Devant les ravages de la pluie, trop abondante, sur la récolte du cacao, Siaka Sylla, promoteur et leadeur de Scapen, une coopérative de 1.500 planteurs dans la région de Divo en Côte d’Ivoire est inconsolable : “En 20 ans je n’ai jamais vu une récolte comme ça”, se désole-t-il, cité dans une dépêche de l’Agence France presse (AFP).
C’est une campagne très dure (…). On va atteindre peut-être 1.900 tonnes contre près de 3.000 l’an dernier,
déplore Siaka Sylla. “Mais il y a des coopératives où c’est pire, même pas 200 ou 300 tonnes…”. Les agriculteurs d’Afrique de l’Ouest ont signalé le développement de maladies dans les cultures après d’abondantes pluies, notamment celle des cabosses noires – qui provoque noircissement et pourriture des cabosses de cacao en raison de la trop forte humidité. On sait que pour s’épanouir pleinement, le cacao a besoin d’une subtile alternance entre ensoleillement et précipitations. L’excès de pluie est dommageable pour la qualité du cacao.
De l’avis général, les récoltes jugées catastrophiques en Côte d’Ivoire et au Ghana, les deux plus grands producteurs du monde, ont propulsé les prix du cacao, qui battent de nouveaux records presque quotidiennement sur les marchés de New York Mercantile Exchange (NYMEX) et Londres.
Les arrivées dans les ports de la Côte d’Ivoire ont diminué de 35%
Ainsi donc, mardi 6 février 2024, le contrat pour livraison en mars négocié à New York a atteint son plus haut niveau depuis plus de 46 ans, à savoir 5.288 dollars la tonne. Le même jour, le contrat pour livraison en mai négocié à Londres a atteint lui aussi un nouveau record historique, à 4.248 livres sterling la tonne. A la date du 24 janvier 2024, sur le marché de Londres, le cours du cacao se traitait à 3.799 livres sterling. Du jamais-vu depuis 1989, date à laquelle débute la cotation sur Bloomberg. A New York, la tonne s’échangeait contre 4.877 dollars.
Le prix du cacao a plus que doublé à New York comme à Londres depuis début 2023, entraîné par le déficit d’offre qui se profile. Il dépasse désormais largement les sommets atteints en 2011, avec la grave crise post-électorale en Côte d’Ivoire de 2010-2011 qui avait fait plus de 3.000 morts. Ce qui fait dire à Carsten Fritsch, analyste de Commerzbank, cité par l’Afp qu’il
semble que ce ne soit qu’une question de temps avant que le prix du cacao à New York ne se dirige vers le record historique de 1977 à 5.379 dollars la tonne,
anticipe l’analyste. Selon les estimations des exportateurs, note Carsten Fritsch, les arrivées dans les ports de la Côte d’Ivoire ont diminué de 35% entre le début de la campagne de récolte en octobre et la fin du mois de janvier par rapport à la même période de l’année précédente. Seulement 951.710 tonnes ont été acheminées aux ports ivoiriens.
Déficit mondial d’offre de cacao prolongé
Pis, les experts craignent un déficit mondial d’offre prolongé. Jack Scoville, analyste chez Price Futures Group, souligne que les négociants s’inquiètent “d’une nouvelle année de production insuffisante” provoquée par le phénomène climatique El Niño “qui menace les cultures d’Afrique de l’Ouest par un temps chaud et sec”, prévient-il, cité par l’Afp.
Jusqu’en avril 2024, devrait durer El Niño, généralement associé à une augmentation des températures, à des sécheresses dans certaines parties du monde et des fortes pluies dans d’autres. La prochaine récolte pourrait en pâtir. Les planteurs ghanéens ne touchent que 1.800 dollars par tonne. En Côte d’Ivoire, c’est environ 1.600 dollars. Ce sont donc les pays où les marchés sont libéralisés qui vont empocher le pactole. Il s’agit principalement du Brésil, de l’Equateur, du Nigeria et du Cameroun.
Selon les estimations de l’Organisation internationale du cacao (ICCO), la Côte d’Ivoire est de loin le premier pays producteur de cacao au monde, suivie du Ghana. A eux deux, ils ont fourni près de 60% de la production totale pour la récolte de 2022/23. Dès juillet 2023, le Conseil café-cacao (CCC), l’organisme de réglementation du secteur en Côte d’Ivoire, avait suspendu la vente des contrats d’exportation de la campagne en cours en raison des fortes pluies qui ont affecté les champs de cacaoyers.