La capitale économique camerounaise va abriter, dans les prochains mois, une nouvelle zone d’activités industrialo-portuaires. Le projet, en gestation depuis quelques années, a connu un coup d’accélérateur à la faveur de la signature, le 30 septembre 2024 à Douala, d’une convention de partenariat entre le Port autonome de Douala (PAD) et le groupe indien Arise Integrated Industrial Platforms (Arise IIP), adjudicataire du marché. La convention a été signée par le directeur général du PAD, Cyrus Ngo’o et le président directeur général du Groupe Arise IIP, Gaga Grupta.
Le projet qui verra le jour dans la localité de Missolè I, à une trentaine de kilomètres de la ville industrielle d’Edéa, consiste, dans sa principale composante, en la conception, le financement, l’aménagement, la gestion et l’entretien d’une zone d’activités industrialo-portuaires sur les berges de la Dibamba, dans le département de la Sanaga maritime, voisin du département du Wouri, qui abrite l’actuelle plateforme portuaire de Douala-Bonabéri. Les infrastructures seront construites sur une superficie de 500 hectares mises à la disposition du Port autonome de Douala par le ministère camerounais des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf).
La convention tient en un ensemble contractuel constitué d’une convention principale complétée par des annexes, des cahiers de charges spécifiques à chaque composante, ainsi que des accords particuliers devant intervenir plus tard pour régir la mise en oeuvre de certaines activités envisagées.
Dibamba Douala Port Logistics Platforms
La mise en œuvre de la convention comprend deux phases. La première consiste en l’aménagement d’une Zone Logistique Multimodale, pour un investissement de 269,5 millions USD (169 milliards de francs CFA). Une société de projet dénommée Dibamba Douala Port Logistics Platforms (DDLP) sera créée à cette fin, et dotée d’un capital constitué par le PAD et l’Indien Arise IIP.
Cette première composante va couvrir une superficie de 169 hectares et comprendra des entrepôts y compris sous douane (environ 50 000 ha de superficie), un parc à conteneurs d’environ 35 ha avec parcs vides, une zone dédiée au remplissage et au dépotage, un parc à bois d’environ 35 ha, ainsi qu’une aire de stationnement pour les camions. Le bâtiment administratif également prévu abritera le point unique de formalités.
Plateforme industrielle intégrée
La deuxième composante de la convention prévoit l’aménagement d’une Plateforme Industrielle Intégrée, pour un investissement de 117,9 millions USD, soit 70 milliards de francs CFA. Pour assurer la gestion de cette infrastructure hautement stratégique, Arise IIP va créer une société de projet dont elle détiendra en totalité le capital. Celle-ci aura pour mission de concevoir, financer, aménager, gérer et entretenir la Plateforme industrielle intégrée.
S’agissant de cette deuxième composante, Arise IIP devra aménager, sur une superficie d’environ 350 hectares, des espaces qui seront mis à la disposition des investisseurs intéressés, opérant dans les secteurs de la transformation des produits agricoles et du bois, de l’électricité, de la production des matériaux de construction, de l’industrie pharmaceutique, entre autres activités industrielles non prohibées.
Il est également prévu des aménagements connexes à l’instar des routes, de réseaux d’assainissement des eaux, de distribution d’électricité, de communication, des infrastructures de pesage, ou encore d’un système de sécurisation périmétrique et des accès, ainsi qu’un centre de formation et de développement des compétences, de documentation et des archives. Une caserne des marins-pompiers ainsi qu’un dispositif de lutte contre les incendies complèteront les réalisations projetées.
Le coût total des deux principales composantes est évalué à environ 387,4 millions de dollars américains soit 230 milliards de francs CFA. La rémunération du Port autonome de Douala proviendra de redevances fixes ou variables, et de revenus tirés de la mise à disposition des parcs et de la rémunération des services fournis aux usagers.
