L’industrie camerounaise ouvre l’année 2025 sur une note contrastée. Selon les données de l’Institut national de la statistique (INS), l’Indice des prix à la production industrielle (IPPI) a progressé de 0,8 % au premier trimestre 2025 par rapport au trimestre précédent. Une hausse jugée modérée, mais qui cache de fortes disparités entre secteurs. Les moteurs de la hausse sont l’agroalimentaire et la métallurgie. Ces deux branches affichent des progressions respectives de 4 % et 5,3 % sur le trimestre. En glissement annuel, la tendance est encore plus marquée pour l’agroalimentaire : +8,6 % entre le premier trimestre 2024 et le premier trimestre 2025.
Cette évolution est significative dans un pays où les produits alimentaires représentent une part importante du panier des ménages. Une hausse des prix à la production dans ce secteur entraîne presque mécaniquement une pression sur les prix de détail. Pour les familles, cela signifie que les dépenses liées à l’alimentation pourraient continuer de grimper dans les mois à venir.
La métallurgie, de son côté, illustre la vigueur de la demande en matériaux et produits semi-finis. Utilisés dans le bâtiment, les travaux publics et d’autres filières industrielles, ces biens connaissent une dynamique ascendante qui peut traduire une reprise des investissements. Mais elle se répercute aussi sur les coûts de production, pesant sur la compétitivité des entreprises locales. Toutes les branches ne suivent pas la même trajectoire. Les industries chimiques, pharmaceutiques et plastiques accusent un repli de 2,8 % par rapport au trimestre précédent.
La baisse des prix dans les cosmétiques et certains produits pharmaceutiques suggère un ralentissement de la demande ou un ajustement lié à la concurrence. Même constat dans la fabrication de papier et l’imprimerie, en recul de 3 %. Le secteur continue de souffrir de la transition numérique et de la baisse structurelle de la consommation de papier. Ces difficultés viennent tempérer la progression de l’indice global et soulignent les fragilités de certaines filières industrielles.
Le secteur extractif livre une image contrastée. Sur le trimestre, les prix à la production baissent de 1,5 %, tirés notamment par l’extraction d’hydrocarbures. Mais en comparaison annuelle, la tendance est radicalement différente, +10,5 % entre T1 2024 et T1 2025. Cette volatilité reflète les fluctuations des marchés mondiaux du pétrole. En 2024, la hausse des cours avait porté les prix à la production extractive à des niveaux élevés. Le début de 2025 marque une accalmie, mais les chiffres restent largement supérieurs à ceux de l’an dernier. Pour le Cameroun, l’impact est double. Sur le plan budgétaire, des prix plus élevés soutiennent les recettes issues des exportations. Mais sur le plan interne, l’augmentation du coût des hydrocarbures alimente les charges de production des entreprises locales, avec un risque de transmission à l’ensemble de l’économie.
Inflation en perspective
En glissement annuel, l’IPPI grimpe de 6,3 %. Ce chiffre illustre la persistance des tensions inflationnistes dans l’économie camerounaise. La progression des prix à la production se répercute inévitablement sur les prix de détail, amplifiant la pression sur le pouvoir d’achat. L’INS met en garde que la hausse observée, même légère, annonce une possible transmission vers les ménages. Dans un contexte où l’alimentation absorbe une part importante des revenus, la progression des prix agroalimentaires inquiète particulièrement. Les entreprises ne sont pas épargnées. Confrontées à des coûts de production plus élevés, elles doivent arbitrer entre réduire leurs marges ou augmenter leurs prix. Ce dilemme pèse sur leur compétitivité, d’autant que la concurrence régionale s’intensifie dans plusieurs secteurs.
Au-delà des chiffres trimestriels, l’évolution de l’IPPI soulève des questions sur la politique industrielle du Cameroun. La croissance des prix repose sur quelques branches dynamiques, comme l’agroalimentaire et la métallurgie, mais masque les difficultés d’autres segments. La dépendance à un nombre limité de secteurs rend l’économie vulnérable. Un choc sur l’agroalimentaire, par exemple lié aux prix des matières premières importées, pourrait fragiliser l’ensemble de l’indice. De même, la baisse persistante dans la chimie ou l’imprimerie reflète des problèmes structurels qui nécessitent des réponses adaptées.
Pour les autorités, le défi est de diversifier les moteurs de croissance industrielle tout en maîtrisant l’inflation. Cela suppose d’investir dans la modernisation des filières en difficulté, de soutenir l’innovation et de renforcer la compétitivité face aux pressions extérieures.
« Le gouvernement s’est fixé pour objectif de ramener l’inflation à 4% d’ici la fin de l’année. Cet objectif reste réalisable, à condition de contenir les principaux risques, notamment de nouvelles hausses des prix de l’énergie, les ajustements fiscaux et les incertitudes géopolitiques », souligne l’organisme en charge de l’élaboration de la statistique officielle au Cameroun.
L’IPPI, un baromètre à suivre de près
Mis en place depuis 2017, l’Indice des prix à la production industrielle constitue un outil clé pour suivre la conjoncture. Calculé sur la base des prix départ usine, hors taxes et subventions, il couvre les industries extractives, manufacturières, ainsi que la production et la distribution d’électricité, de gaz et d’eau. L’échantillon suivi par l’INS intègre plus de 100 entreprises, représentant 80 % du chiffre d’affaires industriel. L’indice reflète donc fidèlement l’évolution des prix dans le secteur secondaire. Sa progression trimestrielle ou annuelle sert d’indicateur avancé pour anticiper l’inflation et orienter la politique économique.
Pour les investisseurs, l’IPPI est également un signal. La hausse des prix témoigne d’une demande soutenue dans certaines branches, mais elle révèle aussi des coûts croissants qui peuvent affecter la rentabilité. Comprendre la dynamique sectorielle est essentiel pour identifier les opportunités et les risques. Pour les pouvoirs publics, l’enjeu sera d’accompagner les branches en difficulté tout en contenir la transmission des hausses de coûts vers les ménages. Les prochains trimestres seront déterminants pour mesurer si l’inflation s’accélère ou si elle reste maîtrisée. En attendant, une chose est sûre. Derrière la progression modeste de 0,8 % au premier trimestre 2025, l’industrie camerounaise révèle un visage contrasté. Des secteurs porteurs tirent l’activité vers le haut, mais les tensions sur les prix rappellent que la stabilité économique reste fragile.