C’est une sortie qui était très attendue. La CDEC dans une lettre adressée au Secrétaire Géneral de la Commission bancaire de l’Afrique centrale ce 13 novembre 2025 répond à la lettre du 22 octobre 2025, dans laquelle la COBAC alertait sur des « initiatives susceptibles de déstabiliser le système bancaire », en référence aux procédures judiciaires et saisies engagées par la CDEC contre certains établissements de crédit.
Selon le régulateur sous régional à savoir la COBAC, ces actions, notamment celles liées à la récupération des avoirs en déshérence, contreviendraient aux nouveaux règlements communautaires adoptés en juillet 2025 à Malabo.
Mais pour la CDEC, cette lecture relève d’un malentendu juridique et d’un parti pris manifeste.
Votre lettre, expression d’un parti pris évident, élude la vraie problématique, qui est celle du simple transfert des ressources prévues par la loi à la CDEC
, écrit l’institution, rappelant que son action s’appuie sur la loi camerounaise du 8 avril 2008 régissant les dépôts et consignations.
Créée en 2008 mais mise en service en 2023 à la suite de la nomination de ses organes dirigeants par le président de la République, la CDEC insiste sur la légalité et la légitimité républicaine de son action.
Les procédures judiciaires engagées par la CDEC ne sont pas des perturbations du secteur bancaire, mais l’expression normale de la justice dans un État de droit
, soutient la lettre.
L’institution précise que les banques ont bénéficié de quinze années pour se conformer à la législation nationale, mais que certaines ont préféré « la résistance et le lobbying » à la conformité.
La CDEC déplore également une « cabale médiatique » relayée sur les réseaux sociaux et accuse la COBAC d’avoir « cautionné des manœuvres visant à discréditer une institution publique légitime ».
Souveraineté nationale
Au-delà du différend technique, la CDEC défend un principe de souveraineté nationale. Selon elle, la COBAC n’a ni vocation ni compétence à intervenir dans des procédures judiciaires ou dans des politiques publiques relevant de l’État camerounais.
En enfreignant le principe de spécialité, la COBAC outrepasse le périmètre de ses compétences
, affirme la CDEC, en rappelant que la Convention du 16 octobre 1990 portant création de la COBAC la charge uniquement de veiller au respect, par les établissements de crédit, des dispositions législatives nationales.
L’institution rejette également les observations de la COBAC sur la réforme du système de cautionnement des marchés publics, soulignant que le Cameroun a, en toute souveraineté, opté pour des sûretés réelles, conformément à l’Acte uniforme OHADA du 15 décembre 2010.
“Que la COBAC se recentre sur ses missions”
Dans un ton sans équivoque, la CDEC invite la COBAC à se recentrer sur ses missions de supervision et à éviter toute dérive d’ingérence. La lettre signée du DG de la CDEC, Richard Evina Obam, va même jusqu’à préciser que
La capture du régulateur par les régulés est consommée en Afrique centrale
Tout en se disant ouverte au dialogue, la CDEC réaffirme sa confiance dans la justice camerounaise et sa détermination à rapatrier les ressources publiques destinées au financement du développement national.
Des tensions dans la CEMAC
Le bras de fer entre la CDEC et la COBAC illustre une tension croissante au sein de la CEMAC : d’un côté, la volonté d’une intégration financière régionale plus forte, prônée par la COBAC ; de l’autre, la revendication de souveraineté des États dans la gestion de leurs institutions publiques.
Les yeux sont désormais rivées sur ces mis en cause. Alors que les règlements communautaires sur les avoirs en déshérence sont entrés en vigueur en septembre 2025, la question reste entière: le Cameroun acceptera t-il d’aligner sa législation sur le droit communautaire, ou défendra-t-il jusqu’au bout l’autonomie de sa Caisse des Dépôts ?
