Les échanges commerciaux entre les pays africains et le reste du monde sont de plus en plus croissants. Cela est particulièrement visible dans le secteur de la vente des objets d’art. À en croire des experts en la matière, ce marché représente 150 à 250 millions de dollars annuel. Il constitue ainsi l’un des segments les plus rentables du marché mondial de l’art dans la catégorie des arts extra-occidentaux.
Selon un rapport publié en juin 2022 par la fondation « jury d’Afrique », la valeur des exportations artistiques africaines a atteint 234 millions de dollars US en 2017, soit une hausse de 47% depuis 2015. Il s’agit donc d’un marché en pleine croissance dont les ventes ont augmenté de 27% sur un an, à en croire l’Observatoire des arts et traditions populaires du continent (Ocatp).
Depuis un certain temps, les œuvres des artistes africains, longtemps reléguées au second plan ont pris de la valeur : des transactions qui se chiffrent en millions de dollars. La vente de 60 œuvres de la collection d’art africain de Guy Laliberté par Christie’s, le 11 mai 2022, a par exemple rapporté 5 millions de dollars US.
L’objet le plus convoité ayant été un buste de 48 cm de hauteur d’origine congolaise, adjugé pour 600 000 dollars US, soit un peu plus de 360 000 000 francs CFA. D’autres objets ont enregistré des records du monde dans leur catégorie. Estimé entre 77 000 et 102 600 dollars US, le masque Bamana du Koré (Mali) est parti pour 218 150 dollars US.
Une sculpture de Madagascar, Sakalava Figure, a été adjugée pour 97 000 dollars US alors qu’elle était estimée entre 25 650 et 38 500. Un masque-casque Sénoufo, de Côte d’Ivoire, a été vendu 452 450 dollars, soit plus que son estimation supérieure de 384 700. Enfin, un masque congolais, Vili-Yombe, a été acheté pour 121 200 dollars US, soit près de deux fois son estimation supérieure.
En juin 2021 déjà, la maison de vente parisienne, « Sothy’s » a exposé une collection d’Hélène Leloup, marchande d’art en Afrique qui détient une galerie à Paris et à New-York. La pièce maitresse, une sculpture Fang du Gabon, à l’austère beauté, ayant appartenu à la reine des cosmétiques, Helena Rubinstein, a été évaluée entre 4 et 6 millions d’euros.
Selon le site en ligne français « région France. Infos », en mars 2022, un autre masque Fang, le « Ngil » a été vendu à 4,2 millions d’euros (2 746 246 744 francs CFA). Il a pulvérisé son estimation de 300 000/400 000 euros pour atteindre cette somme de 4,2 millions hors taxe de vente.
Ce masque talonne de près celui de la collection « vérité » vendu à 5,75 millions d’euros en juin 2006. En 2015, une statue Luba a été vendue à Londres chez « Christie’s » pour plus de 8 millions d’euros. C’est le deuxième plus haut prix de vente jamais obtenu en vente publique pour un objet d’art africain.
Des exemples et bien d’autres qui attestent de l’attractivité du secteur de la vente des objets d’art en Afrique. Toutefois, la manne issue de ce secteur profite en priorité aux marchands spécialisés, aux collectionneurs et riches amateurs, aux musées européens, américains et asiatiques, ainsi qu’aux maisons de vente aux enchères. Les fabricants africains ne recevant que de subsides.
L’Afrique gagnerait donc à booster ce secteur afin de capitaliser les nombreuses ressources qui y circulent eu égard à l’énorme potentiel dont dispose le continent. En effet, la jeunesse et le dynamisme de la population africaine est un atout indéniable à la production artistique en général, à la création des œuvres d’art en particulier.
En plus, ce n’est pas la matière première qui manque. Bien au contraire, partout en Afrique, on retrouve des essences rares, des pierres les unes plus précieuses que les autres, l’acier, l’aluminium, l’émail, l’or, l’ivoire, le bronze, les céramiques. Des matières et bien d’autres utilisées par les artisans pour fabriquer des sculptures, des figurines, des plaquettes, des gemmes gravés, les sculptures, etc.
Les Etats du continent doivent mettre en œuvre des politiques permettant aux investisseurs de s’intéresser à ce secteur, non seulement pourvoyeur d’emplois, mais également porteur de développement.
Les financements étant disponibles, les pouvoirs publics et les particuliers gagneraient à davantage solliciter le soutien financier des institutions monétaires internationales comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou encore la Banque islamique de développement pour ne citer que ces cas. Il s’agit en fait d’institutions parmi tant d’autres prêtes à mettre la main à la poche, pour financer la culture. Idem pour ce qui est d’une organisation telle que l’Unesco.
Un musée international africain ?
Présents dans les musées occidentaux, les œuvres des artistes africains génèrent, pour le compte de ces structures, des devises chaque année. Pourtant, à en croire certains experts, cette manne financière peut être captée sur place avec par exemple, en dehors des musées nationaux, lesquels fonctionnent tant bien que mal dans certains pays, la création d’un musée international africain.
Réunissant les produits artistiques issus de toutes les régions du continent, il permettrait au pays africains d’échanger leurs riches connaissances et en mutualisant leurs expériences. Aussi, ce sera l’occasion de recueillir les fonds globaux issus du tourisme artistique et de les redistribuer aux pays membres, c’est-à-dire ceux ayant des collections dans ce musée, car les amateurs d’art feraient le déplacement pour l’Afrique.
Aussi, le tourisme touristique et culturel intra-africain se trouvera davantage boosté. L’art étant par ailleurs un puissant vecteur de développement économique et un outil important pour promouvoir le tourisme, les affaires et la culture. Il favorise également la cohésion sociale et renforce les liens entre communautés.
Une autre approche serait de faire en sorte que la plupart des œuvres d’art pillées par les occidentaux pendant la traite négrière et la colonisation soient effectivement restituées. In fine, il est urgent pour les pays africains de construire de structures internationales pouvant accueillir ces objets d’art et bien d’autres créations artistiques produites chaque année sur le continent.
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