Pour mieux comprendre l’ampleur de la transformation de l’industrie phonographique, des comparaisons s’imposent avec des chiffres avancés il y a une vingtaine d’année, lorsque ces revenus étaient de 24 milliards de dollars avec une contribution à hauteur de 97% des ventes physiques.
Ainsi, dans le rapport de la Fédération internationale de l’industrie phonographique (Ifpi), il est dit que l’Afrique subsaharienne, à l’instar de toutes les autres régions, a enregistré une augmentation des revenus provenant du streaming, particulièrement celui financé par la publicité dont les revenus ont augmenté de 56,4%. Ces données comparatives montrent à suffisance la place qu’occupe le streaming dans l’industrie musicale aujourd’hui.
L’essor des services de streaming en ligne
Pour devenir un marché majeur du contenu en streaming, l’Afrique possède les ingrédients nécessaires tels qu’une population nombreuse, jeune et férue de technologies, une industrie des médias et du divertissement obsolète et mûre pour le bouleversement numérique et une adoption sans cesse croissante de la 4G.
Le marché du streaming a connu une forte activité au cours des deux dernières années, principalement sous l’impulsion d’acteurs locaux tels qu’Iroko et Showmax, mais aussi des acteurs internationaux à l’instar de Netflix, Spotify, Deezer etc. qui eux aussi, ont manifesté un intérêt croissant dans ce domaine.
Showmax et Netflix ont récemment lancé des abonnements réservés aux téléphones mobiles pour tirer parti de l’adoption croissante des smartphones, en particulier par des consommateurs plus jeunes et plus mobiles qui n’ont peut-être pas accès à des appareils de streaming à écran plus grand ou qui trouveraient les coûts inférieurs de ces abonnements plus abordables.
L’on note qu’en Afrique du Sud, Vodacom a enregistré une augmentation de 65% du streaming Netflix sur mobile pendant la période de confinement de 2020, soit près du double de l’augmentation de 36% sur fibre optique.
Quant aux fournisseurs de services de streaming en ligne, ils établissent des partenariats de distribution avec des opérateurs de téléphonie mobile et investissent dans des contenus de divertissement locaux dans le but d’accroître l’accès au marché et séduire des segments du marché plus sensibles à la culture.
Afin de mieux séduire et convaincre les Africains, Netflix a donc lancé en mai 2020, sa collection « Made in Africa », une liste de séries, de films et de documentaires tournés en Afrique. La plateforme de streaming occidentale a également commencé à commander davantage d’émissions et de films produits localement qui reflètent les cultures et les expériences des Africains ordinaires dans le cadre de son portefeuille Netflix Originals
Plus de 15 millions d’abonnés en Afrique aux plateformes de streaming d’ici 2026
Le marché de la SVoD en Afrique subsaharienne est en croissance et ne devrait pas s’arrêter pour atteindre plus de 15 millions d’abonnés d’ici 2026, soit le triple en cinq ans, d’après l’annonce faite par Dataxis.
La concurrence entre les plateformes locales et les géants internationaux est forte ces dernières années en Afrique, puisque « Showmax », la plateforme du groupe Sud-africain « MultiChoice », domine le marché avec près de 2 millions d’abonnés en 2021.
Elle devrait atteindre les 5 millions d’abonnés d’ici 2026 et est directement talonnée de près par le géant américain Netflix (1,5 millions d’abonnés en 2021 à 4,7 millions en 2026), et VideoPlay, propriété de l’opérateur mobile sud-africain Vodacom (de 1,1million d’abonnés en 2021 à 2,4millions en 2026).
Cependant et à mesure que les opportunités pour la musique continuent de se développer, les domaines dans lesquels les maisons de disque doivent travailler pour s’assurer que la valeur créée par les artistes musicaux est reconnue et restituée augmentent également.
Pour cela, l’IFPI classe l’Afrique subsaharienne comme la région à la croissance la plus rapide en 2022, après avoir enregistré une croissance de 34,4%. Ledit rapport montre une croissance dans les sept régions qu’il contrôle.
Dans l’ensemble, les revenus totaux du commerce mondial pour 2022 se sont élevés à 26,2 milliards de dollars, soit une augmentation de 9% par rapport à 2021. Cette augmentation a tiré de façon significative la croissance du streaming par abonnement payant.
De ce fait, les revenus du streaming audio par abonnement ont augmenté de 10,3% pour atteindre 12,7 milliards de dollars avec l’aide de 589 millions d’abonnés payants qui étaient comptabilisés en fin 2022.
