Monsieur l’Administrateur, qu’est-ce qui va fondamentalement changer dans la structuration et le fonctionnement actuels du Fonds de développement des filières cacao et café ?
Je voudrais au nom du personnel du Fonds de développement des filières Cacao et Café, du Comité de gestion du même Fonds, mais également de l’ensemble de la grande famille des producteurs de cacao et de café, remercier le président de la République pour l’immense joie et le privilège dont il vient de doter le secteur, en modernisant l’instrument de financement de ce secteur d’activité.
A titre de rappel, le Fodecc est à son deuxième décret ; l’ancien a été signé, le 09 mars 2006, et le nouveau, lui date du 14 janvier 2025, c’est-à-dire à peu près une vingtaine d’années plus tard. Le chef de l’État a pensé nécessaire d’actualiser et de réformer cet instrument de financement dédié à l’ensemble des filières cacao et café pour le moderniser. Ce qui change concrètement, c’est que le précédent décret avait la particularité d’organiser le Fonds sous régime paritaire, c’est-à-dire entre des représentants du secteur privé et ceux du secteur public.
Cette parité a prévalu jusqu’à la signature de l’actuel décret. La deuxième spécificité du précédent décret, c’est que nous avions un Comité de gestion en lieu et place d’un Conseil d’administration. L’opérabilité de cette structure, tel qu’elle a prévalu jusqu’à date a permis des résultats certes tangibles, mais pas toujours compatibles avec l’évolution des activités, et aujourd’hui, les défis sont significatifs. Il appartenait donc aux pouvoirs publics d’y apporter des réponses, et c’est l’une des réponses que monsieur le président de la République vient de consacrer à travers la signature dudit décret.
On peut retenir quatre choses essentielles de la signature de ce décret. La première, c’est l’arrimage du Fodecc actuel au corpus législatif et réglementaire régissant les établissements publics au Cameroun. Et singulièrement sa mise en conformité avec la loi de 2017 et les décrets d’application de 2019. Cette loi ainsi que les décrets précisent clairement que les établissements publics sont dotés de structures de délibération au sein desquels l’on devrait trouver des représentants de la présidence de la République, ainsi que du Premier ministère et de ses tutelles. La deuxième chose, c’est l’élargissement des missions du Fodecc.
Nous restons toujours dans le volet financement, mais le décret dispose que dorénavant que le Fonds est habilité à financer des opérations dites spéciales, sous la très haute prérogative du président de la République. Cet élargissement des missions du Fodecc ouvre un champ additionnel : celui du renforcement des moyens d’intervention. Le décret confère donc à cette structure des moyens conséquents pour répondre aux besoins et aux attentes des producteurs de cacao et de café.
Enfin, le décret le renforce les instruments de gestion, et garantit en mettant en place des outils de surveillance et de contrôle, notamment l’organisation régulière des audits comptables et financiers, la tenue de toutes les formes de comptabilité nécessaires, et enfin, la nécessité pour le Fonds et son management de pouvoir rendre compte systématiquement de tous les actes qui sont posées. C’est là de façon ramassée la structuration qui a été déclinée à travers ce décret de 68 articles.
Le FODECC est désormais appelé à promouvoir la transformation et la consommation locales du cacao et du café. Le dispositif institutionnel et les moyens financiers actuels mis à la disposition du FODECC sont-ils à même de vous permettre de bien assurer ces missions ?
La réponse est oui. On n’est pas totalement écarté de ce qui se faisait avant. On est là dans une position de compléter et de renforcer. Financer la transformation, c’était déjà une des missions du Fonds par le passé, l’objectif tel que nous prévoyons à travers la signature du décret, c’est de permettre que les organes en charge de ce processus, notamment le ministère du Commerce et celui des Mines, de l’Industrie et du développement technologique, puissent promouvoir des projets et des activités en lien avec le renforcement du tissu industriel de transformation au niveau local, et que des moyens d’appui, d’accompagnement soient également mis à la disposition de cette politique. Cela se faisait avant, et c’est appelé à être renforcé. Donc, il n’y a pas de crainte que cette mission ne soit accomplie telle que le président de la République a bien voulu la décliner.
