Le 10 septembre prochain, des dirigeants de la multinationale anglo-suisse Glencore PLC, spécialisée dans le négoce, le courtage et l’extraction des matières premières, vont comparaître devant le Tribunal de Westminster, à Londres, au Royaume-Uni. Ils devront répondre des charges de corruption qui pèsent contre eux.
L’un des présumés corrupteurs mis en cause, le milliardaire Alex Geard, a d’ores et déjà été inculpé par le Serious Fraud Office (SFO), pour conspiration en vue de verser des pots-de-vin à l’effet de favoriser les opérations de Glencore en Afrique de l’Ouest. Cet ancien responsable du trading pétrolier a également occupé les fonctions de directeur de la division pétrolière chez Glencore de 2007 jusqu’en 2019, année de son départ en retraite.
Cette évolution remarquable dans l’affaire Glencore est le fruit de l’enquête diligentée par le Serious Fraud Office (SFO), après avoir reçu l’autorisation préalable du procureur de la République du Royaume-Uni en vue d’engager des poursuites judiciaires contre tous les responsables de la firme qui seraient impliqués de près ou de loin dans ce gros scandale de corruption à ciel ouvert.
L’enquête du SFO a permis d’identifier d’autres noms à l’instar de Andrew Gibson, Paul Hopkick, Ramon Labiaga et Martin Wakefield, qui devront également répondre des chefs d’accusation retenus à leur encontre par l’organisme britannique en charge de la répression des crimes économiques graves.
La démarche de la justice britannique a fait réagir la Société nationale des hydrocarbures (SNH), l’une des entreprises camerounaises citées dans ce scandale, mais qui est restée peu disserte depuis le déclenchement de l’affaire, se contentant d’exiger aux dénonciateurs la production des preuves. Dans un communiqué signé le 02 août 2024, cette société publique déclare, par la voix de son administrateur directeur général, Adolphe Moudiki, se réjouir
de l’avancée des poursuites contre les auteurs et complices des actes de corruption qui entachent son image.
Selon Adolphe Moudiki, l’identification et la comparution des dirigeants et employés de Glencore
marque une avancée significative dans la recherche de la vérité dans cette scabreuse affaire.
Au Cameroun, le Tribunal criminel spécial enquête depuis neuf mois
L’on apprend par la même déclaration que la SNH a de son côté introduit une plainte devant le Tribunal criminel spécial (Tcs) depuis le 06 novembre 2023,
pour identifier les complices camerounais de ces actes de corruption.
L’entreprise se dit confiante que la procédure devant le Tribunal de Westminster permettra une accélération de l’enquête ouverte au niveau du Tcs.
En tout état de cause, l’administrateur directeur général de la SNH rappelle que les valeurs d’éthique et de transparence ont toujours constitué le socle granitique de la SNH et rassure l’opinion publique nationale et internationale qu’elle sera informée, en temps opportun, des évolutions de cette affaire,
écrit Adolphe Moudiki. L’affaire Glencore est l’histoire d’un gros scandale de corruption impliquant des responsables de la firme anglo-suisse Glencore Plc et de hauts cadres de sociétés pétrolières en Afrique et en Amérique latine. Entre 2007 et 2018, Glencore a versé des pots-de-vin à des fonctionnaires employés par ces sociétés intermédiaires, en contrepartie de l’obtention des faveurs et privilèges dans la négociation de contrats pétroliers et l’achat de pétrole brut à ses partenaires à des prix qui étaient en sa faveur.
S’agissant de ce volet relatif aux pots-de-vin, ce sont au total quelque 79,6 millions de dollars US que la firme aurait versés à des hauts fonctionnaires africains pendant environ dix années. Le 03 novembre 2022, la multinationale avait été condamnée devant un tribunal britannique à payer 276 millions de Livres sterling (162,73 milliards de francs CFA) pour les faits de corruption et de transport frauduleux de devises non déclarées.
Le Cameroun évalue le préjudice fiscal à 33 millions USD
Pour le cas du Cameroun, ce pays reconnaît désormais avoir subi d’énormes préjudices sur les plans fiscal et douanier, du fait notamment des fraudes imputées à Glencore Explorations Cameroun, la filiale camerounaise de Glencore Plc. Le manque à gagner dû aux institutions financières que sont la Direction générale des impôts (DGI) et la Douane est évalué à 33 millions de dollars soit une vingtaine de milliards de francs CFA. Et ce montant colossal n’inclue pas les intérêts générés par ce manque à gagner.
Mi-juin 2024, le chef de l’Etat camerounais a instruit le ministre des Finances d’engager des diligences auprès des autorités judiciaires compétentes de la Grande Bretagne et de la confédération helvétique, en vue d’obtenir des informations plus complètes et plus détaillées sur ce dossier. S’agissant des pots-de-vin proprement dits, ils sont évalués à 11,6 millions de dollars soit sept milliards de francs CFA. Outre la Société nationale des hydrocarbures, la Société nationale de raffinage (Sonara) est également citée dans ce scandale, mais elle n’a jamais daigné donner la moindre explication.
Grâce aux révélations persistantes faites par l’ancien bâtonnier camerounais, maître Akere Muna, qui avait porté l’affaire au grand jour il y a deux ans, l’on sait désormais, par exemple, que des jets privés assuraient régulièrement le transport des grosses sommes d’argent de la corruption (des devises non déclarées), du Nigeria au Cameroun. Glencore Plc négociait auprès de la SNH des contrats d’achat du brut camerounais à des prix très favorables pour elle. Elle revendait ensuite la manne pétrolière à la société nationale de raffinage, toujours à son avantage. Le firme occidentale avait en outre mis en place deux comptoirs, l’un au Royaume-Uni (fermé en 2011) et l’autre à Genève (fermé en 2016).
La comparution des présumés corrupteurs va-t-elle susciter une levée de boucliers et révéler enfin les noms des corrompus dans une demi-douzaine de pays africains, dont le Nigéria, la Guinée Équatoriale, la Côte d’Ivoire, le Sud Soudan et la République démocratique du Congo ? Tous les espoirs sont désormais permis.