Les dernières Perspectives économiques mondiales publiées par la Banque mondiale le 6 juin dernier montrent que la croissance a nettement ralenti et le risque de tensions financières dans les économies de marché émergentes et en développement s’intensifie dans un contexte de taux d’intérêt élevés. La situation particulière de l’Afrique au sud du Sahara n’incite pas à plus d’optimisme. La croissance y a continué à ralentir au début de l’année , l’inflation galopante a aggravé les difficultés économiques des pauvres et a fortement accru l’insécurité alimentaire :
L’Afrique subsaharienne a entamé cette année avec 35 millions de personnes supplémentaires en situation d’insécurité alimentaire aiguë par rapport au début de l’année 2022,
relèvent les perspectives économiques mondiales. La hausse annuelle des prix des denrées alimentaires, apprend-on, est toujours à deux chiffres dans près de 70 % des pays, en raison des coûts plus élevés des intrants agricoles, des dépréciations monétaires et de nouvelles difficultés d’approvisionnement dues aux violences intercommunautaires et aux effets délétères du changement climatique.
Selon les estimations de la Banque mondiale, la croissance des trois plus grandes économies de l’Afrique subsaharienne –Afrique du Sud, Angola et Nigeria – est tombée à 2,8 % en 2022 et continuera à fléchir au premier semestre 2023.
Le détail de la situation des pays leaders de l’Afrique subsaharienne n’est pas plus reluisant. L’économie sud-africaine, pénalisée par de graves pannes d’électricité, note la Banque mondiale, a encore ralenti du fait d’une inflation persistante, d’un durcissement des politiques intérieures et d’un affaiblissement de la demande extérieure.
En Angola et au Nigeria – les plus grands producteurs de pétrole de la région –, la dynamique de croissance est au point mort en raison de la baisse des prix de l’énergie et de la stagnation de la production pétrolière. Le rebond post-pandémique du secteur non pétrolier du Nigéria a marqué le pas au début de l’année en raison d’une inflation toujours élevée, des pénuries de devises étrangères et du manque de billets de banque consécutif à la refonte des coupures de la monnaie nationale.
Les perspectives, elles, sont plus qu’incertaines. Celles spécifiques portant sur la réduction de la pauvreté annoncent que « près de 40 % de la population d’Afrique subsaharienne vivant dans des pays où le revenu par habitant sera plus faible l’année prochaine qu’en 2019 ». Selon la Banque mondiale, la croissance de l’Afrique subsaharienne devrait encore reculer à 3,2 % en 2023 avant de remonter à 3,9 % en 2024.
L’Afrique du Sud devrait voir sa croissance baisser à 0,3 % cette année, les pannes d’électricité généralisées pesant lourdement sur l’activité et contribuant à la persistance de l’inflation. Celle du Nigeria, prévoient les chiffres de la Banque mondiale, restera sans doute à peine supérieure à la croissance démographique, ce qui est bien trop lent pour faire des progrès significatifs dans l’atténuation de l’extrême pauvreté. La dégradation des perspectives s’étend en outre au-delà des principales économies régionales, car le coût élevé de la vie limite la consommation privée et le durcissement des politiques empêche la reprise de l’investissement dans de nombreux pays.
Plus généralement, anticipe la Banque mondiale,
l’aggravation des vulnérabilités nationales, le resserrement des conditions financières mondiales et la faiblesse de la croissance mondiale devraient freiner la reprise. Le revenu par habitant en Afrique subsaharienne devrait progresser de moins de 1 % par an en moyenne en 2023-2024 : dans plus d’un cinquième des économies de la région, dont les trois plus importantes, la hausse moyenne du revenu par habitant sur la période ne devrait pas dépasser 0,5 % et l’évolution sera négative dans plus d’un dixième des pays.
Risques de surendettement
Des risques pourraient assombrir davantage les perspectives car, souligne la Banque mondiale, l’activité mondiale pourrait ralentir plus rapidement que prévu si la réouverture de l’économie chinoise ne parvient pas à générer une reprise durable ou si les conditions financières mondiales se resserrent davantage.
Quant aux conditions financières de l’Afrique subsaharienne, elles pourraient se détériorer encore plus si les pressions inflationnistes devaient perdurer plus longtemps que prévu ou si les tensions dans le secteur bancaire des économies avancées s’étendaient au système financier mondial avec comme conséquences de nouvelles dépréciations monétaires et de nouvelles sorties de capitaux, et accroîtrait les risques de surendettement.
En conclusion, la Banque mondiale redoute des crises humanitaires prolongées et des problèmes intérieurs considérables tels que la pauvreté persistante, la violence et les conflits qui s’enveniment, et les effets néfastes du changement climatique.