La reprise reste cependant fragile, selon le dernier rapport Africa’s Pulse de la Banque mondiale. En cause, les incertitudes liées à la conjoncture économique mondiale, le fardeau de plus en plus lourd du service de la dette, des catastrophes naturelles fréquentes et une intensification des conflits et des violences.
En outre, pour parvenir à soutenir la croissance à long terme et réduire véritablement la pauvreté, la Banque mondiale estime qu’il est indispensable de mener des actions politiques transformatrices pour s’attaquer au problème profond des inégalités. Pour la Banque mondiale, cette reprise reste cependant précaire. Si l’inflation reflue dans la plupart des économies d’Afrique subsaharienne, pour passer en moyenne de 7,1 % en 2023 à 5,1 % en 2024, elle reste élevée par rapport aux niveaux pré-COVID. Par ailleurs, même si la progression de la dette publique se tasse, plus de la moitié des gouvernements africains sont aux prises avec des problèmes de liquidités extérieures et un niveau d’endettement non soutenable.
La croissance des économies africaines doit gagner en rapidité
En dépit des prévisions d’accélération de la croissance, le rythme de l’expansion économique régionale reste inférieur aux taux de croissance enregistrés dans la décennie précédente (2000-2014) et insuffisant pour avoir un effet significatif sur la réduction de la pauvreté. En outre, en raison de multiples facteurs, et notamment de l’ampleur des inégalités structurelles, l’impact de la croissance économique sur la réduction de la pauvreté en Afrique subsaharienne est plus faible que dans d’autres régions. Pour la Banque mondiale, la croissance des économies africaines doit encore gagner en rapidité et en équité pour réduire la pauvreté.
Une croissance du PIB par habitant de 1% est associée à une réduction du taux d’extrême pauvreté d’environ 1% seulement dans la région, contre 2,5 % en moyenne dans le reste du monde. Dans un contexte de contraintes budgétaires, le levier des finances publiques ne permettra pas à lui seul de réduire plus rapidement la pauvreté. Il faut l’accompagner de politiques qui élargissent les capacités de production du secteur privé, afin de créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité pour tous les segments de la société,
indique Andrew Dabalen, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique. Pour sa part, Gabriela Inchauste, coautrice d’un rapport de la Banque mondiale à paraître sur la lutte contre les inégalités en Afrique subsaharienne, explique que
Les inégalités en Afrique sont en grande partie dues aux circonstances dans lesquelles un enfant naît, et sont accentuées plus tard dans la vie par des obstacles qui entravent une participation productive aux marchés, et par une fiscalité régressive. En identifiant et en remédiant plus efficacement à ces contraintes structurelles dans l’ensemble de l’économie, on peut ouvrir la voie à un avenir plus prospère.
En effet, les inégalités en Afrique subsaharienne, telles que mesurées par le coefficient de Gini, restent parmi les plus élevées au monde, juste derrière la région Amérique latine et Caraïbes, note la Banque mondiale. Malgré des progrès récents, l’accès à des services de base comme l’éducation et la santé demeure très inégal. Des inégalités existent également dans l’accès aux marchés et aux activités génératrices de revenus, indépendamment des compétences détenues par les individus. À cela s’ajoutent les impôts et les subventions mal ciblées, qui peuvent aussi toucher plus durement les pauvres.
Le rapport relève également une diminution des ressources extérieures nécessaires pour répondre aux besoins de financement des États africains, ainsi que leur renchérissement par rapport à la période d’avant la pandémie. L’instabilité politique et les tensions géopolitiques pèsent sur l’activité économique et pourraient limiter l’accès à la nourriture pour environ 105 millions de personnes menacées d’insécurité alimentaire, en raison des conflits et des chocs climatiques.
Face à une situation budgétaire qui reste vulnérable aux perturbations économiques mondiales, les gouvernements africains doivent prendre des mesures qui permettent de constituer des réserves indispensables pour prévenir ou faire face aux chocs futurs, prévient la Banque mondiale. Le rapport Africa’s Pulse préconise par ailleurs, plusieurs mesures pour favoriser une croissance plus soutenue et plus équitable, à savoir : rétablir la stabilité macroéconomique ; promouvoir la mobilité intergénérationnelle ; soutenir l’accès aux marchés et veiller à ce que les politiques budgétaires ne pèsent pas plus lourdement sur les pauvres.