Dans un rapport intitulé « 105 promesses, 13 réalisations – Le bilan du second septennat d’Ali Bongo Ondimba (2016-2023 », publié la veille des élections générales gabonaises du 26 août 2023, qui ont consacré la réélection d’Ali Bongo pour un troisième mandat, l’analyste économique Mays Lloyd Mouissi, co-rédacteur dudit rapport, avec un journaliste gabonais, déplorait les promesses non tenues par le chef de l’Etat d’alors. Un bilan « peu glorieux » selon ses propres termes.
Pour lui, de tous les projets de campagne annoncés par l’ancien président, en 2016, avant sa réélection et au début de son second mandat à la tête du pays, seuls treize avaient été réalisés. Parmi ceux-ci, la construction d’un terminal céréalier et d’un terminal commercial pour renforcer les infrastructures existantes au port d’Owendo.
Parmi les rendez-vous non honorés par le président déchu, Ali Bongo, le rapport soulignait le financement du secteur privé et notamment des Petites et moyennes entreprises (PME), avec pour conséquence la non émergence des champions nationaux pourtant annoncés en grande pompe par le président évincé fin août dernier par l’armée.
Les secteurs minier et touristique n’ont pas été optimisés, bien qu’en revanche, la contribution du bois au PIB ait connu une légère hausse, passant de 2,9% à 3,9% en 2022. Ces promesses non tenues, ajoutées à la crise post-électorale de 2016, ont eu des conséquences sur la croissance du pays, qui n’a pu dépasser 3%, ce alors que celle des autres pays les plus dynamiques du continent oscillait entre 5 et 7%. Toutes choses qui ont « ralenti la dynamique de progrès du pays et accru les inégalités ».
Entre 2016 et 2023, déplorait Mays Mouissi, le taux de chômage au Gabon est passé de 28% à 32%, tandis que le niveau de la pauvreté, a effectué un bond, passant de 30% à 34%. Le PIB du Gabon, quant à lui, a régressé de 3,9% en 2016 à 3,1% en 2023.
Assainir les finances publiques
Pour relancer durablement l’économie gabonaise il faut une croissance plus robuste et plus inclusive qui ne reflète pas uniquement la hausse des prix des matières premières. Seuls un tel changement de modèle et une gestion orthodoxe des finances publiques sont susceptibles de permettre au Gabon d’accélérer son développement. On n’y est pas encore,
suggérait l’analyse économique au cours une interview accordée à la Tribune d’Afrique. Ces propositions pertinentes, couplées aux actions citoyennes de Mays Mouissi ont-elles joué en faveur de la promotion politique de l’analyste ? Rien n’est moins sûr. En tout état de cause, le 9 septembre 2023, à l’issue des consultations engagées par l’actuel président de la Transition gabonaise, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, peu après sa prise de pouvoir, le 30 août, Mays Mouissi a été nommé ministre de l’Economie et des Participations par le Premier ministre Raymond Ndong Sima, lui-même promu à la tête du gouvernement deux jours plus tôt.
Outre le ministère de l’Economie, son portefeuille absorbe l’ancien ministère de la Promotion des Investissements et celui de la Consommation et de la Lutte contre la vie chère, ainsi que les Gabonais s’en rendront compte le 12 septembre, lors de la prestation de serment du nouveau ministre devant l’Assemblée nationale de la transition, en présence du président de la transition. Mays Mouissi n’a que 37 ans et apparaît comme le plus jeune du gouvernement gabonais. L’une des priorités du ministre de l’économie est de
repenser la stratégie de développement du pays ainsi que ses mécanismes de financement de manière à obtenir de meilleurs résultats,
comme il l’a lui-même formulé lors de son interview à Tribune d’Afrique. Plus précisément, il devra s’atteler à améliorer le climat des affaires, faciliter les procédures et supprimer la parafiscalité entre autres.
Banquier et assureur
Né le 21 octobre 1986 à Libreville, Mays Mouissi a passé son enfance dans les quartiers populaires et pauvres de Pk7 et de Carrefour Léon Mba. Après l’obtention de son baccalauréat en 2006, il s’envole pour Dakar, la capitale sénégalaise, où il s’offre un diplôme en informatique avant de s’inscrire, en 2007, à l’Ecole supérieure polytechnique de l’université Cheikh Anta Diop (UCAD). Il en sort trois ans plus tard, muni d’une licence en banque-finance-assurance. L’année suivante (2011), il obtient à Paris School of Business un master en gestion financière, marché financier. La même année, il débute sa carrière professionnelle comme contrôleur junior risque à BforBank.
Il retourne dans cette banque en ligne en 2013, cette fois comme contrôleur conformité, muni d’un diplôme obtenu la même année à l’université Paris Panthéon-Sorbonne. Les années qui suivent, il travaille au Crédit agricole assurances BNP Paribas, puis au cabinet de conseil parisien Novaminds. Avant son entrée au gouvernement, il officiait depuis 2020 comme responsable éthique et conformité au sein du groupe de grande distribution Carrefour.
Mais l’essentiel de sa réputation, Mays Mouissi l’a forgée ces dernières années grâce à ses analyses. Spécialiste des questions de développement économique des pays de l’Afrique francophone notamment le Gabon, il publie ses analyses dans son blog mays-mouissi.com. où quelque 200 articles peuvent être consultés. A côté de cette initiative, il crée la société Mays Mouissi Consulting pour mener des études socioéconomiques et fournir des conseils aux entreprises moyennant des études macroéconomiques et sectorielles au profit de celles-ci. Dans son portefeuille, figurent des multinationales comme TotalEnergies EP Gabon, Arise, EY, ou encore Dalberg.
Mays Mouissi se lance un moment dans le secteur médiatique en fondant Africa Post News (APN), spécialisé dans la diffusion d’informations africaines en continu. Mais le projet connait un déclin au bout de deux ans, faute de financement. Au plan politique, il a soutenu son oncle Pierre Mamboundou aux élections de 2009, qui portèrent Ali Bongo au pouvoir. Après le décès de ce proche parent, en 2011, Mays Mouissi dit ne plus se reconnaître dans l’Union du Peuple Gabonais (UPG), le parti politique du défunt opposant politique à la « dynastie » des Bongo. Aussi rend-il son tablier. A l’élection présidentielle de 2016, il ne cache pas son soutien pour le candidat Jean Ping, vaincu malheureusement par le président sortant Ali Bongo.