Depuis le dernier Forum sur la coopération sino-africaine, qui s’est tenu au début du mois de septembre 2024 à Pékin, et auquel le chef de l’Etat camerounais, S. E. Paul Biya avait pris part aux côtés de ses pairs du continent, le président de la République du Cameroun n’a plus été aperçu publiquement. Des rumeurs sont allées bon train sur sa santé, jusqu’à ce que ses concitoyens apprennent que leur président avait effectué une escale en Suisse au terme dudit sommet, pour des raisons sanitaires, estiment certains.
Le gouvernement ayant entretenu un silence et une opacité surprenants autour de cette question sanitaire pourtant jugée cruciale, des rumeurs ont plus que enflé ces derniers temps au sujet de l’état de santé du locataire du palais situé sur les hauteurs d’Etoudi. Il a du reste fallu une sortie musclée de certains caciques du sérail, mercredi 09 octobre, pour que les spéculations tempèrent quelque peu.
Dans un communiqué lu mardi à la Cameroon Radio and Television (CRTV), la station radio-télévision d’Etat, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, René Emmanuel Sadi, a déclaré que le président « est en bonne santé et sera de retour dans le pays d’un moment à l’autre ».
Une mise au point intervenue sur le tard, et qui est loin de rassurer l’opinion et le monde des affaires. En effet, si la plupart des observateurs se sont appesantis jusqu’ici sur les possibles répercussions politiques d’un tel événement, notamment les enjeux de la succession au sommet de l’Etat, moins de personnes avisées se sont penchées sur les incidences aux plans économique, financier et au plan de l’investissement.
La dette camerounaise classée parmi les moins performantes
Et c’est Bloomberg Afrique qui nous apprend, dans un article publié mercredi, que cette absence prolongée sur la scène publique du président camerounais, n’est pas sans conséquences sur la performance des affaires et, globalement, sur la santé financière et économique du pays.
La dette du pays s’est classée parmi les moins performantes mercredi dans un indice suivant les obligations souveraines des marchés frontières et émergents. Le président Paul Biya est absent de la scène publique depuis début septembre, bien que le gouvernement ait déclaré que le dirigeant de 91 ans était en bonne santé,
écrit Bloomberg Afrique. Dans un article publié ce mercredi 09 octobre, le bureau Afrique de Bloomberg, une agence américaine spécialisée dans la diffusion des informations stratégiques sur les affaires et les finances à l’attention des décideurs, nous apprend en effet que les obligations en dollars camerounaises ont chuté pour la troisième journée consécutive. Cette chute serait étroitement liée, selon Bloomberg Afrique, aux spéculations sur la santé du président camerounais et les inquiétudes que suscitent et laissent présager d’éventuelles batailles en vue de la succession au sommet de l’Etat.
Un tableau publié en annexe de l’article de l’agence révèle une chute qui s’échelonne sur des mois, voire depuis plus d’un an, pour atteindre son plus bas niveau au cours des deux premières semaines de ce mois d’octobre. En ramenant les analyses de Bloomberg Afrique à l’actualité camerounaise, l’on constate que les trois jours consécutifs au cours desquels les obligations camerounaises en dollar (dollar bond) enregistrent une chute, correspondent à la période où les spéculations sur la santé du chef de l’Etat ont suscité de réelles sueurs froides parmi ses concitoyens et ailleurs dans le monde notamment dans les milieux d’affaires. Les rumeurs ont effectivement connu une amplification entre lundi et mercredi.
Inquiétudes dans les milieux d’affaires occidentaux et africains au sujet de la volatilité et de la politique budgétaire du Cameroun
La tonalité des opinions recueillies dans les milieux d’affaires outre Atlantique, et relayées par Bloomberg Afrique, révèle à quel point les inquiétudes montent d’un cran dans ces milieux relativement à la santé du président Paul Biya et aux inquiétudes que peuvent susciter des lendemains incertains. Gestionnaire de portefeuille chez Ninety One UK Ltd, Thys Louw déclare par exemple que :
Cela a été une rumeur constante sur sa santé au cours des dernières années (…) Il (Paul Biya) avait centré tellement de pouvoir autour de lui. La question sera la succession, et naturellement, cela pourrait créer une certaine volatilité.
Stratège Afrique à la Rand Merchant Bank, Sam Singh-Jami, estime pour sa part que l’incertitude politique accrue au Cameroun soulèverait des questions sur l’avenir de la politique budgétaire. Pour lui, le respect par le Cameroun de ses engagements en matière de dette
pourrait devenir un problème, même si les indicateurs macroéconomiques du Cameroun semblent relativement bons par rapport à un certain nombre d’économies sur le continent.
Il faut relever qu’en l’état actuel, la Constitution du Cameroun, pays considéré comme le poumon économique de l’Afrique centrale, reconnaît au président du Sénat, Marcel Niat Njifenji, les prérogatives pour assurer la transition en cas de vacance du pouvoir, le temps d’organiser les élections auxquelles il ne peut se présenter. Or, les motifs de l’inquiétude tiennent aussi à la santé du président de la chambre haute du parlement du fait de son âge, 89 ans.