Le niveau des réserves de change dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) connaît une tendance baissière, selon le communiqué final de la session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat de la sous-région qui s’est tenue à Yaoundé capitale du Cameroun ce lundi 16 décembre. Effet aggravant, les perspectives des cours des matières premières et du commerce international s’annoncent défavorables et vont probablement renforcer cette tendance baissière. Il faut dire que le niveau de réserves de change dans zone Cemac était pourtant passé de 2,3 mois d’importations des biens et services en 2016 à 4,6 mois en 2023, avant de décliner à nouveau.
Du coup, les chefs d’Etat ont prôné l’application intégrale de la Réglementation des changes
notamment à travers le rapatriement diligent des devises par les opérateurs économiques,
ont-ils insisté, dans le communiqué final de leur Conférence.
Les entreprises extractives, elles, devront avoir signé, sur recommandation des chefs d’Etat, les conventions de compte séquestre pour les fonds de restauration des sites (Fonds RES), avant la date butoir du 30 avril 2025.
Évasion des devises
Il faut à ce sujet rappeler que selon une instruction du gouverneur de la Béac signée le 20 juillet 2022, intervenant en complément de la Réglementation des changes de 2018, les multinationales du pétrole et des mines opérant au Cameroun, au Congo, au Tchad, au Gabon, en Guinée équatoriale et en République centrafricaine ont l’obligation de domicilier, dans la sous-région, les fonds dédiés à la réhabilitation des sites après exploitation ou en cas d’abandon.
Or, la quasi-totalité des compagnies préfèrent loger ces fonds dans les banques étrangères, avec un énorme risque pour l’évasion des devises. L’instruction du gouverneur de la Béac du 20 juillet 2022 accordait en effet aux multinationales du pétrole et des mines opérant dans la Cémac, un délai de trois ans pour rapatrier la totalité de ces avoirs qui seront domiciliés exclusivement à la Banque centrale dans des comptes séquestres en devises. La Conférence des chefs d’Etat de la Cémac prescrit donc aux compagnies concernées de signer les conventions de compte séquestre au plus tard le 30 avril 2025, c’est-à-dire dans un peu moins de cinq mois.
Ajustement budgétaire « à dimension sociale et préservant l’investissement »
La session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat de la Cémac dont le thème central est
Evaluation de la situation et perspectives économiques, monétaires et financières de la Cémac : mesures de consolidations de la résilience,
a aussi prôné la diversification économique et la consolidation des finances publiques avant de convenir que de nouveaux efforts collectifs et concertés doivent être mobilisés, pour un meilleur cadre macroéconomique de la sous-région.
La Conférence a ainsi recommandé aux partenaires au développement que sont entre autres le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, de conclure (enfin ?) les revues de leurs accords avec le Cameroun, la République centrafricaine et la République du Congo, et de veiller à un ajustement budgétaire « à dimension sociale et préservant l’investissement ».
Le Gabon, la Guinée équatoriale et la Tchad ont été pour leur part exhortés à conclure « dès que possible », des programmes avec le FMI afin de bénéficier de son appui et de celui des autres partenaires techniques et financiers. Les chefs d’Etat de la Cémac ont tenu à saluer la reconstitution record des ressources IDA21 à hauteur de 100 milliards de dollars US, annoncée début décembre par la Banque mondiale, dont on attend qu’elles permettent à 78 pays (la majorité africains) d’investir dans la santé, l’éducation, les infrastructures et la résilience climatique tout en stabilisant les économies, en créant des emplois et en jetant les bases d’une prospérité durable.
Prévenir durablement la Communauté contre les chocs économiques externes
Sur l’état d’avancement du Programme des reformes économiques et financières de la Cémac (Pref-Cémac), dont le Document cadre a été révisé pour la période 2021-2025, les objectifs et le cap fixés à l’époque par les chefs d’État étaient clairs : un taux de croissance économique en termes réels de 5 % en moyenne à l’horizon 2025, un fort redressement des comptes extérieurs avec une balance commerciale qui serait positive, un système financier plus résilient, des réformes structurelles abouties qui donnent une place plus importante au développement du secteur privé et une intégration régionale plus renforcée en termes d’échanges des biens et services et de mobilité des facteurs.
Selon l’évaluation faite ce 16 décembre par la session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat de la Cémac, il faut accélérer la mise en œuvre du Pref-Cémac « afin de prévenir durablement la Communauté contre les chocs économiques externes ». Paul Biya, le président de la République du Cameroun, à l’initiative de cette session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat de la Cémac, a situé, lui-même, les enjeux de cette rencontre au sommet dans son discours d’ouverture :
Les nombreux défis auxquels nos Etats font face et l’impérieuse nécessité de répondre efficacement aux attentes de nos populations nous ont parfois conduits à adopter des mesures urgentes mais inadéquates pour préserver les grands équilibres macro-économiques de nos pays ainsi que la stabilité financière de la sous-région. Si rien n’est fait, selon diverses expertises, nous pourrions faire face à des conséquences désastreuses, à la fois pour nos pays et pour notre sous-région. Il s’agit là, à mon sens, d’une éventualité que nous devons absolument éviter.