Pour certains, l’Afrique devient une décharge géante. Pour d’autres, la brocante est un business qui paye. Ustensiles, meubles et mobiliers d’intérieur, électroménagers, automobiles, consommables informatiques, vêtements, et parfois même des bijoux à moitié prix, en provenance de l’Europe ou des USA sont vendus sur le marché africain.
Le marché des biens d’occasion et des brocantes est en plein essor. Plusieurs facteurs contribuent à la bonne tenue de l’activité. Notamment, la conjoncture économique, où dans un contexte économique dégradé, les consommateurs doivent réaliser des arbitrages budgétaires qui profitent aux biens d’occasion ; l’évolution des modes de consommation : davantage sensibilisés aux enjeux écologiques, les consommateurs aspirent de plus en plus à consommer de façon responsable en privilégiant les produits de seconde main.
Par ailleurs, la revente et l’achat de produits de luxe d’occasion se sont amplement décomplexés aujourd’hui. Mais aussi, le raccourcissement du cycle de vie des produits : les objets associés aux nouvelles technologies sont de plus en plus vite dépassés.
Ces produits inondent le marché de l’occasion. Dans ce contexte, apprend-on, le potentiel de croissance du secteur attire de nombreux opérateurs. Le développement des sites d’annonces en ligne généralistes (Leboncoin) ou spécialisés (Vinted, Vestiaire Collective) accroît la part des transactions réalisées entre particuliers au détriment des professionnels du secteur.
Ces derniers sont également concurrencés par les parts de marché du e-commerce qui se positionne également sur le marché de l’occasion (Cdiscount occasion, Fnac 2NDE Vie, etc.).
Enfin, les enseignes de commerce (habillement, jouets, équipements sportifs, etc.) cherchent aujourd’hui à tirer profit de ce marché en commercialisant des produits de seconde main dans leurs magasins (corners dédiés) ou sur leurs sites web (mises en relation des vendeurs et acheteurs des produits de leurs marques).
La grande distribution suit la même stratégie en nouant des partenariats avec les spécialistes du secteur, à l’instar du groupe Carrefour qui s’est associé à Cash Converters en 2020 pour implanter des corners de produits de seconde main dans ses magasins.
La tendance du marché de la brocante
La crise sanitaire a renforcé le poids du marché de l’occasion, l’achat de produits de seconde main via Internet constituant une alternative pour les consommateurs durant les périodes de confinement pendant lesquelles la plupart des commerces étaient fermés.
L’intensification des tensions sur le pouvoir d’achat des ménages, conjuguée aux aspirations des consommateurs en faveur d’achats plus responsables, favorisera le marché de l’occasion au détriment du neuf. Les professionnels du secteur devront intensifier leurs efforts pour développer la vente en ligne.
L’organisation du marché
Le marché de la brocante est constitué des dépôts-ventes : les professionnels (dépositaires) stockent les articles (vêtements, hifi, meubles…) des particuliers (déposants) dans le but de les vendre. Les déposants ne sont payés que si l’article est vendu.
Les achats-ventes : contrairement aux dépôt-ventes, les professionnels des achats-ventes achètent immédiatement les biens des particuliers avant la revente. Les antiquaires : les professionnels doivent pouvoir authentifier et restaurer les objets acquis avant la vente. Les brocanteurs : tout comme les antiquaires, ils vendent des objets mobiliers usagés.
Toutefois, les professionnels ne garantissent que la vente de l’objet en l’état et ne sont pas tenus d’authentifier ou de dater les objets acquis. Le e-commerce : l’accélération de la digitalisation des transactions profite aux acteurs de l’occasion présents sur Internet : sites d’annonces entre particuliers généralistes ou spécialisés, marketplaces, spécialistes du reconditionnement, etc.
Un chiffre d’affaires en nette évolution
En 2020, on comptait 14 436 entreprises dans le secteur du commerce de détail de biens d’occasion en magasin. Avec un chiffre d’affaires total du secteur était de 1,431 milliard d’Euros. Ce chiffre d’affaires en constante évolution.
