Le procès du sieur Alex Beard et six coaccusés devant le tribunal de Southwark Crown, en Grande Bretagne, devait entrer dans sa phase de débats, mardi 08 octobre 2024. Ces débats ne se sont plus tenus, pour des motifs dont Invest-Time n’a pas eu connaissance. Cependant, la cause a été renvoyée au mercredi 09 octobre, pour un nouveau renvoi au 1er juin 2027, a indiqué ce mercredi 9 juin 2024 un juge du Southwark Crown Court de Londres.
Une décision qui est loin de faire déchanter le Camerounais Akere Muna, l’un des principaux chefs d’orchestre du retentissement international de cette affaire au sein de l’opinion publique de son pays et de l’Afrique en général.
L’affaire contre Alex Beard et six autres personnes dans le scandale de corruption Glencore, qui était prévue pour aujourd’hui, 8 octobre, a été reportée à demain (Ndlr mercredi), 9 octobre. Je ne pense pas qu’il se passera grand-chose demain (ce mercredi). Une autre date sera fixée demain pour le procès proprement dit. “Man no run”,
écrit l’ex-batonnier camerounais sur ses pages de réseaux sociaux, ce 08 octobre.
Alex Beard est considéré par la justice britannique comme l’un des principaux cerveaux de la machine de corruption, dans cette affaire à rebondissements, dans laquelle sont impliqués au moins six pays africains. En effet, le milliardaire Alex Beard, qui fut responsable du trading pétrolier chez Glencore Plc, puis directeur de la division pétrolière de 2007 jusqu’à son départ à la retraite en 2019, a été inculpé par le Serious Fraud Office (SFO), pour conspiration en vue de verser des pots-de-vin à l’effet de favoriser les opérations de Glencore en Afrique de l’Ouest.
C’est dire qu’il en sait un peu plus sur les manœuvres de la firme anglo-suisse Glencore Plc en Côte d’Ivoire, l’un des pays africains cités dans cette scabreuse affaire de pots-de-vin dans lequel sont également impliqués le Nigéria, le Cameroun, la Guinée Équatoriale, la République démocratique du Congo, le Sud Soudan.
Les autres hauts cadres de Glencore qui sont inculpés devant le Southwark Crown Court sont Andrew Gibson, Paul Hopkick, Ramon Labiaga et Martin Wakefield, des noms désormais familiers à ce second procès, initialement ouvert le mardi 10 septembre dernier devant le tribunal de Westminster, qui s’est déclaré incompétent pour connaître des crimes économiques de cette envergure et d’une telle gravité, au profit de Southwark Crown Court. Par ailleurs, le tribunal de Westminster avait prononcé la libération sous caution des prévenus en attendant l’audience qui devait se tenir ce 8 octobre.
La Southwark Crown Court est une juridiction britannique connue pour traiter des affaires criminelles graves, notamment des fraudes de grande ampleur comme celles dans lesquelles sont impliqués les cadres de Glencore Plc, dans le rôle de corrupteur, et de très hauts cadres corrompus des sociétés africaines qui jouaient les intermédiaires dans le négoce et l’achat du pétrole brut dans les pays concernés par cette grosse affaire de crimes économiques.
Un manque à gagner de plus de 28 millions USD au préjudice de l’Afrique
Au stade actuel, le principal enjeu de ce procès tourne autour de la révélation des noms des personnes corrompues au sein des sociétés publiques africaines du secteur pétrolier, qui ont été les principaux partenaires de Glencore Plc ces dix dernières années. Or, la gravité des faits allégués laisse présumer également une forte implication de hauts responsables politiques du continent africain dans le scandale.
Pour le cas du Cameroun, la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et la Société nationale de raffinage (Sonara) sont régulièrement citées dans cette affaire de corruption à grande échelle ayant des ramifications certaines au sein de l’appareil politique camerounais et des autres pays concernés.
Toutefois, jusqu’ici, un épais mystère a toujours plané sur les noms des hauts cadres des sociétés africaines qui ont été impliquées de près ou de loin dans cette affaire, qui a fait perdre au moins 11,6 millions USD (7 milliards de francs CFA) au Cameroun. Sans compter les préjudices fiscaux et douaniers évalués également en millions de dollars américains, et liés à la manipulation de devises non déclarées (transport de valises d’argent de la corruption entre le Nigeria et le Cameroun, par exemple). A l’échelle des six pays du continent, ce manque à gagner avoisine les 28 millions USD.
