Selon la dernière note de conjoncture économique publiée par le ministère des Finances (Minfi), la croissance du produit intérieur brut est estimée à 3,9 % en 2025, contre 3,5 % un an plus tôt. Cette progression repose sur la performance du secteur primaire (+4,1 %), le redressement de l’industrie (+2,9 %) et la reprise des services (+4,2 %). Cependant, l’activité globale des entreprises a reculé de 5,9 % au premier trimestre, plombée par une baisse de 19,5 % du chiffre d’affaires dans le tertiaire. Le redressement observé dans les autres branches compense partiellement ce repli, confirmant la transition progressive de l’économie vers une production plus diversifiée. Les prix à la consommation ont, eux, légèrement augmenté de 0,4 % sur le trimestre, tirés par les produits alimentaires et l’énergie.
En rythme annuel, l’inflation s’établit à 4,3 %, en deçà du seuil de la CEMAC. Une stabilité qui résulte de la politique de contrôle des prix menée par les autorités face aux tensions sur les marchés internationaux. Malgré les aléas du commerce mondial, les perspectives restent globalement favorables. Le Cameroun devrait tirer profit de la hausse des cours du cacao, de la bonne performance de l’agro-industrie et de l’entrée en production de nouveaux projets énergétiques, selon les prévisions du ministère des Finances. Le secteur primaire confirme son rôle de socle de la croissance nationale. La production agricole a connu une nette amélioration, portée par la hausse de 12,8 % du chiffre d’affaires par rapport au trimestre précédent.
Cette embellie s’explique par de bonnes récoltes dans les filières coton, huile de palme et cacao. À titre d’exemple, la production de coton a bondi de 189 %, profitant d’un cycle de récolte favorable, tandis que celle de l’huile de palme a triplé sur la même période. Le secteur forestier reste stable, même si la production de grumes devrait reculer d’environ 4,9 % d’ici la fin de l’année, en raison de la surtaxe imposée sur le bois brut pour encourager la transformation locale. La filière bois scié a, quant à elle, enregistré une baisse de 18,9 %, conséquence directe de la réduction des commandes internationales.
Du côté du secteur secondaire, les signaux sont contrastés. Les industries agroalimentaires enregistrent une hausse globale de la production, notamment dans les branches des huiles et graisses (+26,4 %), du sucre et du cacao. La mise en service progressive du barrage de Nachtigal et de la centrale de Lom-Pangar a permis d’accroître la production électrique de 12,1 %, soutenant ainsi la consommation industrielle et domestique. Mais la hausse des coûts énergétiques et la dégradation des routes continuent de freiner la compétitivité des entreprises. Le secteur tertiaire, en revanche, a subi un net ralentissement. Après le pic d’activités observé pendant les fêtes de fin d’année, les commerces et les services ont enregistré une contraction de 19,5 % de leur chiffre d’affaires. Toutefois, les télécommunications et les transports résistent mieux : les opérateurs mobiles affichent une croissance de 13,5 % de leurs revenus, portée par l’essor du mobile money et l’expansion des infrastructures numériques.
Un commerce extérieur en nette amélioration
Le premier trimestre 2025 est marqué par un rééquilibrage de la balance des paiements. Le compte courant affiche un excédent de 52,8 milliards de FCFA, contre un déficit de 100,9 milliards au trimestre précédent. Cette amélioration résulte principalement d’un excédent commercial de 308 milliards de FCFA, soutenu par la hausse des exportations et la baisse des importations. Les exportations ont progressé de 35,8 milliards, notamment grâce à la bonne tenue du cacao brut, du gaz naturel liquéfié et du coton. À l’inverse, les importations ont chuté de 202,6 milliards, sous l’effet de la réduction de la facture énergétique et du ralentissement des achats de denrées alimentaires. Cette évolution a permis d’améliorer le taux de couverture des importations par les exportations, désormais estimé à 97 %.
Hors hydrocarbures, les ventes à l’étranger atteignent 774 milliards de FCFA, confirmant la montée en puissance du cacao, du bois transformé et de certains produits agricoles. Le recul des importations de carburants (-105,6 milliards) et de machines industrielles (-17,6 milliards) témoigne d’une meilleure rationalisation des dépenses. Cette embellie commerciale contribue à renforcer les réserves de change et à consolider la position du Cameroun au sein de la CEMAC, où le pays représente à lui seul près de 46 % des réserves régionales.
Des finances publiques encore fragiles
Sur le plan budgétaire, le Cameroun fait face à des pressions persistantes. Les recettes totales mobilisées au premier trimestre s’élèvent à 1 489,8 milliards de FCFA, en baisse de 4,6 % par rapport à 2024. Le repli des recettes pétrolières (-12,4 %) et fiscales (-4,8 %) a été partiellement compensé par la hausse des droits de douane (+29 %), signe de la bonne performance des services douaniers. Les dépenses publiques ont diminué à 1 354,4 milliards de FCFA, un recul de 10,8 % dû à la baisse des investissements (-40,7 %) et à la réduction des transferts sociaux. La masse salariale, en revanche, a légèrement augmenté (+5,7 %), traduisant la poursuite du recrutement dans les secteurs prioritaires. Le service de la dette demeure la principale contrainte budgétaire. Sur la période, il a atteint 712,6 milliards de FCFA, dont 451 milliards de dette intérieure. Ces paiements, largement supérieurs à ceux des trimestres précédents, limitent la capacité d’investissement public et creusent le déficit global, estimé à 443 milliards de FCFA. Les autorités misent désormais sur un renforcement de la mobilisation des ressources intérieures, la diversification des exportations et le développement du contenu local pour réduire la dépendance à la dette et aux financements extérieurs.
Le système monétaire camerounais reste solide. Les avoirs extérieurs nets ont progressé de 14,7 % pour atteindre 3 195 milliards de FCFA, tandis que la masse monétaire a augmenté de 3,4 % sur le trimestre. Le Cameroun conserve ainsi une couverture en devises équivalente à près de six mois d’importations, un niveau supérieur aux normes de la CEMAC. La Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a ajusté son taux directeur de 5 % à 4,5 % pour soutenir la liquidité bancaire et encourager le crédit à l’économie. Toutefois, les banques font face à des défis structurels : certaines présentent des ratios de solvabilité inférieurs aux standards exigés, et les créances douteuses représentent environ 15 % des prêts accordés.
Malgré ces fragilités, le système bancaire demeure le moteur du financement national. Afriland First Bank, Société Générale et Atlantic Bank concentrent plus de la moitié des dépôts et crédits du pays, confirmant leur rôle central dans la stabilité financière. Les indicateurs du premier trimestre confirment la solidité du socle économique camerounais, malgré les chocs extérieurs. L’agriculture et les exportations soutiennent la croissance, tandis que la stabilité monétaire offre un environnement favorable à l’investissement. Toutefois, la dépendance aux produits primaires, le ralentissement du tertiaire et le poids de la dette restent des défis majeurs.