De manière précise, quelle stratégie avez-vous déjà envisagé pour véritablement booster la transformation et la consommation locales du cacao et du café ?
Au sujet de la stratégie, le Fodecc ne le fera pas seul. Mais, c’est l’ensemble des organes des filières qui le feront dans leurs missions et leurs prérogatives. Pour ce qui concerne le Fodecc, la démarche vise singulièrement à renforcer les moyens de financement nécessaires pour que se développent les tissus industriels liés à la transformation du cacao et du café, et que soient renforcées les opérations de vulgarisation des produits afin d’asseoir la consommation.
Ces moyens, d’après le texte, doivent être mobilisés par le Fonds, sécurisés par le Fonds et ensuite mis à la disposition des organes opérationnels compétents. Dans ce cadre, le Fodecc se tient disposé et prêt à accompagner tout ce processus. Nous avons ouvert des guichets qui sont des guichets de financement direct. L’un destiné aux producteurs pour renforcer la production en quantité ; le second dédié aux collectivités pour permettre l’installation d’unités de traitement post récoltes autorisées par le président de la République en 2021, et aujourd’hui inscrites dans notre plan de travail ; et le troisième guichet qui met en place une transition agroécologique pour permettre d’évoluer.
C’est dans l’ensemble de ce processus là que pourrait se dérouler, s’exécuter les interventions liées au renforcement du tissu industriel de transformation, mais également, la promotion de tout ce qui est consommation locale. Le marché est en évolution, et nous pensons que les produits Made in Cameroon pourraient être rendus accessibles aux Camerounais et bien au-delà de nos frontières à travers la Zone de Libre-échange continentale africaine. On pourrait effectivement aller à la conquête des marchés extérieurs avec des produits camerounais.
Entre autres missions désormais dévolues au Fodecc, il y a l’appui aux programmes de formation et d’information des opérateurs des filières cacao-café. Mais aussi, le soutien à la recherche appliquée sur ces produits et à l’amélioration de leur qualité. Peut-on savoir exactement comment le Fodecc entend se déployer pour assurer ces missions ?
Il faudrait déjà rappeler qu’il existe un projet porté par le ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation dont l’objectif est de travailler à promouvoir de nouvelles variétés à haut rendement, à fort potentiel et susceptibles de résister aux changements climatiques. Ces variétés en cacao comme en café sont aujourd’hui à leur phase de diffusion, et cette diffusion est de nature à permettre que les producteurs de cacao et de café procèdent à des remplacements dans leurs parcelles sans forcément devoir déboiser ou étendre lesdites parcelles, mais redensifier les parcelles existantes, pour permettre que dans les mêmes parcelles s’intensifient la quantité de produit récolté.
Donc, nous sommes véritablement dans un processus qui est pris en main et dont les moyens nouveaux mis à disposition du Fonds par le président de la République visent à apporter de la satisfaction à l’endroit de ces producteurs de cacao et de café. S’agissant donc des programmes de formation et d’information, ce sont des programmes qui sont régulièrement mis en œuvre et entretenus. C’est la raison pour laquelle nous pensons que des échanges comme celui-ci visent à montrer tout le potentiel qui existe et qui devrait permettre que tous les cacaoculteurs et les caféiculteurs puissent accéder aux intrants, et que les consommateurs se préparent à consommer des produits fabriqués à partir des récoltes faites au Cameroun, et par des unités installées au Cameroun, afin de laisser à l’intérieur de la valeur.
Cette promotion, cette diffusion sont une permanence de l’ensemble des organes des filières dont le Fodecc n’est qu’une des composantes. C’est collectivement que nous allons œuvrer pour que s’intensifie cette dynamique-là, sous l’orientation de nos tutelles respectives que sont le ministère du Commerce et le ministère chargé de l’Agriculture.
Quel bilan pouvez-vous faire à ce jour des missions jusque-là dévolues au FODECC ?