Arise IIP, un géant dans l’accompagnement des projets d’industrialisation en Afrique
Sur son volet social, le projet devrait générer environ 15 000 emplois directs. Cependant, l’expansion des terres agricoles devant fournir des intrants au profit des industries, pourrait élargir cette capacité à 500 000 emplois directs. L’emplacement est jugé d’autant plus stratégique qu’il facilitera, selon le DG du PAD,
la création d’un écosystème industriel intégré et d’un hub logistique multimodal, interconnectés par voie fluviale au port de Douala-Bonabéri et aux principaux corridors transnationaux, ainsi que par des réseaux routiers et ferroviaires. Cela apportera une solution efficace à la congestion chronique de l’accès Est de Douala, en allégeant la circulation de plusieurs centaines de camions par jour, grâce à ce transfert modal vers la voie fluviale.
Par un appel public international à manifestion d’intérêt (APMI), publié le 02 novembre 2022, le Port autonome de Douala avait ouvert le marché du projet d’aménagement de son site de la Dibamba. Le 07 mars dernier, l’entité publique camerounaise concluait avec son partenaire Arise IIP, adjudicataire de l’offre, un mémorandum d’entente (MoU), qui a été suivi d’un premier avenant signé le 13 août.
Le choix d’Arise IIP n’est pas hasardeux. Le groupe indien a ses faits d’armes dans l’accompagnement en matière de promotion et de développement des projets industriels. Parmi les pays africains bénéficiaires de ses services et compétences, à date, l’on peut énumérer la Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Bénin, le Togo, le Congo, la République démocratique du Congo, le Gabon, le Tchad et le Rwanda.
Doper la transformation locale et améliorer la balance commerciale déficitaire
Bâtie sur une superficie d’environ 1000 hectares, l’actuelle plateforme portuaire de Douala-Bonabéri est dépassée du fait des congestions sur les accès Ouest et Est. D’une capacité initiale de 7,5 millions de conteneurs, le PAD doit faire des pieds et des mains, aujourd’hui, pour traiter environ 13 millions de tonnes de marchandises transportées par près de 3000 navires.
L’acquisition du site d’aménagement d’une plateforme péri-portuaire sur les rives de fleuve Dibamba, était envisagée comme une solution de décongestion. Cette mesure participe des préconisations formulées dans le cadre du vaste et ambitieux programme de modernisation et d’extension de cette place portuaire. Un programme articulé autour d’un Schéma directeur de développement du port de Douala-Bonabéri pour la période 2020-2050. Mais surtout, elle s’inscrit également en droite ligne de la Stratégie nationale de développement (SND-30), adoptée par le gouvernement camerounais.
Depuis quelques années, en effet, le Cameroun voit s’accroître le volume de ses importations pour répondre aux besoins d’une population sans cesse croissante. Cette situation est due surtout à la fragilité de son secteur industriel quasi embryonnaire, moins compétitif à l’international. Or, ces importations grignotent une part importante du budget et plombent les investissements. Une situation qui préoccupe au plus point les autorités de ce pays de l’Afrique centrale.
Le SND-30 préconise, entre autres, la transformation structurelle de l’économie camerounaise. L’un des objectifs est d’inverser la courbe de la balance commerciale, jusqu’ici déficitaire au détriment du Cameroun et au profit de ses partenaires bilatéraux et multilatéraux. La transformation locale est préconisée dans neuf sous-secteurs d’activités ciblés, entre autres l’agroindustrie (coton, cacao), les mines (bauxite, fer), le bois.
Cette vision s’aligne parfaitement avec nos propres ambitions de faire évoluer notre continent, en le faisant passer du statut de fournisseur mondial de matières premières non transformées, à celui de puissance manufacturière internationale,
a déclaré Cyrus Ngo’o.
J’invite les investisseurs et ceux qui en ont la capacité, à se joindre à nous pour construire ensemble le port de Douala-Bonaberi. Je puis vous assurer que vos investissements seront non seulement rentables, mais également sécurisés, car le secteur portuaire représente une opportunité d’investissement solide,
a poursuivi le DG du PAD.
Le calendrier de mise en oeuvre des projets n’a pas été dévoilé.