Les flux migratoires aux portes de l’Italie, via la ville côtière de Lampedusa, aux côtes de la Méditerranée, ont donné du fil à retordre aux gouvernements qui se sont succédé à la tête de ce pays d’Europe de l’Ouest ces dernières années. Mais, ils ont aussi donné des idées à l’actuelle Présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, aux affaires depuis quinze mois.
C’est ce qui justifie, du moins officiellement, l’organisation du tout premier sommet Italie-Afrique, dont les travaux, ouverts dimanche, se sont achevés ce lundi 29 janvier 2024 à Rome. Le gouvernement Meloni a saisi cette tribune pour présenter à ses pairs africains le nouveau plan stratégique envisagé par son pays dans le but de réévaluer son approche par rapport au continent africain.
C’est une approche bien différente de celle qu’on a l’habitude de voir. On veut aller au-delà du point de vue habituel sur l’Afrique, où les nations occidentales se considèrent comme une sorte de locomotive à laquelle les nations africaines sont censées se raccrocher comme si elles devaient nécessairement suivre le mouvement,
a-t-elle déclaré.
Le modèle « anti-prédation » de l’Italie
Un discours fort opportuniste dans un contexte où la France est en perte d’influence sur le continent depuis près de cinq ans. L’idée est donc de montrer à ses pairs africains que l’Italie peut être une alternative, elle qui est restée en marge de tous soupçons de prédation sur les ressources de l’Afrique depuis la débâcle italienne en Ethiopie au cours du second quart du siècle dernier. Mais surtout, il est question de bâtir un nouveau « Plan pour l’Afrique », qui aurait ainsi pour plaque tournante le pays de Garibaldi et de Silvio Berlusconi.
D’ailleurs, les formules comme « anti-prédation » et « partenariat d’égal à égal » sont constamment revenues, ces derniers mois, dans le discours officiel des autorités italiennes, en tête desquelles le président Sergio Mattarella et la cheffe du gouvernement Giorgia Meloni. Depuis l’avènement de Mme Meloni à la tête du Conseil italien, Rome n’a eu de cesse d’appeler à la mise en œuvre urgente dudit plan, qui est censé définir un nouveau cadre de partenariat gagnant-gagnant entre l’Italie et l’Afrique.
Ce plan, s’il venait à être implémenté en toute sincérité, serait aussi au bénéfice de l’Europe, en proie depuis des dizaines d’années à l’afflux de migrants fuyant la pauvreté et les guerres en Afrique, et à la recherche du mieux-être Outre-Méditerranée et Outre-Manche.
Neuf pays bénéficiaires de la dotation de cinq milliards d’euros à collecter
C’est dans l’optique de soigner le mal à la racine que le « Plan Mattei pour l’Afrique », du nom du fondateur du groupe énergétique italien ENI, Enrico Mattei, entend mettre un point d’honneur au financement des projets en Afrique pour limiter les exodes massifs de populations et, au-delà, financer des projets de développement.
C’est dans cette perspective que le gouvernement Meloni a annoncé l’allocation prochaine de cinq milliards d’euros au profit de neuf pays africains. Cette enveloppe servira à l’implémentation de projets pilotes dans les secteurs de la santé, l’éducation, l’agriculture, l’accès à l’eau et à l’énergie, les énergies renouvelables.
Au Kenya, on se concentrera sur le pilier de l’agriculture avec un travail pour développer la filière du bio carburant, ou encore au Maroc où notre objectif est de fonder un grand centre d’excellence pour la formation professionnelle dans le secteur des énergies renouvelables,
a poursuivi la présidente du Conseil italien. Mais où trouver cette grosse enveloppe ? Mme Meloni a d’ores et déjà lancé un appel aux institutions financières internationales pour leur demander de soutenir l’initiative de son pays.
Produire l’électricité et l’hydrogène sur le sol africain pour l’exporter vers l’Europe ?
Si tels sont les objectifs officiels du sommet Italie-Afrique, pour bien des observateurs avisés de la scène politique italienne et occidentale, le pays de feu le président Silvio Berlusconi convoite les ressources énergétiques du continent africain immensément riche.
Certains pays européens sont par exemple intéressés par l’hydrogène vert – avec l’idée de générer de l’hydrogène en Afrique pour l’exporter ensuite vers l’Europe. Certains acteurs pensent même produire de l’électricité en Afrique pour la transmettre ensuite vers l’Europe ! Mais je crois qu’aujourd’hui l’Afrique a des besoins énergétiques bien plus importants que ceux de l’Europe et je préfèrerais que l’on réponde d’abord aux besoins de l’Afrique avant de passer à autre chose,
a affirmé le directeur de l’Agence internationale de l’Energie, Fatih Birol. Confronté à la baisse significative de l’approvisionnement russe, consécutive au soutien financier et logistique que les Occidentaux continuent d’apporter à l’Ukraine dans la guerre qui oppose celle-ci à la Russie, l’Italie veut assurer sa propre sécurité énergétique en investissant sur le continent africain.
Les vingt-six chefs d’Etat et de gouvernements, ministres et personnalités africaines de haut rang, qui étaient annoncés à Rome, devraient donc rester vigilants et défendre les intérêts d’un continent au carrefour de plusieurs courants d’influence, aujourd’hui sollicité par la quasi-totalité des puissances industrielles de la planète. Parmi ces hôtes, le président tunisien Kaïs Saïed, le Premier ministre marocain, représentant de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
Une douzaine d’organisations internationales ont également pris part aux travaux, aux côtés d’éminentes personnalités européennes, dont la cheffe de la Commission européenne, Ursula Van Der Leyen, et le directeur de l’Agence internationale de l’Energie.