa doléance n’a reçu aucun écho favorable.
300 GW d’ici 2030
En cessation de paiement depuis 2020, le plaidoyer de la Zambie avait permis à ce pays d’obtenir une restructuration de sa lourde dette vis-à-vis de ses principaux bailleurs de fonds, au rang desquels la Chine. Les 100 milliards de dollars promis annuellement à l’Afrique il y a quelques années par les pays développés et pollueurs, n’ont jamais été versés.
L’Afrique pense qu’il est temps pour les puissances mondiales de tenir leurs promesses, alors que le continent est responsable d’à peine 2 à 3% des émissions de gaz é effet de serre. Comme à Paris, des promesses ont été faites à Naîtobi. A l’instar des 23 milliards de dollars (21,3 milliards d’euros) annoncés par différents partenaires internationaux du continent pour aider celui-ci à développer « 15 GW (Gigawatts) d’énergie propre d’ici 2030 » et à « catalyser au moins 12,5 milliards de dollars (11,6 milliards d’euros) supplémentaires provenant de sources multilatérales, publiques et privées ».
Cette enveloppe inclut les 4,5 milliards de dollars (4,1 milliards d’euros) promis par les Emirats Arabes Unis lors de la deuxième journée des travaux de Nairobi.
Ces promesses d’investissements demeurent insuffisantes au regard des défis, dans un continent qui ne capte que 3% des investissements dans les énergies vertes à l’échelle mondiale, et qui a besoin de 2000 milliards de dollars (soit 1852 milliards d’euros) par an sur dix ans pour porter sa capacité au-delà des 56 GW actuels et atteindre 300 GW d’ici 2030.
D’après les 54 pays signataires du texte de la déclaration de Nairobii, dont le Kenyan William Ruto, « Cette déclaration servira de base à la position commune de l’Afrique dans le processus mondial sur le changement climatique jusqu’à la COP28 et au-delà ».