Le 10 janvier 2024, le ministre camerounais de l’Industrie, des Mines et du Développement technologique, Fuh Calistus Gentry a présidé, en lieu et place du Premier ministre de ce pays, la cérémonie d’inauguration de la seconde usine de production de pâtes alimentaires du Groupe agroindustriel Cadyst Invest. L’événement a drainé une foule de personnalités, dont le ministre du Commerce et son homologue des Transports.
L’usine est située dans le complexe industrialo portuaire de Kribi, cette même plateforme portuaire qui, le 13 octobre 2023, accueillait dans son terminal polyvalent, son premier navire transportant 5000 tonnes de blé importées par La Pasta S.A., qui est l’une des sociétés du Groupe Cadyst Invest. Cette livraison était opérée en préparation de l’inauguration de sa deuxième usine.
Bâtie sur une superficie de 1,6 hectare, la deuxième usine va transformer chaque jour 100 000 tonnes de blé devant servir à produire quotidiennement 12 000 sacs de farine de 50 kg. Elle va en outre pourvoir plus de 500 emplois, a-t-on appris. Pour un investissement estimé à 22 555 621 dollars USD (13,5 milliards de francs CFA) selon le président fondateur du Groupe Cadyst Invest, Célestin Tawamba, par ailleurs président de la plus importante organisation patronale du pays.
L’installation d’une deuxième usine dans la ville portuaire de Kribi répond à un besoin crucial du marché. Le promoteur de la société agroindustrielle justifie cette initiative par la forte demande exprimée ces dernières années et l’incapacité de l’usine de Bonabéri (la seule opérante jusque-là dans la zone industrielle de Douala 4ème) de répondre à ladite demande, en raison de la caducité des machines et de ses capacités de production très limitées.
Transformer du blé pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans la sous-région
L’avènement de la deuxième usine apparaît dès lors comme un véritable ouf de soulagement et un motif de satisfaction. Cette unité permet en effet à La Pasta S.A. de revoir à la hausse ses ambitions en matière de transformation de blé.
La capacité aujourd’hui est l’écrasement de 300 tonnes de blé par jour. Un premier moulin a été installé. Un second, de plus grande capacité, sera installé plus tard en fonction de l’évolution du marché,
indiquaient des sources au sein de La Pasta citées par le journal en ligne camerounais Investir au Cameroun. La Pasta S.A. fait partie des principales filiales du Groupe Cadyst Invest à côté d’autres sociétés comme Panzani Cameroun, SAE, SIPP, Cadyst Retail et Cadyst Farming. Opérationnel sur le territoire camerounais depuis 2002, le groupe offre 1500 emplois directs et plus de 200 postes de sous-traitance dans ce pays, ainsi que 100 métiers. Son chiffre d’affaires est estimé à plus de 167 071 507 dollars USD (100 milliards de FCFA) en 2023.
Cadyst Invest a investi cette même année 133 662 751,27 USD (80 milliards de FCFA). Le Groupe produit la farine de froment, les pâtes alimentaires de semoule de blé dur, les biscuits secs et fourrés et a des usines de production de solutés pharmaceutiques.
Il s’agit pour le groupe de consolider sa position de leader dans le secteur, de contribuer également à la sécurité alimentaire du Cameroun et de montrer que la stratégie du chef de l’État de faire de Kribi un pôle économique est une réalité,
expliquait récemment le président du Groupe, Célestin Tawamba, interviewé par la télévision publique camerounaise.
L’usine de Kribi nous donne plus de capacité pour répondre à la demande du marché local et sous-régional. Son extension, plus tard, répond à une stratégie de pouvoir approvisionner le marché sous-régional dans des pays comme le Tchad et la RCA qui n’ont pas de minoterie et d’aller chercher des parts de marché dans les deux Congo, au Gabon et en Guinée équatoriale qui ont des minoteries,
ajoutaient des sources internes citées par Investir au Cameroun. En 2020, la société Africa Food Manufacturing (AFM) S.A., promotrice de la marque Broli, annonçait son intention de produire quotidiennement 650 tonnes de pâtes alimentaires au Cameroun dans le but de réduire les coûts de production des spaghettis dans ce pays de l’Afrique centrale. Un pays où le secteur des pâtes alimentaires génère environ 45 000 à 60 000 tonnes par an.
