Monsieur le Sous-directeur des études de construction des routes et des autoroutes, le ministère des Travaux publics a signé, le vendredi 12 janvier 2024, un accord-cadre avec l’entreprise chinoise CHFEC pour les travaux de la seconde phase de l’autoroute Yaoundé-Douala. Est-ce qu’on peut savoir comment on en est arrivé au choix de cette entreprise ?
Il s’agit de l’entreprise CHFEC (China First Highway Engeenering company Limited). C’est une multinationale chinoise. C’est celle qui a effectué les travaux de construction de la première phase de l’autoroute. Donc, il ne s’agit pas d’une entreprise étrangère au sol camerounais ; il y a un certain nombre de travaux qu’elle réalise déjà dans notre territoire. Et comme vous l’avez si bien dit, en ce jour 12 janvier 2024, l’État du Cameroun, représenté par le ministre des Travaux publics, a signé un accord-cadre avec l’entreprise chinoise. Il est question de manifester la volonté entre les deux parties, de travailler ensemble pour la réalisation de la seconde phase de l’autoroute Yaoundé-Douala. Pour être plus direct à votre interrogation, il s’agit d’une volonté du chef de l’État qui, dans son discours, a annoncé les travaux de la seconde phase qui doivent débuter en cette année 2024. Donc, nous sommes là dans la mise en œuvre des hautes instructions du chef de l’État.
Est-ce qu’on peut savoir exactement les termes de ce contrat qui lie l’État du Cameroun à cette entreprise ?
Nous ne sommes pas encore à un contrat de travaux proprement dit, c’est l’accord-cadre. C’est-à-dire, c’est un accord qui permet de mettre en évidence l’intérêt des deux parties à réaliser un projet commun. C’est-à-dire, on veut réaliser l’autoroute qui quitte de Yaoundé pour Douala dans sa seconde phase, on va réaliser cette autoroute avec le partenaire chinois, on signe un accord avec le partenaire pour que nous puissions regarder dans la même direction. C’est ce qui s’est passé aujourd’hui. Donc, c’ est un accord cadre pour la recherche de financements. C’est un accord de courte durée (3 mois renouvelable). Le plus important ici, c’est de comprendre que la consistance même de cet accord, c’est de permettre à l’entreprise chinoise d’aller rechercher le financement nécessaire pour l’exécution de la seconde phase de l’autoroute.
Quel est le montant de cette autoroute, et comment expliquez-vous ce montant ?
L’autoroute dans sa seconde phase actuellement a un coût prévisionnel qui sera peaufiné au fur et à mesure. Il faut comprendre que le montant d’une autoroute découle de ses caractéristiques techniques. Donc aujourd’hui, nous avons un budget pour la réalisation de l’autoroute, mais en fonction des caractéristiques techniques qui sont arrêtées, notamment la vitesse de référence, le profil en travers, le tracé de l’autoroute, etc. On pourra donc dire que le projet autoroutier a un coût de temps. Mais aujourd’hui, nous sommes dans un budget, on ne peut pas encore parler du coût de l’autoroute.
Vous parlez de budget et coût de l’autoroute, qu’est-ce qu’il faut saisir précisément ici comme nuance ?
Lorsqu’on part rechercher des financements pour un projet, ces financements en réalité peuvent ne pas être totalement utilisés pour le projet. En outre, ces financements peuvent ne pas suffire. C’est pour cela qu’on parle de budget. C’est-à-dire que c’est un budget, mais le coût même va découler d’un ensemble de caractéristiques techniques, qu’une fois arrêtées, vont nous permettre de déterminer le coût exact de l’autoroute. Maintenant, on va effectuer un comparatif entre ce coût et le budget qui a été levé. Nous avons plusieurs cas d’infrastructures où il y a eu des recherches de financement et le financement que nous avons obtenu a été supérieur au coût réel. Maintenant le reliquat, on l’utilise ailleurs. Donc, à la question de connaitre le coût de la phase 2 de l’autoroute Yaoundé-Douala, je pourrais dire que nous n’y sommes pas encore car, nous sommes dans un budget où on dit aux partenaires qui nous accompagnent actuellement, notamment l’entreprise chinoise, voici le budget que nous allons chercher ; travaillons ensemble pour rechercher ce montant. Maintenant, le coût des travaux de cette autoroute va découler d’un ensemble de caractéristiques qui seront discutées avec le partenaire et adoptées d’un commun accord.
