Cette opération est le résultat d’un processus de maturation technique et financière engagé depuis plusieurs années, dans un contexte où les infrastructures de transport constituent un levier central de compétitivité économique. L’aéroport international de Douala occupe une place stratégique dans l’économie camerounaise. Porte d’entrée aérienne du pays, il concentre l’essentiel du trafic passagers et fret, au service du commerce, de l’industrie et des échanges régionaux. Pourtant, l’infrastructure montre depuis longtemps ses limites. Saturation des espaces, congestion des flux, équipements vieillissants ; autant de contraintes qui pénalisent la qualité de service offerte aux compagnies aériennes et aux usagers. La rénovation de l’aérogare passagers, à travers le projet RAP-AID, vise à corriger ces faiblesses et à repositionner la plateforme aux standards internationaux.
Le coût global du projet est évalué à 95 milliards de FCFA toutes taxes comprises, pour des travaux hors taxes estimés à 75 milliards de FCFA. Le montage financier repose sur une combinaison de ressources internes et externes. ADC S.A. mobilise 36,7 milliards de FCFA sur fonds propres, tandis que l’AFD apporte un financement de 38,3 milliards de FCFA sous forme de prêt non souverain. L’État du Cameroun complète le dispositif par une contribution de 20 milliards de FCFA, correspondant à la prise en charge des impôts et droits de douane. Ce schéma traduit une volonté de partage des risques et envoie un signal aux investisseurs et bailleurs de fonds. Le prêt de l’AFD, assorti d’une maturité de 15 ans et d’un différé de remboursement de 10 ans, offre à ADC S.A. une visibilité financière compatible avec les cycles longs des investissements aéroportuaires. Les fonds seront versés directement aux entreprises adjudicataires des marchés, un mécanisme destiné à renforcer la transparence et la traçabilité financière.
Sur le plan opérationnel, la rénovation vise une remise à niveau complète de l’aérogare passagers afin de la conformer aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et de l’Association internationale du transport aérien (IATA). L’objectif est l’atteinte du standard IATA « C », considéré comme un niveau de service intermédiaire garantissant des conditions acceptables pour les passagers, les compagnies aériennes et les exploitants. Le projet prévoit la séparation des flux domestiques et internationaux à l’arrivée comme au départ, afin de fluidifier les contrôles et de réduire les congestions. Les capacités d’enregistrement passeront de 20 à 30 banques, tandis que les systèmes de traitement des bagages seront renforcés avec l’installation de 600 mètres linéaires de carrousels. Six passerelles d’embarquement seront mises en service pour limiter l’embarquement à pied. L’accessibilité sera améliorée grâce à des ascenseurs et des rampes dédiées aux personnes à mobilité réduite.
Les infrastructures au sol feront également l’objet d’extensions significatives, avec la construction de 42 000 m² d’aires de trafic, le réaménagement de 25 000 m² existants et l’ajout de 10 000 m² supplémentaires au sein de l’aérogare. L’ensemble de ces aménagements vise un relèvement du niveau de sûreté aéroportuaire, évalué à 9 sur l’échelle de conformité internationale.
Un levier pour la compétitivité économique
Au-delà de la modernisation matérielle, le projet RAP-AID s’inscrit dans une logique de compétitivité économique. Une aérogare plus fluide et plus fiable constitue un atout pour attirer et fidéliser les compagnies aériennes, condition essentielle à l’amélioration de la connectivité du pays. Pour les investisseurs et opérateurs économiques, la qualité des infrastructures de transport reste un critère déterminant dans les décisions d’implantation. La rénovation vise également à accroître la rentabilité de l’exploitation aéroportuaire. En améliorant les performances opérationnelles et en réduisant certains coûts, ADC S.A. entend renforcer ses recettes, notamment extra-aéronautiques. Espaces commerciaux, services annexes et meilleure organisation des flux ouvrent des opportunités pour les acteurs privés, dans un environnement encore peu exploité en Afrique centrale.
Le projet intègre une dimension environnementale et sociale, avec la mise en œuvre d’un plan d’engagement dédié et d’un programme d’efficacité énergétique des bâtiments rénovés. Cette trajectoire bas carbone, soutenue par l’AFD, répond aux exigences croissantes des bailleurs internationaux et s’inscrit dans une approche de modernisation responsable des infrastructures. Reste la question du calendrier. Les travaux devront être réalisés sans interruption de l’exploitation de l’aéroport, avec une phase préparatoire à partir de 2026, suivie de deux phases opérationnelles dont l’achèvement est prévu pour 2028. Un délai qui suscite des interrogations, alors que le projet est attendu depuis 2018. Les responsables d’ADC défendent toutefois ce séquencement, estimant que des études techniques et financières rigoureuses sont indispensables pour sécuriser l’exécution du chantier.
