Le Cameroun a la mauvaise réputation d’avoir les routes parmi les plus chères en Afrique. En 2013 par exemple, au cours d’une réunion des points focaux du Conseil national de la Route (Conaroute), il avait été révélé que le prix moyen du kilomètre de route bitumée est estimé à environ 345 000 dollars US (environ 205 millions de francs CFA) dans ce pays d’Afrique centrale contre une moyenne africaine d’environ 168 000 dollars US (environ 100 millions de francs CFA).
Lorsqu’il s’agit des coûts des projets routiers (l’ensemble du projet dans toutes ses composantes. Il inclut d’autres infrastructures socioéconomiques qui visent à accroitre la rentabilité économique du projet routier), ces chiffres donnent encore plus le tournis.
Si l’on s’en tient par exemple aux projets réalisés entre 2011-2018, et publiés dans l’annuaire du ministère camerounais des Travaux publics, il ressort, après analyses des chiffres contenus dans ce document, que le kilomètre de route le moins cher au Cameroun a coûté au cours de cette période environ 630 000 dollars US (environ 375 millions FCFA).
A titre d’exemple, l’axe Ndop-Kumbo (50,5 Km), aurait couté un peu plus de 72 millions de dollars US (environ 43 milliards FCFA) à raison de 1 448 000 dollars US (environ 862 673 431 FCFA) le Kilomètre. La route Foumban-Manki, longue de 40 kilomètres aurait coûté 47 millions de dollars (environ 28 milliards FCFA), soit 1 176 000 de dollars US (environ 700 millions de francs CFA) le Km.
Ou encore, Djoum-Mintom aurait englouti un peu plus de 92,5 millions de dollars US (environ 55 milliards FCfa) pour 950.000 dollars US (environ 565.265.306 francs CFA) le kilomètre.
Un rapport de la Banque mondiale publié en 2018, vient même enfoncer le clou en indiquant que les coûts des projets routiers au Cameroun sont deux à six fois supérieurs à ceux de projets similaires dans des pays ayant des niveaux de développement équivalents.
Pour preuve, cette institution rappelle que l’autoroute Yaoundé-Douala atteindra un coût de 11 millions de dollars américains par kilomètre, soit un peu plus de 6 milliards de francs CFA le kilomètre (par rapport à 3,5 millions USD en Côte d’Ivoire et 3 millions USD ou au Maroc), tandis que l’autoroute Yaoundé-Nsimalen coûte 6,12 millions USD par kilomètre, soit un peu plus de 3 milliards de francs CFA.
Contraintes
Il est donc clair au regard de ces chiffres comparatifs que le coût de la route est très dispendieux au Cameroun comparativement à la moyenne africaine. Un surenchérissement, à en croire le Directeur général des Études techniques du ministère en charge des Travaux publics, Donnât Takuete, lié à plusieurs contraintes. La 12ème édition du Salon de l’action gouvernementale (Sago-2023) à Yaoundé, du 22 au 29 juillet 2023, a une fois de plus été l’occasion d’informer les populations sur ces contraintes internes et externes qui influencent ces coûts.
En premier lieu, on a les hypothèses de conception de la route tel que le trafic. En fonction du trafic, vous pouvez avoir deux itinéraires routiers ayant un même linéaire. Mais s’ils n’ont pas le même trafic, ils n’auront pas les mêmes structures de chaussées. Donc pas forcément le même coût, a indiqué Donnat Takuete.
D’autres éléments de l’environnement de l’itinéraire routier sont également à prendre en compte, notamment la construction des ouvrages d’arts. En effet, les coûts des projets routiers dépendent de la quantité et de la qualité des ouvrages d’art à construire.
A ces facteurs internes, purement techniques, il faut ajouter les facteurs liés à l’environnement institutionnel. A cela s’ajoute l’environnement économique, le climat des affaires ainsi qu’un ensemble d’autres liés aux
insuffisances dans la réalisation des études techniques et géotechniques, aux contraintes inhérentes à la fiscalité, aux indemnisations et déplacements des réseaux, aux incertitudes dans les délais de paiement des entreprises, aux recours ou non à la concurrence dans l’attribution des marchés,
avait affirmé pendant un conseil de cabinet, Emmanuel Nganou Djoumessi, le ministre camerounais des Travaux publics.
Mesures à renforcer
Pour faire considérablement baisser ces coûts, le département ministériel en charge du secteur routier et autoroutier a indiqué un ensemble de mesure à consolider et à renforcer. En phase d’études des marchés par exemple, il faut valoriser les matériaux locaux en les améliorants si nécessaire par les produits innovants, ou par des techniques de retraitement ou de recyclage des sols en place. Les écoles de formation d’ingénieurs et le Laboratoire national de Génie civil sont à cet effet interpellés pour y participer, dans le cadre de la recherche.
Sur ce point, a souligné un responsable du ministère, « la valorisation de l’expertise locale doit se poursuivre pour limiter le recours encore important à l’expertise extérieure dont le coût est généralement plus onéreux. Pour cela, il faut disposer d’une masse critique de ressources nationales (entreprises, personnel et matériel) pour les projets.
En phase de programmation, il convient d’assurer la maturité complète des projets avant leurs lancements. Cette vérification devra se faire en conformité avec l’article 18 du décret N°2018/4992/PM du 21 juin 2018 fixant les règles régissant le processus de maturation des projets d’investissement public.
La libération des emprises, avec ses composantes expropriation et déplacement des réseaux devra également faire l’objet d’une attention particulière, car ayant été à l’origine de nombreux dépassements de délais et de demande de paiements sous forme de réclamation. Il conviendrait dans ce sens, de confier à un acteur unique (ministre chargé des domaines), la libération des emprises de projets.
Ce ministère conduirait le recensement des biens mis en cause et le paiement des indemnisations, éliminant ainsi les longs échanges avec plusieurs administrations. Cela suppose la disponibilité à son niveau, des ressources financières pour le fonctionnement des Commissions de recensement des biens et le règlement effectif des indemnisations.
En phase de sélection des co-contractants pour ne citer que ces cas, il faudra davantage, pour les travaux de grande envergure, procéder si possible avec une pré-qualification. Ce qui permet de vérifier les déclarations des postulants, de proposer des allotissements des travaux qui permettent de générer la concurrence d’une part, et d’autre part l’accès des entreprises locales à la commande.
En phase d’exécution des travaux in fine, en début de projet, il convient d’organiser un séminaire pour les intervenants de l’administration, afin de leur rappeler leur rôle et présenter les spécifications techniques et les spécificités du contrat qu’ils auront à suivre ; donner aux ingénieurs de suivi des projets du ministère des Travaux publics, aussi bien ceux des services déconcentrés que ceux des services centraux, les outils nécessaires à un bon suivi des projets. Un « guide de l’Ingénieur de Suivi des Projets » a été élaboré à cet effet.