Ainsi, le streaming total, y compris les abonnements payants et financés par la publicité a connu une augmentation de 11,5% pour atteindre 17,5 milliards $ soit 67% du total de revenus mondiaux de la musique enregistrée.
Valoriser les contenus locaux
L’Afrique, avec sa population en forte croissance qui est de plus en plus connectée à internet, s’impose progressivement comme un nouveau terrain de bataille pour les grands noms du streaming.
Étant à la recherche de nouveaux marchés, surtout que les marchés traditionnels du streaming en Amérique du Nord ou en Europe sont saturés, les géants mondiaux du streaming se tournent vers l’Afrique qui reste un marché encore inexploité, une véritable niche pour le développement de leurs activités.
Le taux de pénétration des services par abonnement en Afrique s’élevait en moyenne à un peu plus de 2% des ménages en 2022, contre 71% en Amérique du Nord et 52% en Europe occidentale qui représente une marge importante, si les diffuseurs sont en mesure d’adapter leurs stratégies au marché africain,
a expliqué Sam Young, analyste auprès du Cabinet Ampère Analysis. Ledit cabinet renchérit que le marché africain de la VOD devrait atteindre 12,8 millions d’abonnés d’ici la fin 2027, générant plus d’1 milliard de dollars de revenus, soit une forte hausse par rapport à 2022.
En Afrique, le contenu en streaming et la vidéo à la demande va créer des revenus de l’ordre de 2 milliards de dollars d’ici 2027, à en croire les estimations du cabinet Digital Tv Research.
Les revenus de la SVoD atteindront 166 milliards $ en 2027 contre 476 millions de dollars en 2021, car l’Afrique du Sud et le Nigéria représenteront à eux seuls 56% du total du contenu accessible en streaming en 2027, laissant les autres 896 millions de dollars repartis entre les 33 autres pays, selon les assurances dudit cabinet.
Rappelons qu’en 2022, les experts du cabinet digital Tv Research annonçaient que les abonnements aux plateformes over the top en Afrique passeraient à 13, 72 millions d’ici 2027 contre 4,89 millions l’année précédente. Les contenus locaux s’imposent comme l’une des armes spécifiques dans le domaine du streaming en Afrique.
C’est pour cette raison que Showmax, dans l’optique de résister à la concurrence grandissante, avait annoncé en mars 2023, un partenariat avec NBC Universal et Sky, une filiale du câblo-opérateur Comcast.
L’enjeu du Sud -Africain n’étant pas de venir grossir les contenus locaux dont l’offre est déjà importante, au contraire de pouvoir proposer plus de fictions et d’émissions internationales. Pour mieux développer ses contenus locaux en Afrique, le groupe audiovisuel français Canal+ international à racheté en 2019, le studio nigérian ROK et la société rwandaise Zacu en 2022, ainsi que la société de production ivoirienne Plan A.
L’acquisition de ces différentes chaînes permet alors à Canal+ international dans sa vision africaine de proposer plus de 2000 heures de séries africaines qu’elle diffuse chaque année sur ses plateformes avec comme spécificités que certaines d’entre elles sont diffusées en langues locales, destinées aux téléspectateurs du continent africain.
Regarder du contenu hors ligne
Les plateformes de streaming doivent répondre à certains problèmes cruciaux auxquels sont confrontées les populations africaines parmi lesquels, la prédominance de l’internet mobile et son coût élevé des données, ou encore la faible bancarisation des africains.
De ce fait, Showmax a quant à lui autorisé le téléchargement directement sur téléphone portable, pour permettre le visionnage hors ligne.
Pour sa part, la plate-forme américaine Netflix a mis sur pieds un plan mobile gratuit au Kenya pour donner aux utilisateurs la possibilité d’accéder à des titres sélectifs, pariant sur le passage progressif à un abonnement payant.
Prime Video a de son côté lancé à l’été 2022 au Nigeria, un service doté d’une interface et d’un sous-titrage en langue locale, avec possibilité de payer dans la monnaie locale. En effet, le catalogue des programmes proposés ne suffit pas toujours pour se faire une place sur un marché gangréné d’obstacles.
Le coût des abonnements est également un problème crucial qu’il faut revoir en Afrique, alors que le revenu par tête est plus faible que partout ailleurs dans le monde. Ainsi, Netflix a dû revoir à la baisse le tarif de sa version de base 50%, sur la centaine des pays africains où sa plateforme de streaming est proposée.