Si je ne m’en tiens qu’au rendu que nous avons des producteurs depuis que nous avons mis en place le guichet producteur, je puis vous dire sans hésiter que les conducteurs semblent plutôt satisfaits. Leurs attentes sont en tout cas prises en considération. Les intermédiaires qu’il y avait et qui étaient extrêmement dispendieux ont été supprimés au profit d’interventions directes. Les appuis du gouvernement leur arrivent dans des délais qu’ils définissent eux-mêmes en tant que producteurs.
Donc, nous sommes devant une approche qui apporte de la satisfaction et qui semble effectivement épouser les attentes des producteurs. Si l’on s’en tient donc à cela, je pourrais affirmer qu’il y a une certaine satisfaction. Mais la satisfaction, une fois qu’on l’a dite n’est pas une fin permanente ; mais c’est quelque chose qu’il faut entretenir régulièrement. Pour le faire, nous devons maintenir une espèce de veille, parce que les moyens que nous avons comparés aux besoins du secteur ne suffisent pas. Nous avons une base de données au jour d’aujourd’hui enregistrée au niveau du Fodecc d’à peu près 360 000 producteurs enregistrés.
On estime le total des producteurs entre 600 000 et un million. Sur les 360 000 enregistrés et au regard des moyens disponibles, nous ne pouvons satisfaire que 30 000 producteurs en moyenne chaque année. Il reste donc un effort substantiel à faire pour pouvoir atteindre la totalité et pour permettre qu’avec le peu de moyens qui est disponible, soient satisfait le maximum de producteurs. Le dispositif mis en place est un dispositif graduel qui permet de bénéficier des appuis continus pendant trois ans de manière dégressive, et d’avoir une période de rémission d’un an, de permettre que d’autres y accèdent et de revenir après pour pouvoir continuer d’en bénéficier.
Mais globalement, le dispositif n’est pas là pour entretenir une espèce d’assistanat, il vise en fait de manière pédagogique à montrer au producteur qu’en traitant son verger, en y apportant des adjuvants, des engrais et autres, qu’il est en capacité d’améliorer ses récoltes, de pouvoir vendre, surtout en ce moment où les prix sont encourageants. A partir de ce moment où nous avons ce binôme, où la production peut augmenter parce qu’on sait traiter sa plantation et que le prix est encourageant, le mécanisme vise à amener le producteur lui-même à se prendre en charge, parce qu’il sait que s’il a été assisté une fois, il vaut mieux pour lui continuer de prendre en charge la suite du processus pour permettre à d’autres d’entrer.
Parce que, plus il va traiter sa plantation, plus il va mettre des produits au bon moment sur ses plants, et plus il va récolter. Et par ces prix encourageants, il va certainement vendre mieux, au lieu d’attendre que les appuis en petite quantité lui soient fournis tous les ans et systématiquement par l’Etat. C’est vraiment une dynamique vertueuse qui se met en place. Le processus vise à entraîner tous les producteurs vers ce qui demain pourrait permettre que demain nous atteignions 640 000 tonnes à l’horizon 2035.
Quelle analyse faites-vous du cas spécifique du café?
Le décret du président de la République concerne aussi bien la filière cacao que la filière café. Dans ce cadre, il existe au niveau du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, un projet financé par les ressources collectées et sécurisées par le Fodecc. Il s’agit du projet d’appui à la relance de la filière café.
Ce projet qui bénéficie des financements substantiels du Fodecc de manière exclusive quasiment s’active à permettre une reprise de l’activité café. Je pense qu’aujourd’hui en combinaison avec la recherche scientifique, ce projet dispose de matériel végétal de qualité qui se diffuse progressivement dans les bassins de production dédiés à la culture du café.
A l’horizon 2035, il y a à espérer effectivement que le café du Cameroun reprenne les lettres de noblesse qu’il a connues pendant longtemps. Je rappelle que ce café faisait un tonnage respectable de l’ordre de 135 000, et qu’aujourd’hui, il nous presse de retrouver cette position. L’État a mis les mécanismes pour y parvenir, et le décret qui vient d’être signé apporte de moyens substantiels, additionnels pour permettre que le café retrouve le processus qui a été le sien pendant de très nombreuses années.
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Propos recueillis par
Blaise Nnang et Leonel Douniya