Au Cameroun, l’activité ferroviaire continue de s’exercer sous l’égide de la loi n° 7 du 16 juillet 1974 relative à la police et à la sécurité des chemins de fer, complétée par la convention de concession signée en 1999 entre l’Etat et la Cameroon Railway (Camrail), filiale du français Bolloré qui a repris il y a 24 ans les actifs de la Régie nationale des chemins de fer du Cameroun (Regifercam).
A côté de ce cadre normatif devenu inadapté, ce secteur enregistre, depuis de nombreuses années, un certain nombre de manquements et d’insuffisances, de l’avis même des autorités du pays. Notamment, la dégradation continue des infrastructures, la régression drastique du nombre de passagers qui est passé de 1,4 million en 2010 à 600 000 en 2021, la baisse du volume des marchandises transportées estimé à 1,6 million en 2021 contre 1,9 million en 2010. Il y a également la fermeture des itinéraires Mbanga-Kumba entre les régions du Littoral et du Sud-Ouest, et Ngoumou-Mbalmayo, deux localités à partir desquelles l’on transportait les marchandises, notamment les matières premières agricoles vers la capitale Yaoundé.
A ces manquements il faut ajouter, plus grave, le déficit des investissements et la dégradation de la qualité de service, la faiblesse des instruments de contrôle et de sanction de l’Etat dans ce secteur qui perd chaque jour en compétitivité.
Dans le but d’apporter une réponse appropriée à ces insuffisances, et tenant compte des recommandations issues de l’audit réalisé suite au grave accident ferroviaire ayant fait au moins 75 morts et des centaines de blessés dans la localité d’Eseka en octobre 2016, le gouvernement vient de déposer dans les deux chambres du Parlement camerounais, un projet de loi « qui amorce une dynamique de modernisation du secteur, à travers la reconfiguration du paysage institutionnel, la redéfinition du rôle de chaque acteur et la mise sur pied d’un système de contrôle, de régulation et de sanction », détaille l’exposé des motifs du texte.
Dans cette optique, l’Etat conservera sa prérogative exclusive en matière de définition de la politique ferroviaire et de développement des transports par voie ferrée. Le projet de texte soumis à l’examen de l’Assemblée nationale et du Sénat prévoit d’ailleurs la mise sur pied d’une Autorité de régulation et de sécurité ferroviaires, dont le rôle est d’assurer le contrôle de l’application de la règlementation, la surveillance des acteurs publics et privés et le règlement des différends en phase précontentieuse.
Création d’une société de patrimoine
Le schéma institutionnel retenu propose, en outre, la création d’une société de patrimoine ferroviaire, chargée de la gestion des biens et droits affectés par l’Etat à l’activité ferroviaire. Cette entreprise sera ainsi responsable des infrastructures et de la régulation de l’accès des exploitants au domaine ferroviaire. Elle sera titulaire d’une concession exclusive accordée par l’Etat aux fins de gestion du réseau ferroviaire national.
Alors que le pays est engagé dans un processus d’accélération de la décentralisation, le cadre juridique et institutionnel en gestation prévoit de faire intervenir activement les collectivités territoriales décentralisées, à travers la création et le développement des réseaux de transport urbain par rails, conformément aux règles applicables en matière de services publics locaux. Il convient de relever que depuis 1974, le réseau ferroviaire du Cameroun a gardé son linéaire initial de 1270 km, dont 270 sont aujourd’hui dégradés et inexploités. Bien plus, aucune ligne supplémentaire n’a été construite depuis 1974.
On peut imaginer dès lors l’importance des investissements à consentir et le rôle que le secteur privé africain et mondial peut être appelé à jouer dans l’implémentation de ce plan de relance du secteur ferroviaire. Déjà, dans les plus deux grandes villes du Cameroun que sont Yaoundé et Douala, les autorités locales sont engagées dans la recherche de financements pour construire des lignes de tramway. A Douala, le maire de la ville a annoncé l’an dernier que le projet de construction d’une première ligne longue de 18 km serait lancé cette année 2023. Coût de l’investissement qui intègre la construction d’une centrale électrique destinée à assurer l’autonomie électrique du tramway : 700 milliards Fcfa.
Répartition des rôles
D’un point de vue global, le modèle proposé repose sur un système de répartition claire des rôles et des responsabilités de chaque intervenant : l’Etat définit la politique du secteur; la société de patrimoine construit et gère, pour le compte de l’Etat, les infrastructures; les opérateurs de réseau se chargent des activités ferroviaires, suivant des régimes juridiques qui comprennent selon le cas, la concession, la licence ou l’autorisation. La libéralisation du transport de voyageurs et de marchandises figure donc au nombre des avancées majeures découlant du projet de loi.
A noter que depuis plusieurs mois, le Groupe Bolloré a cédé à l’armateur italo-suisse MSC ses activités dans la logistique en Afrique, pour un montant de 5,7 millions d’euros. Camrail qui deviendra Aponte dans les prochains mois fait bel et bien partie de ce contrat de cession.
Le nouveau patron, Diego Aponte, a fait part de son intention de conserver les concessions ferroviaires faisant jadis partie du portefeuille de Bolloré, et promis de développer des investissements afin de disposer d’un outil efficace, susceptible de d’accompagner le développement de ses activités.