Que l’on soit au Port de Cotonou, Abidjan, Libreville ou encore Douala, le phénomène est presque le même : moins de 30% des produits venus d’Europe sont des produits neufs. Le reste n’étant que des objets déjà utilisés.
Face aux coûts trop élevé des produits européens, les opérateurs économiques africains n’aiment souvent pas prendre le risque d’acheter en Europe des objets neufs.
C’est ainsi qu’ils se tournent de plus en plus vers des produits déjà utilisés dans les ménages européens. Des objets très « encombrants » en Europe, mais pourtant très prisés en Afrique ! Et, la brocante est devenue depuis quelques années un business très rentable en Afrique.
À Douala par exemple, de nombreuses familles ne vivent que de cela. C’est le cas de Joséphine qui tient une grande boutique au grand marché de Mboppi dans la ville de Douala au Cameroun. Chez elle, on retrouve presque de tout : électroménager, consommables Informatique, Vêtements, et parfois même des meubles et bijoux.
Au sujet de la rentabilité de son business, Joséphine nous apprend que sans les frais de port et de dédouanement, son bénéfice oscillerait entre 70 et 80%. « J’ai une sœur qui rassemble pour moi ces produits en Europe au prix de rien », affirme-t-elle, avant d’indiquer qu’elle mène cette activité depuis 2006.
Du côté de la clientèle, c’est également la satisfaction totale. Ici, les gens et surtout les femmes apprécient beaucoup ces produits pourtant « vieux », et les trouvent même très durables, par rapport à ce que leur vendent les Chinois ; comme nous le confirme une jeune dame venant d’acheter chez Joséphine une douzaine de plats en porcelaine :
ces plats gardent leurs décorations toute leur vie, contrairement aux plats chinois qui s’effacent juste quelques temps après.
Même si les spécialistes de l’environnement voient généralement d’un très mauvais œil ces produits venus d’Europe, la brocante continue d’attirer de nombreuses personnes en Afrique.
Seulement, les autorités devraient y mettre un peu d’ordre, notamment en priant les importateurs d’écarter souvent de leurs marchandises des produits trop vieux et dangereux pour l’environnement.
Un secteur menacé par les produits d’origine chinoise
En janvier 2006, le plus grand fripier de la place dakaroise s’interrogeait sur l’avenir de la filière au Sénégal :
Le beau temps est fini maintenant, depuis trois ans, je n’y arrive plus, en 2003 ça a basculé. Je faisais 48 conteneurs dans l’année, cette année, je n’arrive pas à la moitié. On perd du terrain partout, le seul endroit où nous tenons encore, c’est Kaolack, j’ai de bons sous-traitants là-bas, très corrects, des battants. À cause des importations sauvages de ceux qui travaillent [migrants sénégalais] aux États-Unis, en Italie et en Espagne, qui prennent un conteneur seulement et qui paient un million de taxes et de droits de douane au lieu des 5 ou 6 millions [francs CFA].
À Praia, au Cap-Vert, le principal importateur développe la même litanie, insistant sur la concurrence des produits vestimentaires chinois neufs. Pour ces deux entrepreneurs qui ont débuté le commerce de la fripe en 1990, l’âge d’or fut rapide, mais bref. Le commerce de fripes est désormais concurrencé par une offre de plus en plus diversifiée de vêtements et de chaussures neufs, de qualités différentes, proposée par des commerçants chinois ou africains.
La fripe, qui présentait encore, au seuil des années 2000, un excellent rapport qualité-prix et qui répondait aux besoins des consommateurs les plus pauvres ou de ceux les plus en phase avec les modes occidentales, s’est retrouvée dévaluée.
Les importateurs n’ont pas été en mesure de réviser leurs stratégies, ni de développer une offensive commerciale susceptible de contrer rapidement les nouveaux entrepreneurs du vêtement neuf.