C’est un véritable paradoxe. Avec 300 jours de soleil par an sur le continent, l’Afrique est le continent qui « brille » le plus, mais 600 millions de personnes, la majorité issue des zones rurales, n’ont pas accès à l’électricité. Mais, la prise de conscience de cette situation fait naître de nombreuses initiatives autour du solaire en Afrique. Avec en prime, de nombreuses opportunités d’investissement estimées à plus de 9,9 milliards de dollars sur le continent africain d’ici 2030, selon un rapport du Centre européen de gestion de politiques de développement (European Centre for Development, Policy Management/ ECDPM), un think tank basé au Pays-Bas.
Ce rapport précise également que les pays du continent ont connu une augmentation importante du déploiement de ces systèmes solaires hors réseau, notamment dans les zones rurales, où ils sont en passe de remplacer les coûteux groupes électrogènes fonctionnant au diesel grâce à leurs coûts abordables. L’énergie solaire pourrait donc être la meilleure solution qui s’offre aux pays africains pour répondre à leurs besoins en électricité, essentielle pour leur développement économique. Inépuisable par définition, disponible en permanence, propre en ce qui concerne le CO2, l’énergie solaire a tous les atouts pour accompagner l’Afrique dans les années à venir.
Sur 1,1 milliard d’habitants en Afrique subsaharienne aujourd’hui, plus de la moitié n’ont toujours pas accès à l’électricité. Mais cette région a les moyens de répondre à ce défi notamment grâce à l’énergie solaire et son potentiel est absolument colossal, le plus important au monde,
explique Hugo Le Picard, de l’IFRI, l’Institut français de recherches internationales, qui s’occupe des questions énergétiques subsahariennes. Selon le World Energy Outlook qui effectue des projections énergétiques sur la période 2016-2040, les 2/3 des investissements mondiaux en ce qui concerne l’installation de nouvelles centrales électriques seront orientés vers les énergies renouvelables à l’horizon 2040. L’Agence internationale de l’énergie a également annoncé que la capacité installée par rapport au niveau enregistré de l’énergie renouvelable connaîtrait une hausse de 43% en 2022, comparativement à 2017.
Entre 2016 et 2019, 8,5 millions de personnes en Afrique subsaharienne ont pu accéder à l’électricité grâce à aux systèmes solaires
Le continent a en effet capté 70 % des investissements enregistrés dans les systèmes solaires décentralisés à l’échelle mondiale entre 2010 et 2020. Le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et le Nigeria ont été les principaux pays bénéficiaires de ces investissements, qui sont passés d’une moyenne de 0,5 million de dollars en 2010 à plus de 380 millions de dollars en 2020 à l’échelle continentale. Les gouvernements africains sont de plus en plus nombreux à adapter leurs cadres réglementaires pour mieux intégrer le solaire décentralisé dans leurs systèmes énergétiques.
Le rapport intitulé «Développer l’énergie propre en Afrique » indique que les systèmes solaires décentralisés, qui étaient à l’origine dédiés aux zones rurales reculées, se développent rapidement dans les villes africaines, rappelant qu’une étude publiée fin 2022 par l’Institut français des relations internationales a révélé que la capacité solaire décentralisée installée dans 14 villes africaines, dont Ouagadougou, Accra, Le Cap, Dakar, Lagos, Nairobi, Niamey et Windhoek, se situe entre 184 et 231 mégawatts (MW).
Le Kenya et le Maroc, champions africains des énergies renouvelables
Le Centre européen de gestion de politiques de développement, qui milite pour « l’adoption de politiques favorisant un développement concerté, inclusif et durable en Europe et en Afrique », a d’autre part souligné que les investissements dans les énergies renouvelables ont fortement augmenté sur le continent au cours des deux dernières décennies, en raison notamment à la baisse continue des coûts de ces énergies, en particulier le solaire et l’éolien, par rapport aux combustibles fossiles. Entre 2000 et 2020, l’Afrique a attiré près de 60 milliards de dollars d’investissements dans les énergies renouvelables (hors hydroélectricité à grande échelle).
Entre 2010 et 2020, ces investissements se sont multipliés par dix, passant de 0,5 à 5 milliards de dollars en moyenne par an, soit un taux de croissance supérieur à celui enregistré dans toutes les autres régions du monde. La somme cumulée de ces investissements ne représente cependant que 2% des investissements répertoriés dans les énergies renouvelables à l’échelle planétaire. Les énergies renouvelables représentent désormais environ 3% de la capacité de production énergétique totale du continent, mais ce chiffre, précise-t-on, cache de grandes disparités entre les pays. Avec une part de plus de 10% dans le mix énergétique, le Kenya et le Maroc sont les champions africains des énergies renouvelables. Dans les pays producteurs d’hydrocarbures comme le Nigeria, la Libye et l’Algérie, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétiques reste cependant insignifiante.
