C’est l’une des principales innovations contenues dans le projet de loi de finances 2024 : le dégrossissement des chapitres communs 65 « dépenses communes » et 94 « intervention en investissements ». Ainsi, conformément aux instructions présidentielles contenues dans sa circulaire du 30 août 2023 relative à la préparation du budget de l’Etat 2024, certaines opérations jadis inscrites dans les chapitres 65 « Dépenses communes » et 94 « Interventions en investissements » ont été affectées dans les budgets des ministères concernés. Concernant en effet le chapitre 65, les ressources d’un montant 60,7 millions de dollars US (37 milliards Fcfa) contenues dans ce chapitre et affectées à la décentralisation ont été transférées au budget du ministère de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel).
Il s’agit précisément des dotations dédiées aux Régions, 49,2 millions de dollars US (30 milliards FCfa), au paiement des salaires des maires et fonctionnement des instances de coordination de la décentralisation 8,2 millions de dollars US (5 milliards Fcfa), ainsi qu’aux « Publics Independents Conciliators » 3,2 millions de dollars US (2 milliards Fcfa). Dans la même veine, la dotation de 2,4 millions de dollars US (1,5 milliard Fcfa) dédiée au financement des partis politiques, initialement prise en charge dans le même chapitre, a été affectée au budget du ministère de l’Administration territoriale (Minat). Ce qui porte le montant total des dépenses dégrossies du chapitre 65 en 2024 à 63,2 millions de dollars US (38,5 milliards Fcfa).
Au niveau du chapitre 94, l’identification a porté sur des dépenses dont le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) a reçu instruction de prendre en charge dans le chapitre 94 et de celles qui sont inscrites de manière structurelle dans le chapitre 94, pour le respect des engagements du gouvernement. Ce choix, explique-t-on, a été fait en tenant compte des dépenses qui peuvent aisément être adressées dans les administrations sectorielles. Elles sont évaluées à 21,6 millions de dollars US (13,2 milliards Fcfa).
Il s’agit notamment : des travaux de construction de la route Bangem-Nguti dans la Région du Sud-Ouest 16,4 millions de dollars US (10 milliards Fcfa) ; de la construction du nouveau campus de l’EMIA 2,4 millions de dollars US (1,5 milliard FCfa) et des projets haute intensité de main d’oeuvre (HIMO) 2,7 millions de dollars US (1,7 milliard).
Ces ressources ont été déployées dans les administrations concernées, à savoir : le ministère des Travaux publics (Mintp) pour les travaux de la Bangem-Nguti, le ministère délégué à la présidence de la République, chargé de la Défense (Mindef) pour les campus de l’EMIA et le Minepat pour les projets HIMO. Ainsi, le montant total des dépenses dégrossies des chapitres communs en 2024 est de 84,8 millions de dollars US (51,7 milliards Fcfa).
Poursuite de la rationalisation de la parafiscalité
Les nouveaux organismes dont les taxes affectées seront plafonnées en 2024 sont précisément la Caisse de développement de l’élevage du Nord-Ouest (Cdeno), la Caisse de développement de l’élevage pour le Nord (Ceden) et la Chambre d’agriculture, des pêches, de l’élevage et des forêts (Capef).
Au total, le nombre d’organismes plafonnés en 2024 passe à 18 entités contre 15 en 2023. L’on rappelle que cette démarche de plafonnement des taxes affectées vise à associer les entités publiques bénéficiaires de la parafiscalité, à l’effort de rationalisation des dépenses publiques au même titre que les ministères, étant entendu que certaines d’entre elles bénéficient des taxes dont le produit serait largement supérieur à leurs besoins réels. Ainsi, lorsque leurs recettes sont supérieures aux plafonds fixés, les excédents constatés sont reversés dans le Compte unique du trésor, afin d’optimiser la gestion de la trésorerie et de soutenir le financement des dépenses du budget de l’Etat.
