Les ONG Les Amis de la Terre, Survie et quatre associations ougandaises réclamaient, dans une procédure engagée devant la justice française, la suspension d’un projet d’oléoduc et de forages pétroliers de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie mené au mépris, selon elles, des droits humains et de l’environnement.
Les chantiers au cœur de cette bataille judiciaire sont le forage Tilenga en Ouganda, dont un tiers chevauche le parc naturel des Murchison Falls; et le projet East African Crude Oil Pipeline (Eacop), le plus long oléoduc chauffé au monde sur 1.500 km, à travers la Tanzanie et des aires protégées. Saisi, le tribunal de Paris, en date du 28 février 2023, a jugé “irrecevables” les demandes des ONG, rapporte une dépêche de l’Afp. Il reste à présent aux associations déboutées, la possibilité de faire appel de cette décision en consultation avec les communautés affectées.
Au nom du “devoir de vigilance”, la loi française de 2017, impose aux multinationales de “prévenir les atteintes graves envers les droits humains, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement” dans toutes leurs activités mondiales. Le jugement du tribunal de Paris est le premier rendu sur le fondement de cette loi.
Le monde du business et les ONG impliquées dans la régulation des multinationales ont multiplié récemment ce type de procédures contre des grands groupes. Le tribunal de Paris estime que les “mesures de vigilance” instaurées par cette loi sont “générales et sans contours précis”, faute de publication d’un décret attendu.
Même si les ONG n’ont pas eu gain de cause, leurs accusations contre TotalEnergies en Ouganda mettent en lumière le “devoir de vigilance” des entreprises. D’autres procès devraient suivre,
prévient Agathe Beaujon dans un article publié le 3 mars 2023 sur le site internet Challenges.fr
L’article évoque la prise de conscience du « devoir de vigilance » des entreprises remontant à l’effondrement du Rana Plaza à Dacca au Bangladesh en 2013, qui a tué plus de 1 100 ouvriers travaillant pour des sous-traitants de marques occidentales de textile. C’est après cette tragédie et l’émoi consécutif qu’une loi votée en 2017 a obligé les grandes sociétés françaises d’évaluer et de réduire les risques sur les personnes et la planète, sur toute leur chaîne de valeur : filiales, fournisseurs, sous-traitants…
Un texte unique au monde au moment de sa promulgation, copié par l’Allemagne ou les Pays-Bas », note challenges.fr, annonçant une directive européenne en préparation inspirée de l’instrument juridique déjà voté en France : « chacun s’est mis à éditer des plans de vigilance, à cartographier les risques et a revu ses relations avec les fournisseurs et les sous-traitants, n’hésitant pas à en exclure certains. Les cabinets d’avocats et de conseil multiplient les clauses d’audit dans les contrats, les chartes de bonnes pratiques pour les fournisseurs…,
détaille challenges.fr.
Jusqu’à faire échouer certaines opérations financières, les entreprises vont progressivement plus loin, en investissant pour aider leurs fournisseurs. Les droits humains sont aussi devenus un critère dans les décisions d’acquisition. “On ne le voyait pas il y a encore cinq ans, mais aujourd’hui, les évaluations d’entreprises se font aussi sur les sujets de droits humains”, témoigne Hélène Bérion, avocate associée chez Kramer Levin, citée par challenges.fr.