Dans le même temps, certains pays africains producteurs d’hydrocarbures ont commencé à investir massivement dans les énergies renouvelables. Tel est, entre autres, le cas de l’Égypte qui a conclu des accords de plusieurs dizaines de milliards de dollars avec des groupes énergétiques internationaux pour la production de l’hydrogène vert autour de la zone économique spéciale du canal de Suez. De son côté, le Sénégal, qui s’apprête à faire son entrée dans le Club des pays producteurs de gaz naturel, a augmenté sa capacité installée d’énergies renouvelables de plus de 10 % en 2021.
De grandes entreprises à l’assaut du solaire en Afrique
Les « projets solaires » sont en effet une des niches d’investissement les plus attractifs sur le continent africain. Beaucoup d’entrepreneurs ou de grandes entreprises n’ont pas hésité à injecter fonds et expertise pour créer de nouvelles richesses et emplois.
En Tanzanie par exemple, un fournisseur d’énergie solaire a obtenu le soutien d’investisseurs internationaux à hauteur de 25 millions de dollars et a remporté une subvention de 5 millions $ de l’USAID. La société compte fournir de l’énergie solaire à 1 million de foyers en Afrique orientale et s’est récemment (2017) élargie au Rwanda. Autre exemple, M-KOPA. Elle fournit des systèmes d’énergie solaire «pay-as-you-go» et a attiré des investissements allant jusqu’à 40 millions de dollars. Cette entreprise basée au Kenya a déjà fourni de l’énergie solaire à près de 300.000 foyers au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda. À plus grande échelle, le Maroc. Dépourvu d’hydrocarbures, les autorités du royaume Chérifien se sont tournées vers l’énergie solaire dans la quête d’indépendance énergétique.
Le royaume a ainsi développé « Noor », la plus grande centrale solaire d’Afrique et une des plus grandes au monde. Située dans le désert du Sahara, l’imposante centrale photovoltaïque devait fournir près de la moitié des besoins énergétiques du pays, en 2018. Aussi, le projet « Desertec » qui cristallise tous les espoirs, est conduit par les entreprises allemandes et se fonde sur le principe que chaque kilomètre carré de désert reçoit annuellement une énergie solaire équivalant à 1,5 million de barils de pétrole.
Déjà, en 2016, le Maroc inaugurait l’une des plus grandes centrales à énergie solaire concentrée au monde, « Noor » (lumière en arabe). C’est la Banque africaine de développement(BAD) qui en était le premier bailleur de fonds avec une mise de près de 200 millions de dollars.
Également, le Plan solaire tunisien est devenu un élément clé de relance du pays. « Il est impératif de rétablir l’indépendance énergétique de la Tunisie, car le pays a connu des déficits croissants et coûteux dans son bilan énergétique durant les deux dernières décennies », selon Belhassen Chiboub, directeur général au ministère de l’Énergie. Ainsi, le gouvernement a lancé ce plan en 2017, avec un objectif de 3,8 gigawatts de capacité installée d’énergie renouvelable d’ici à 2030. Cela décuplerait la capacité énergétique du pays pour un coût annuel estimé à environ 400 millions de dollars.
3000 heures de soleil en Afrique chaque année
Au regard des statistiques disponibles, les pays africains disposent d’une irradiation solaire de deux fois supérieure à celle de l’Allemagne qui jouit d’une puissance photovoltaïque installée de l’ordre de 40 Gigawatts, soit 20 fois plus que toute l’Afrique. Pourtant, sept des dix pays les plus ensoleillés au monde sont africains.
Pour cela, au Sommet de l’Alliance solaire internationale de New Dehli (Inde) en mars 2018, l’unanimité s’est faite, en présence d’une dizaine de chefs d’État africains, autour de l’engagement en faveur de l’élargissement et de l’approfondissement des projets concrets en vue de mobiliser des financements abordables au service d’un déploiement massif de l’énergie solaire.
En outre, l’Afrique possède un immense potentiel en énergie solaire du fait de son ensoleillement quasi permanent. On y enregistre en moyenne 3000 (trois mille) heures de soleil par an, soit au moins six heures de soleil par jour. Dans le but de mettre ce riche potentiel solaire au service des populations, l’entreprise spécialiste de l’énergie hors réseau, PEG Africa, a réalisé en 2017, une levée de fonds de 13,5 millions de dollars. Déjà présente en Côte d’Ivoire et au Ghana, PEG Africa a un impact sur 200 000 personnes et se donne pour ambition de fournir de l’énergie solaire à 500 000 consommateurs supplémentaires hors réseau mal desservis en Afrique de l’Ouest.