La situation précaire des entreprises et particulièrement celle des plus petites unités de production camerounaises est des plus préoccupantes. Elle est même alarmante. C’est du moins ce qui ressort d’une étude récente publiée par l’Institut national de la statistique (INS).
Pour réaliser son étude, l’INS a exploité les données issues des recensements généraux des entreprises (RGE-1 et RGE-2), réalisés en 2009 et en 2016 respectivement. Elle a également parcouru les fichiers des immatriculations et des contribuables de la Direction générale des impôts (DGI). Son rapport nous apprend que, entre ces deux recensements, plusieurs événements ont marqué la vie des entreprises, notamment des disparitions et autres changements structurels.
Ces événements ont des répercussions sur l’économie nationale. D’où la nécessité d’étudier la mortalité des entreprises au Cameroun pendant cette période inter censitaire,
déplore l’INS. Le rapport fait un point sur la mortalité des entreprises modernes entre 2009 et 2016, notamment le taux de cessation des activités des entreprises suivant la taille, le secteur, la forme juridique, la région d’implantation. Il se focalise sur les fermetures d’entreprises enregistrées au cours de cette période, tout en mettant en exergue les déterminants fondamentaux de la mortalité des entreprises.
A l’issue de l’appariement des bases, sur les 6458 entreprises de départ, il apparait que 2316 ont cessé leur activité pendant la période inter censitaire, la quasi-totalité (environ 95%) ayant arrêté l’activité avant 2014. Ce qui permet de situer le taux global de cessation d’activités à près de 36% sur la période sous revue,
note le rapport.
La fragilité du secteur tertiaire camerounais
De manière plus spécifique, l’étude nous informe que :
L’essentiel des entreprises cessées sont issues du secteur tertiaire (84,3%) contre 11,9% pour les entreprises du secteur secondaire et seulement 0,6% du secteur primaire.
La plupart de ces unités de production économique sont décédées entre 2009 et 2013, avec un taux record en août 2013 (2192 entreprises soit 94,6%), ainsi que fait remarquer l’institution publique camerounaise en charge de la production des statistiques. 2014 est l’année où l’on a enregistré le plus faible nombre d’entreprises en cessation d’activité soit seulement 21 entreprises (0,9%) contre 72 en 2015 (3,1%) et 31 en 2016 (1,3%).
Il faut souligner que la grande majorité des unités disparues sont des petites et moyennes entreprises (PME). Elles sont 99,6% qui ont cessé les activités au cours de la période sous revue (2009-2016). En revanche, les grandes entreprises ne représentent que 0,4% des unités ayant effectué précocement un dépôt de bilan.
Parmi les PME cessées, les Très Petites et Moyennes Entreprises (TPME) suscitent plus d’inquiétude, elles qui représentent 55,3% contre 32,0% pour les Petites Entreprises (PE) et 12,3% pour les Moyennes Entreprises (ME). C’est dire à quel point les plus petites unités de production camerounaises sont fragiles. C’est à peine si elles survivent à leur naissance.
Dans le classement selon le critère « statut juridique », la vedette revient aux Entreprises Individuelles (EI) et aux Sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL). Elles représentent respectivement 44% et 37,72% des entreprises ayant cessé leurs activités. Les SARL constituent le tiers des entreprises cessées. Elles sont suivies par les sociétés non déclarées (7,2%) et les Sociétés Anonymes (SA) qui représentent seulement 6%.
Quatre entreprises sur cinq qui cessent les activités sont localisées à Douala
Du point de vue de la localisation géographique, il faut dire que la région du Littoral est celle qui concentre le plus grand nombre d’unités cessées soit 1495 entreprises.
La grande majorité des entreprises en cessation est implantée au Littoral, opère dans le secteur tertiaire et appartient au segment des Très Petites Entreprises (TPE),
écrit l’Institut national des statistiques. Cette région abrite quatre entreprises sur les cinq qui ferment la porte prématurément à l’échelle nationale. Viennent ensuite les régions du Centre, qui totalise 484 entreprises ; l’Ouest (135) ; le Nord-Ouest (42). L’Est (35), l’Adamaoua (29), le Sud-Ouest (24), le Nord (23), le Sud (21) et l’Extrême-Nord représentent ensemble près de 8% des unités disparues.
En procédant au regroupement des 12 régions d’enquête en six régions économiques, le taux de décès dans la région économique Ouest et Nord-Ouest affiche un taux de 19,3%, une situation qui peut s’expliquer par le contexte prévalant dans ces régions, notamment les effets perturbateurs du conflit en zones anglophones.
La région économique Littoral et Sud-Ouest enregistre quant à elle 3,1% et celle du Centre-Sud-Est 3,9%. Cependant, ces taux excluent les villes de Douala et de Yaoundé, qui sont les principaux pôles de concentration des entreprises, la première étant la capitale économique et la seconde le siège des institutions de la République. A elles seules, elles représentent 62% et 20% respectivement.
Les critères basés sur l’âge, le profil de formation du promoteur et le sexe sont tout aussi déterminants. L’étude confirme par exemple que les entreprises gérées par des promoteurs âgés de 50 à 59 ans, sont moins exposées au risque de disparition (30,8%), contrairement à celles fondées ou gérées par des jeunes âgés de moins de 30 ans (53,4%).
De même, les personnes ayant reçu une formation professionnelle diplômante semblent plus aptes à conduire une entreprise sur la durée (28,8% de sociétés cessées) que les gens ayant effectué un simple apprentissage (39,8%). Par ailleurs, les lacunes basées sur le genre peuvent s’expliquer au regard des goulots d’étranglement et autres pesanteurs, notamment les difficultés d’accès au foncier et aux crédits bancaires, auxquelles sont confrontées les femmes.
Mais la taille de l’entreprise, le diplôme du dirigeant et le statut juridique sont les déterminants fondamentaux de la mortalité des entreprises. C’est ce qui se dégage à l’issue de l’investigation de l’INS.
L’invasion des produits chinois et étrangers en général
L’étude de l’INS s’attèle aussi à expliquer les facteurs de la disparition précoce des unités de production camerounaises. Les trois principaux facteurs explicatifs de ces cessations sont le capital humain, le capital social et le contexte environnemental. S’agissant de ce dernier facteur, l’invasion du marché camerounais par les produits étrangers et en l’occurrence ceux provenant de la Chine est un des déterminants majeurs.
La première opération avait permis la mise en place d’un répertoire des entreprises.
Parmi les recommandations formulées, le rapport de l’INS suggère, entre autres, la mise en place d’un système de surveillance de proximité auprès des entreprises avec pour objectif de pouvoir déceler à temps les signaux de détresse que pourrait émettre une entreprise et de le référer aux structures compétentes en temps opportun. En outre, elle recommande d’entreprendre des nouvelles études plus systématiques sur la mortalité des entreprises ; créer un environnement propice à la survie et à la pérennité des entreprises ; favoriser le développement d’une culture entrepreneuriale, notamment auprès des jeunes ; créer un environnement propice au développement des PME.