C’est ce 15 janvier 2024 que devrait entrer en vigueur la nouvelle grille tarifaire annoncée depuis le 03 janvier dernier par l’opérateur maritime CMA CGM et applicable au transport de marchandises conteneurisées par des navires empruntant en temps réel le golfe d’Aden mais obligés depuis quelques semaines de dévier leur trajectoire suite aux attaques perpétrées depuis les côtes du Yémen par des rebelles houthis pro iraniens. Cette grille prévoit une hausse considérable des prix de transports de marchandises empruntant ledit corridor. Ainsi, le prix du transport par conteneur de 20 pieds devrait passer de 2000 à 3500 dollars USD et celui d’un conteneur de 40 pieds, de 3000 à 6000 dollars américains. Soit un doublement desdits tarifs.
Début janvier, au moment de cette annonce, l’expert Lee Klaskow, analyste principal de la logistique chez Bloomberg Intelligence, estimait déjà que les tarifs transpacifiques avaient connu un bond de 56% comparés à la dernière semaine du mois de décembre 2023. Ils atteignaient alors 2769 USD pour un conteneur de 40 pieds, sur la base de l’indice de référence Drewry Hong Kong – Los Angeles, d’après la note de recherche de cet expert. En une semaine, le bond des taux spot sur le marché entre Asie et Méditerranée se situait donc à 70% et à 80% entre Asie et Europe, d’après des données publiées par le site d’information Transport et Logistique du Journal de la Marine Marchande. De quoi inquiéter les chargeurs et leurs prestataires, mais aussi les entreprises et les opérateurs économiques – y compris ceux du continent africain – dont les marchandises à l’import passent par ce couloir maritime.
La mesure de la Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie Générale Maritime (CMA-CGM), un armateur de porte-conteneur français ayant son siège à Marseille, faisait suite aux attaques récurrentes que les navires subissent dans la mer Rouge depuis décembre dernier en riposte aux opérations militaires engagées par Israël dans la zone de Gaza en Palestine. A la mi-décembre, le commandement militaire central américain signalait 24 attaques perpétrées en mer Rouge par les Houthis, sur un mois à compter du 19 novembre 2023.
Ces attaques ont contraint la plupart des compagnies de transport maritime et en l’occurrence les gros armateurs à revoir leur carte de navigation : elles évitent désormais le corridor de la mer Rouge et préfèrent contourner en longeant l’océan Atlantique jusqu’au canal de Bonne Espérance en Afrique du Sud. Ce qui a pour effet de rallonger les délais de livraison des marchandises de 10 à 15 jours et a un impact significatif sur les quantités de carburants et les prix de transport.
Alors que la plupart des compagnies maritimes observaient l’évolution de la situation, des affrontements directs dans la nuit du 31 décembre dernier entre quatre navires houthis et des hélicoptères américains venus secourir un navire battant pavillon de Singapour en mer Rouge les ont totalement dissuadées. Maersk a interrompu définitivement ses opérations dans la mer Rouge après ces combats qui se sont soldés par le coulage de trois bateaux appartenant à des assaillants yéménites Houthis. L’opérateur a été suivi par d’autres compagnies.
295 actes de piraterie en 2023, contre 300 en 2022
Les attaques pirates sont fréquentes dans la mer Rouge en mer d’Arabie et dans l’océan Indien. Mais, en dépit de la recrudescence observée depuis novembre dernier et du regain de tension, dans le contexte de la guerre israélo-palestinienne, les experts se réjouissent, statistiques à l’appui, de la baisse enregistrée en 2023. Soit 295 actes de piraterie recensés, contre 300 en 2022.
S’ils (les Houthis) continuent de menacer des vies humaines ainsi que l’économie mondiale et la libre circulation commerciale dans les voies navigables cruciales de la région, ils en subiront les conséquences,
ont indiqué, début janvier, la Maison Blanche et ses alliés dans une déclaration commune. Pourtant, ni les condamnations faites par le Conseil de sécurité de l’ONU et ses mises en garde contre les assaillants Houthis, ni les opérations militaires menées jusqu’ici par la Coalition baptisée Prosperity Guardian, mise sur pied par les Etats-Unis et une quinzaine de pays alliés (Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Allemagne, Belgique, Danemark, Pays-Bas et Bahreïn), n’ont à ce jour ramené la sérénité sur ce couloir maritime très fréquenté.
La mer Rouge brasse 8% du commerce maritime mondial des céréales, dont dépend l’Afrique
Selon le chef de l’Organisation maritime internationale (OMI), Arsenio Dominguez, s’exprimant lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur cette actualité, ce sont au total 18 compagnies maritimes, y compris le leader mondial MSC et Hapag-Lloyd, qui ont ainsi stoppé le transit de leurs navires via la mer Rouge. Or, il s’agit de l’une des routes maritimes jugées hautement stratégique, où transite près de 15% du commerce maritime mondial, dont 8% du commerce mondial des céréales, 12% du pétrole échangé en mer et 8% du commerce mondial du gaz naturel liquéfié, selon les chiffres récents publiés par les Etats-Unis.
De nombreux biens de consommation (vêtements, nourriture, ordinateurs…), mais aussi des composants fabriqués en Asie et importés en Europe empruntent cette route maritime qui s’ouvre sur le très stratégique canal de Suez en Egypte. Selon des experts, la hausse des prix de vente découlant de ces perturbations pourrait être de l’ordre de 10 à 15%, selon les articles. L’Afrique ne pourrait ne pas souffrir de cette situation au regard de sa dépendance aux importations de céréales en provenance de Russie et d’Ukraine.