Dans cette perspective, AFM avait conclu avec l’Agence de promotion des investissements (API), un accord pour « un investissement de 2 milliards de F CFA (3 341 293,82 USD), créateur potentiel de 100 nouveaux emplois ». Le financement global nécessaire pour mener à bien ce projet était évalué à 21 717 443,04 USD (13 milliards de F CFA) pour quelque 700 emplois attendus.
A part ces opérateurs, les autres sociétés présentes dans le secteur d’activité économique se limitent aux importations de pâtes alimentaires. Jusqu’à une période récente, ces importations représentaient 60% de parts du marché national, toutes choses qui donnaient des craintes aux acteurs nationaux, lesquels ont quelquefois accusé le gouvernement d’entretenir subtilement cette fragilisation du marché local.
Au Maroc, Kenzpat investit 19 millions de dollars USD pour produire 23 000 t de pâtes alimentaires et 15 000 t de couscous
Au Maroc, le blé et les pâtes étant les aliments les plus consommés sinon la base alimentaire dans ce pays, c’est donc tout logiquement que le royaume chérifien consent d’importants investissements dans cette filière notamment dans la production. Le 22 décembre 2022, Kenzpat, une filiale du groupe agroalimentaire Vita Holdings procédait au lancement d’une usine de couscous et de pâtes alimentaires dans la région de Skhirat au nord du pays pour un investissement de 19 millions de dollars USD soit 200 millions de dirhams. L’ambition affichée de la société était de produire 15 000 tonnes de couscous et 23 000 tonnes de pâtes alimentaires par an.
Ce projet permettra à la société Shirat de se positionner sur le marché local des pâtes alimentaires et couscous et de saisir les opportunités offertes à l’export, et au Groupe Vita Holding dont fait partie la société de diversifier ses produits et de compléter la chaîne de valeur de transformation des céréales,
indiquait le communiqué y afférent. Le Groupe envisageait également d’investir 24 millions de dollars soit 250 millions de dirhams dans sa filiale locale Kenz Maroc, spécialisée dans la minoterie et la semoulerie. La finalité ? Financer un projet d’extension de la capacité de production de semoule et pouvoir ainsi générer 80 nouveaux emplois. Le Groupe familial Vita Holdings a deux autres filiales, « Vita Grain » opérant dans le négoce et le stockage des céréales et « Vita Dis » actif dans le domaine de la distribution.
Diari Tunisie en offensive dans les marchés de l’Afrique subsaharienne
Tout près du Maroc, toujours en Afrique du Nord, l’entité tunisienne Diari Tunisie produit des aliments à base de semoule de blé, notamment les pâtes, la farine et le couscous. Créée en 1978, elle fait partie du conglomérat de 13 PME qui constituent le groupe Tasta Tunisia. Parmi les principaux produits, on peut énumérer le couscous de blé entier, le couscous express, le couscous d’orge, le couscous bio et pâtes sans gluten. Malgré les obstacles, elle a entrepris le développement de nouveaux marchés « prometteurs » en Afrique subsaharienne (Burkina Faso, Afrique du Sud, Bénin, Togo, Gambie, Niger, Sierra Léone, Congo, Tchad).
A part ces quelques rares initiatives, le marché des pâtes alimentaires en Afrique est relativement vierge du point de vue des investissements et cherche preneur. Cette situation s’explique par la forte dépendance des Africains vis-à-vis du blé produit en Russie et d’Ukraine. Alors que la population du continent africain croit rapidement (il compte 1,4 milliard d’habitants) et que la croissance de son PIB est jugée supérieure à celle de l’Union européenne (UE) au cours de la dernière décennie, le secteur des céréales et des pâtes alimentaires offre d’énormes opportunités aux investisseurs. La sécurité alimentaire du continent en dépend.
C’est du reste ce qui a motivé la Camerounaise Annie Adiogo, promotrice de la start-up GLIM Africa. Cette entrepreneure, diplômée d’AgroParisTech et ancienne employée de la société d’épices Ducros, commercialise une gamme de produits (blé et farine) faits à base de niébé, un haricot riche en protéines (21% contre 12% pour le blé) et en fibres, produit particulièrement en Afrique de l’Ouest et au nord Cameroun, à la frontière avec le Tchad. Cette légumineuse issue de la famille des lentilles et pois chiches entre aussi dans la préparation du koki, une terrine camerounaise traditionnelle, souvent préparée sous forme de beignets, et connue sous divers autres noms selon les pays : « black-eyed pea » au Nigeria, « niébé » en Afrique de l’Ouest, ou encore la cornille en Europe.