Est-ce qu’on peut en savoir un peu plus sur ces caractéristiques techniques de l’autoroute aujourd’hui ?
Nous savons déjà que nous sommes dans le continuum de la première phase. Quand on parle de caractéristiques, c’est surtout la vitesse, on roule à quelle vitesse de référence sur la circonférence, quel est le profil en travers, quelle est la largeur de la plateforme, est-ce que nous avons une plateforme de 40 ou de 33,5 comment est-ce qu’on va construire les ouvrages, est-ce qu’il y aura un phasage dans les travaux, élargissement à l’intérieur ou à l’extérieur. Ce sont là des éléments qu’il faut prendre en compte, les caractéristiques techniques. Maintenant pour faire un parallélisme par rapport à la première phase, vous avez une autoroute de 2×3 voies, mais avec 2×2 voies qui ont été construites, mais élargissable à l’intérieur. Mais cela s’arrête dans les projets d’exécution, ça s’arrête lorsqu’on veut effectivement lancer les travaux.
Il y a une polémique actuellement au Cameroun sur le coût de la route. Est-ce que vous pouvez expliquer aux Camerounais pourquoi le Kilomètre de la route coûte un peu plus cher au Cameroun qu’ailleurs ?
Le kilomètre de route au Cameroun a un prix qui découle de la conjoncture macro-économique du pays. Également, la situation globale du marché. L’autoroute ou bien les infrastructures ne peuvent pas déroger à la règle. Puisqu’on ne construit pas l’autoroute à partir de rien. Il faut acheter le ciment ; il faut acheter les granulats ; il faut acheter le bitume ; il faut acheter les engins. C’est du commerce. S’il y a flambée, par exemple, il y a augmentation du prix du carburant, comment le coût de la route pourrait-il baisser ? Il y a donc un impact qui contribue à hausser le coût. Ça obéit à la courbe globale du marché.
Au sujet de la tendance à dire que le coût de la route est plus cher au Cameroun qu’ailleurs, je dirais que ce n’est pas vrai. Il faut comprendre ce qui entre dans le coût, ce qui influence le coût avant de se dire qu’effectivement, ça coûte un peu plus cher. Je vais prendre un petit exemple, celui de la première phase de l’autoroute Yaoundé-Douala construite, quand vous circulez, vous voyez qu’il y a les déblaies de plus de 15 mètres de hauteur, il y a des grands mouvements de terre qui ont été effectués. C’est tout cela qui vient rechérir le coût d’une infrastructure. Parfois, on traverse des zones marécageuses. Lorsque vous construisez une route de 50 Km dans une zone où vous n’avez pas d’ouvrage, comme les ponts, des dalots importants…, cela ne va pas coûter le même montant que les 50 Km où vous avez 4 ponts de 100 mètres chacun, des dalots, où vous traversez des zones urbaines et aménagées spécifiquement. En effet, tous ces paramètres viennent influencer le coût du projet.
Donc, si on veut donner le coût du kilomètre de route au Cameroun, hors ouvrage ou hors aménagement connexe, vous vous rendrez compte que nous sommes nettement moins chers que les autres pays. C’est juste qu’au Cameroun, on parle du projet de route dans son ensemble. La route chez nous doit induire le développement des zones traversées. Quand on vous parle du kilomètre de route, il y a les voiries. Lorsqu’on veut bitumer par exemple la route qui quitte d’Edéa pour Kribi, il faut prévoir également que les populations qui ne sont pas riveraines à la route puissent bénéficier du passage du projet. On va faire 10 Km de voiries par exemple, on va construire des écoles, on va construire des forages, on va réhabiliter tel marché. Tout cela entre dans le coût de la route. Donc, lorsqu’on s’intéresse uniquement au TTC et on divise par le km, on dit que cette route coute très chere, sans considérer les autres éléments qui entrent dans le coût.