Encadrement des cessions des créances des entités publiques aux banques commerciales
L’objectif de cette disposition insérée dans la loi de finances 2024, précise-t-on, est de discipliner cette pratique compte tenu des risques et du coût financier plus élevé qui y sont associés, afin de prévenir la détérioration de l’équilibre de trésorerie de l’État et la viabilité des finances publiques.
En effet, cette pratique, qui consiste à transformer une dette non financière, en l’occurrence une dette croisée entre l’Etat et une entité publique en une dette structurée bancaire assortie d’un taux d’intérêt et d’un échéancier de paiement fixé plus ou moins par la banque, est aujourd’hui de plus en plus usitée sans aucun encadrement ou analyse préalable de l’impact de ces décisions sur les finances publiques.
L’Etat a récemment procédé à la signature de nombreuses conventions de cession de créances, sans que les charges budgétaires et financières supplémentaires y relatives, n’aient été prévues par la loi de finances. C’est le cas de Camtel, d’Eneo, du Pad, de la SIC, de la Csph, pour ne citer que celles-là. Ces décisions accidentelles ont entravé la bonne exécution du budget de l’État et de la trésorerie, et ont aussi rendu le service de la dette de l’État de plus en plus insoutenable.
A ce titre, il est précisément proposé de procéder au plafonnement du montant des cessions de créances dans la loi de finances au même titre que les autres engagements financiers, tout en renvoyant la précision des modalités d’application de ces cessions dans la circulaire d’exécution de la loi de finances. Le plafond proposé pour l’exercice 2024 est de 82 millions de dollars US (50 milliards Fcfa).
Quelques innovations fiscales
La loi de finances 2024 contient de nombreuses innovations sur le plan de la fiscalité en général. Parmi celles-ci, l’on peut, entre autres relever l’intégration dans la liste des avantages en nature partiellement taxables, les avantages suivants : téléphone 5% ; carburant 10% ; gardiennage 5% ; internet 5%. Les avantages en nature non listés par la loi seront désormais estimés à leurs coûts réels.
Aussi, contrairement au texte actuel qui précise que toute indemnité en argent représentative d’avantages en nature soit comprise dans la base d’imposition dans la limite des taux prévus à l’article 33 du Code général des impôts (CGI), le législateur envisage que les indemnités en argent représentatives d’avantages en nature soient désormais comprises dans la base d’imposition pour leur montant réel.
Autres innovations, les frais professionnels sont maintenus au taux forfaitaire de 30%. Toutefois, il est envisagé le plafonnement du montant résultant de l’application de ce taux à 4 800 000 FCFA par an. Tout comme il est instauré une amende en cas de non-respect des articles 101 et 102 du CGI relative à déclaration des sommes versées au tiers, le listing des achats et des ventes. Cette amende passera de 5 000 FCFA à 5% du montant non déclaré ; les retenues à la source donneront désormais lieu à la délivrance d’une attestation de retenue à la source.
Elle sera délivrée en ligne par le système informatique de l’administration fiscale ; réduction du délai réponse de mise en demeure de 15 jours à 7 jours ; l’attestation de non redevance pourrait changer pour devenir attestation de conformité fiscale ; instauration d’une redevance pour le financement de la transformation digitale de l’administration fiscale.
La redevance envisagée est fixée à 1 000 FCFA, perçue sur tous les documents générés à partir du système informatique de l’administration fiscale notamment : l’attestation d’immatriculation l’attestation de conformité fiscale (ancien ANR).
Aussi, l’on envisage instaurer des frais de demande d’agrément à l’exercice de l’activité commerciale au Cameroun. Il est envisagé d’instituer des frais de demande d’agrément à l’exercice de l’activité commerciale au Cameroun payables tous les 3 ans. Pour les personnes morales, les frais d’agrément sont fixés comme suit : 1 000 000 FCFA pour les Sociétés Anonymes (SA) et les Sociétés par Actions Simplifiées (SAS) ; 500 000 FCFA pour les Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL).