Les dirigeants du continent peuvent-ils parvenir à changer de paradigme en ce qui concerne la Facilité africaine de eau (FAE), dont la mise en œuvre de la phase III était initialement programmée sur la période 2017-2025 ? De l’aveu même de la Banque africaine de développement (BAD) qui a mis en place ce mécanisme il y a bientôt 20 ans, son impact est mitigé et il importe de lui donner un nouveau souffle à travers des interventions axées sur une mobilisation plus efficace des ressources en faveur du développement des infrastructures.
C’est du moins ce que laisse entendre son coordonnateur, le Malawite Mtchera Johannes Chirwa. Dans une déclaration rapportée le 02 août dernier par l’agence américaine Bloomberg, il dit :
nous prévoyons désormais de passer à l’échelle supérieure. Le Fonds d’investissement pour l’assainissement urbain en Afrique commencera à accorder des prêts pour une durabilité à plus long terme.
Et les ressources à mobiliser s’élèvent à 500 millions de dollars US. Même s’il ne va pas plus en détail sur les contours de ces prêts, il apparaît évident que ceux-ci visent les neuf projets d’investissement à effet catalyseur dans les infrastructures hydrauliques, programmés par la BAD au terme de la révision de la stratégie de la FAE, en novembre 2021.
En effet, ce fonds s’est limité jusque-là à octroyer des dons et offrir une assistance technique dans le cadre de la mise en œuvre de projets hydrauliques. Sur cet aspect, la mise en œuvre de la stratégie devrait nécessiter 62,15 millions d’euros.
Et au nombre des principaux résultats figureront la préparation de 10 projets urbains et 10 projets ruraux d’alimentation en eau, d’assainissement et d’hygiène, de deux projets de gestion de l’eau agricole et de trois projets de mise en valeur des ressources en eau à des fins multiples. Selon la BAD, il reste difficile de mobiliser des fonds de développement pour déclencher des investissements de l’État et du secteur privé, en raison, notamment, du nombre relativement faible de projets bancables.
Dans le même temps, les institutions publiques ont une capacité limitée pour préparer judicieusement les projets en vue de leur financement. Cependant, les acteurs du financement du développement opérant sur le continent sont beaucoup moins nombreux et ont tendance à se concentrer sur le niveau sous-régional.
Cette facilité est pourtant l’une des rares sur le continent à bénéficier de l’avantage de la BAD en tant que point d’entrée, pour collaborer avec les États africains et les parties prenantes de manière à susciter l’innovation, à préparer des projets pour des investissements ultérieurs et à tester des interventions à effet catalyseur.
Pour mémoire, à la faveur de la coopération avec les pays membres régionaux (PMR) et les partenaires au développement, la BAD a été un investisseur majeur dans le secteur de l’eau. Entre 2010 et 2019, la Banque a investi 4,22 milliards d’unités de consommation (UC) dans la fourniture de services d’alimentation en eau et d’assainissement, ce qui a permis à 92 millions de personnes d’avoir accès aux services d’eau.
Pour sa nouvelle politique de l’eau conçue en 2020, son portefeuille actif au sein du département de la mise en valeur des ressources en eau et de l’assainissement couvre 101 projets dans 41 pays. Son objectif primordial est de renforcer la sécurité hydrique en Afrique, et de transformer les ressources en eau pour promouvoir une croissance et un développement socio-économique durable, écologique et inclusif. L’institution financière panafricaine considère que l’Afrique est bien dotée en ressources en eau, avec un grand nombre de fleuves et de lacs importants, dont 63 sont transfrontaliers.
En outre, le continent possède de nombreuses nappes souterraines aquifères, dont 83 sont transfrontalières. Le total des prélèvements annuels d’eau douce, destinés à soutenir les activités socio-économiques sur le continent, se chiffre à environ 236 milliards de mètres cubes, soit près de 4,2 % de la moyenne annuelle à long terme des ressources en eaux renouvelables totales.
Ces prélèvements sont répartis entre trois principaux secteurs d’utilisation de l’eau : l’agriculture (78,7 % des prélèvements), les services municipaux (14,6 %) et l’industrie (6,7%), selon l’Organisation des Nations unies pour alimentation et l’agriculture (FAO). Pourtant, note la BAD, malgré l’abondance apparente des ressources en eau, de nombreux pays souffrent de pénurie d’eau et ne sont pas en voie d’atteindre la sécurité hydrique.
Les ressources en eau de l’Afrique sont inégalement réparties dans l’espace et dans le temps : plus de 50 % des ressources du continent sont concentrées en Afrique centrale, et moins de 3 % en Afrique du Nord.