Au Cameroun, la SNH déterminée à obtenir les noms de corrompus, pour la manifestation de la vérité
L’autre enjeu, c’est l’intérêt que la Société nationale des hydrocarbures (SNH), l’une des sociétés publiques africaines du secteur pétrolier (de droit camerounais celle-là), a, aujourd’hui, à ce que soit manifestée la vérité. D’abord réticente et réfractaire au début de cette affaire, en mars 2022, l’entité camerounaise a effectué un virage spectaculaire depuis novembre 2023, en saisissant le Tribunal criminel spécial (TCS), une instance juridictionnelle camerounaise qui est en quelque sorte l’équivalent du Serious Fraud Office, qui a joué un rôle majeur dans la conduite des enquêtes ayant mis en lumière les pratiques frauduleuses de Glencore Plc.
Depuis lors, l’entité publique camerounaise multiplie des communiqués à travers lesquels, elle dit suivre « de très près les auditions des dirigeants et employés de la multinationale Glencore ».
Comme ce communiqué signé le 10 septembre, dans lequel la SNH, par la voix de son administrateur directeur général (ADG), Adolphe Moudiki, se dit par ailleurs « déterminée à poursuivre et faire condamner toutes les personnes poursuivies ».
Les actes de corruptions pour lesquels Glencore a été condamnée par jugement définitif de la Southwark Crown Court (Londres) en date du 03 novembre 2022, portent sur la période allant de 2012 à 2015, en ce qui concerne le Cameroun,
précisait en septembre le communiqué de cette société qui a la charge de gérer le secteur pétrolier amont camerounais, notamment tout ce qui a trait à l’attribution des contrats d’exploration ou d’exploitation des champs pétrolifères sur l’étendue du territoire national.
La corruption, une pratique courante chez les cadres de Glencore Plc, condamnée à payer 280 millions de Livres
Devant le tribunal londonien de la Southwark Crown, début novembre 2022, Glencore Energy avait plaidé coupable de sept chefs d’accusation, ce qui avait eu pour effet d’écourter le procès et de lui éviter de lourdes peines.
Le 02 novembre 2022, la multinationale du secteur minier et énergétique avait été condamnée à payer 280 millions de Livres soit 321 millions d’euros pour ses crimes commis en Afrique.
Une amende qui, toutefois, ne représentait presque pas grand-chose comparée au bénéfice de 21,3 milliards de dollars réalisé par la major anglo-suisse en 2021, soit 83% de plus qu’en 2020, en raison de la hausse des cours du pétrole et du gaz dans le monde cette année-là. Cette performance record avait permis à la firme de redistribuer des dividendes de l’ordre de 4 milliards USD à l’ensemble de ses actionnaires.
Les pots-de-vin faisaient clairement partie de la culture de certains membres du personnel du bureau d’Afrique de l’Ouest (…) Les faits démontrent non seulement une criminalité soutenue, mais aussi des dispositifs sophistiqués pour la dissimuler, y compris le prélèvement d’importantes sommes d’argent liquide pour d’autres objectifs déclarés qui seraient légitimes, tels que les frais d’ouverture d’un nouveau bureau, qui était en réalité utilisé à des fins de corruption,
déclarait alors le juge Peter Fraser en prononçant la sentence, au terme d’une audience qui n’avait duré que 48 heures.
La comparution de hauts cadres de la firme anglo-suisse, dans la foulée du procès expéditif de la multinationale, fait suite à de nouvelles poursuites initiées par le Serious Fraud Office, après autorisation préalable du Procureur du Royaume-Uni. Les enquêtes engagées par l’organe britannique en charge de la répression des crimes économiques de haut niveau, ont permis de mettre en lumière les responsabilités individuelles dans cette affaire de corruption à ciel ouvert.
Or, c’est à ce stade que devraient émerger les noms de hauts fonctionnaires politiques africains et de hauts responsables de société pétrolières du continent, ayant perçu des pots-de-vin aux fins de faciliter des contrats lucratifs au profit de Glencore Plc, ainsi qu’un accès préférentiel de la firme au marché pétrolier en Afrique. La manoeuvre consistait également à faciliter une augmentation qualitative et quantitative des cargaisons de pétrole ainsi que les meilleurs délais de livraison, selon les charges déroulées par le Serious Fraud Office, lors du procès de deux jours, ouvert début novembre 2022 au tribunal de Southwark Crown Court contre la firme anglo-suisse.