De ces aspects, nous avons aussi le relief. Le relief à l’Ouest du pays est par exemple totalement différent de celui du Littoral, et donc, on ne peut pas avoir le même coût pour un projet de route dans ces deux zones. Dans certaines zones, il faut traiter le relief accidenté, faire des déblaies rocheux. Ce sont des mécanismes qui demandent une certaine mobilisation en termes d’engins. Il y a aussi la proximité des granulats, parce que pour faire une route, il y a les Input et les granulats. Et lorsque ceux-ci ne sont pas à proximité, il faut aller les chercher. Tout cela renchérit le coût. En gros, le coût dépend du lieu où se trouve la route, du contexte et de ce qu’il faut joindre à la route. Donc, le coût du kilomètre de la route au Cameroun n’est pas cher, c’est juste que c’est un coût qui est mal compris.
Maintenant, revenons au contrat avec le partenaire chinois. Il est dit qu’il est retenu pour la conception et la réalisation, qu’en est-il de l’exploitation ?
Ici, on réalise la phase 2 de l’autoroute qui va de Bibodi jusqu’à Douala. Lorsqu’on l’aura réalisée, on va exploiter. L’attention est accordée sur la réalisation, car après cela, on va l’exploiter évidemment. Il n’est pas possible d’exploiter une infrastructure qui n’existe pas. Donc, il faut se soucier de la réalisation de l’infrastructure et après la réalisation, on exploite.
Comment est-ce que le partenaire privé chinois qui finance le projet va-t-il rentrer dans ses fonds ?
Cette seconde phase avec le partenaire CHFEC ne s’effectue pas en partenariat public-privé. C’est un marché public avec le partenaire CHFEC. Le marché public peut prendre plusieurs formes, mais ça reste un marché public. Maintenant, le partenaire chinois va assister l’État du Cameroun dans la recherche du financement. C’est l’État du Cameroun qui est un État souverain, et qui maîtrise très bien le plafonnement de sa dette et ses différents engagements, qui va s’engager pour réaliser cette infrastructure qui lui appartient. L’entreprise CHFEC est un partenaire qui vient nous appuyer dans la réalisation des travaux, mais ce sont nos travaux. Elle fait le travail que nous lui demandons de faire et elle recherche notamment le financement que nous lui demandons de rechercher.
Quelle est la durée des travaux de la seconde phase, et on sait que généralement, il y a un goulot d’étranglement sur les projets routiers au Cameroun, c’est la libération de emprises. Est-ce que ce goulot d’étranglement est levé ?
Vous savez que le tracé de l’autoroute Yaoundé-Douala a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique en son temps. Donc, avant le début des travaux de la première phase, il y a un couloir dédié, un backborn, où effectivement nos ouvrages vont passer. Donc, la problématique de la libération des emprises ne saurait être un goulot d’étranglement ici, puisque les populations sont informées de ce que l’autoroute va passer, et qu’ayant commencé dans l’arrondissement de Yaoundé VII, va s’achever à Douala. Même les riverains qui exploitent de manière provisoire l’emprise savent qu’ils sont sur l’emprise autoroutière, et que lorsque l’autoroute arrivera, ils n’auront plus droit d’exploiter.
Quel est le délai des travaux? Mieux, quand est-ce que les Camerounais pourront-ils bénéficier de ce projet ?
Les travaux de la seconde phase de la construction de l’autoroute Yaoundé-Douala vont se réaliser en 40 mois. Il y aura 8 mois préalables pour les études, donc ça fera autour de 48 mois pour la réalisation de cette autoroute qui va aller plus vite que la première phase.
Vous dites que ça va aller plus vite, or on est encore à la recherche des financements, et le plus souvent, il y a le problème de contrepartie de l’État du Cameroun, est-ce que tout cela est réuni aujourd’hui, pour qu’on soit sûr que les travaux vont débuter en 2024 ?
Les travaux vont débuter en 2024. Ce n’est pas un doute. Ils vont d’ailleurs débuter en début 2024. Et ils ne vont pas s’arrêter jusqu’à achèvement. Vous parlez de contrepartie, lorsque le chef de l’État annonce, cela veut dire que les moyens ont été suffisamment évalués, les contraintes et les difficultés aussi, et les moyens pour les lever ont également été mis en place.
Interview réalisée par Blaise Nnang et Claude Tadjon