« La guerre des données est une guerre sensible dans le monde ». Cette réflexion du promoteur de Cameroon Digital Boost, Samuel Ervé Mandeng témoigne des enjeux de l’Intelligence artificielle (IA) aujourd’hui. Cet outil est devenu un vecteur de l’économie dans les pays occidentaux. Dans son évolution, l’IA ne prend pas en compte les frontières terrestres. Un atout sur lequel les Etats africains doivent rebondir pour s’imposer dans le secteur. Certains gouvernements l’ont compris. Ils ont soutenu des startups dans ce sens. Des initiatives qui démontrent la volonté de l’Afrique de faire de l’Intelligence artificielle un élément majeur de transformation économique.
En 2023, le classement intitulé « Government AI Readiness Index 2023 », révèle que L’île Maurice, l’Egypte, et l’Afrique du Sud occupent respectivement les 1ere, 2e et 3e places des pays engagés dans le développement d’écosystèmes propices à l’innovation technologique. Ces pays ont investi dans des politiques de développement, favorisant ainsi l’essor des startups et des entreprises axées sur l’IA.
Globalement les pays du Maghreb font des progrès énormes dans le domaine du numérique à telle enseigne qu’il y a une rivalité notable entre le Maroc et l’Algérie. Des moyens sont déployés pour mettre en place un écosystème propice et le recrutement des talents sur le continent. Pour finir, on ne saurait marginaliser l’apport de l’Afrique du Sud et du Nigeria. Ces deux pays intègrent cette technologie dans plusieurs secteurs de leurs tissus industriels,
affirme Ahmid Nchare Karie, expert en cybersécurité et CEO de Itsc Sarl Cybersecurité. D’après les données collectées sur le site d’Orange, l’IA pourrait rapporter 1 500 milliards de dollars à l’économie africaine d’ici 2030. Et cela à condition d’occuper seulement 10 % du marché mondial de l’IA. La course est donc lancée. Les Etats africains doivent tirer leur épingle du jeu.
Le Maroc se démarque
Le Maroc pointe 6e au classement africain des pays les mieux préparés à adopter l’Intelligence artificielle. Le marché de l’intelligence artificielle au Maroc devrait atteindre 348 millions de dollars en 2024, d’après les dernières données de Statista. Cette croissance est soutenue par un taux annuel prévu de l’ordre de 19,34%. Ces chiffres laissent entrevoir un marché de 1,2 milliard de dollars d’ici 2030. La dynamique n’est pas passée inaperçue sur la scène internationale. Le développement de l’IA est au centre des préoccupations du Royaume chérifien. Pour la ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration, Ghita Mezzour,
il faut mettre en place un système dédié à l’Intelligence artificielle en tant que levier pour l’innovation et la croissance économique dans le royaume … Cela permettrait de générer de nouveaux services, emplois et compétences.
projet qui montre l’engagement du Maroc en faveur de la création d’une dynamique dans le secteur émergent de l’IA.
Le secteur privé marocain soutient l’Etat dans son combat pour le leadership numérique. Alors que l’IA continue de s’imposer dans divers secteurs, les entreprises se positionnent stratégiquement pour tirer avantage de cette révolution technologique. Attijariwafa bank a marqué une avancée significative avec l’inauguration du « AI Center », le premier hub d’innovation et d’excellence dédié à l’intelligence artificielle dans le secteur privé au Maroc.
Cette démarche souligne la volonté du secteur bancaire de rester à la pointe de l’innovation en utilisant l’IA pour optimiser les processus dans le commerce international.
L’Intelligence artificielle se présente donc comme une niche d’opportunités pour les entrepreneurs marocains. Cependant, la révolution créée par la naissance de TchatGpt interpelle sur l’urgence d’une régulation de ce secteur porteur.
Pour réguler l’IA, une approche pragmatique serait d’instaurer des normes mondiales qui encouragent la transparence, l’auditabilité et la responsabilité des systèmes d’IA. C’est un travail qui commence à être mené et il est primordial de créer un conseil mondial de l’IA qui rassemble tous les pays. Il serait également important de promouvoir une éducation inclusive sur l’IA pour permettre une compréhension publique étendue,
suggère Badr Boussabat, expert en IA, conférencier et économiste.
L’IA pénètre les secteurs clés des économies africaines
L’Afrique adopte progressivement l’IA. Cette innovation a déjà touché de nombreux secteurs d’activité sur le continent noir. Son utilisation met en lumière son potentiel transformateur dans des domaines tels que la santé, l’agriculture et les services financiers entre autres. Au Ghana par exemple, l’Intelligence artificielle est utilisée pour optimiser la précision et l’efficacité des diagnostics médicaux. La start-up nommée « Mpharma » a mis au point une plateforme alimentée par l’IA qui assiste les médecins dans le diagnostic le plus précis des maladies, et les pharmaciens dans la prescription appropriée de médicaments aux patients.
De même, des plateformes de données comme « Zenvus » au Nigeria facilitent l’accès aux informations cruciales pour les agriculteurs. Ce qui se traduit par une amélioration des rendements et de la productivité agricole. En Afrique du Sud, un autre exemple d’utilisation de l’IA concerne l’amélioration des performances des services financiers. La start-up « ThisIsMe » a développé un espace permettant aux institutions financières de mieux contrôler les identités de leurs clients.
En outre, au Rwanda, l’IA est utilisée pour améliorer la qualité́ de l’éducation. Le gouvernement en collaboration avec IBM a lancé le « IBM Digital-Nation Africa », un programme qui propose des cours en ligne gratuits aux jeunes rwandais.
En Afrique, l’intelligence artificielle est majoritairement utilisée dans le domaine informatique afin d’améliorer les différents processus et de développer des solutions novatrices à certains problèmes. Cependant, il est à noter que les secteurs bancaires et agricoles se sont aussi appropriés les solutions d’intelligence artificielle en Afrique. Nous avons pour finir, des produits orientés web qui utilisent l’intelligence artificielle pour livrer les services d’automatisation de la création des sites web, de la gestion autonome des paiements des services en ligne, par exemple,
explique Ahmid Nchare Karie.
Harmoniser les politiques
Aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation, le continent africain tente de gagner des parts de marché sur la scène internationale. L’intelligence artificielle apparaît donc comme une solution efficace. Les gouvernements doivent mettre en place des stratégies pour capitaliser cette technologie afin de créer des richesses.
L’apport de l’intelligence artificielle au développement dépend des politiques endogènes de chaque Etat et de comment il envisage son essor économique et industriel,
précise l’expert. Toutefois, l’écart de l’intégration de l’IA dans les politiques de développement des pays d’Afrique est encore très grand. Cela interpelle sur l’urgence d’une approche stratégique commune pour préparer les économies nationales l’adoption de l’IA.