Olivier Atinbop est cadre dans une minoterie du groupe Saker, qui est l’un des acteurs de poids du secteur de la pâtisserie camerounais, aux côtés d’autres piliers tels que Boulangerie Meno, Zepol et Coaf pour n’énumérer que ceux-là. Leur minoterie fabrique des produits à base de farine de blé, à l’instar de froments, et produit également du pain. La minoterie est énergivore (électricité et énergies fossiles confondues) et a besoin, pour son fonctionnement quotidien, d’une grande quantité d’électricité.
Une capacité difficile à atteindre dans le contexte actuel, marqué par de graves perturbations de fourniture d’électricité sur le Réseau Interconnecté Sud (RIS) englobant désormais sept régions du pays sur dix : l’Ouest, le Nord-Ouest, le Sud-Ouest, le Littoral, le Centre, le Sud et l’Est.
Dans ce contexte de difficulté d’accès à l’énergie électrique, les unités de production camerounaises recourent aux moyens alternatifs pour leur approvisionnement. Les plus nanties contractent avec Gaz du Cameroun, une entité de production de gaz à usage commercial, située à Logbaba, dans la zone industrielle de Douala-Bassa. Mais les entreprises de petite taille, petites et moyennes entreprises (PME) et petites et moyennes industries (PMI) confondues, font avec des moyens du bord : beaucoup d’entre elles achètent des groupes électrogènes. Ils pullulent dans la capitale économique camerounaise et sont sollicités autant par les entreprises que par les acteurs du petit commerce.
Mais, encore faut-il avoir les moyens de se procurer le carburant pour faire fonctionner ces groupes électrogènes au quotidien. Or, il y a quelques semaines, le gouvernement camerounais a décidé d’une nouvelle hausse du prix du litre de carburants à la pompe. Une mesure qui survient tout juste un an après la précédente hausse en février 2023. C’est ainsi que le litre du Super est passé de 1,2 dollar (730 F CFA) à 1,38 USD (840 F CFA). Tandis que celui du gasoil est passé de 1,17 USD (710 F CFA) à 1,36 USD (828 F CFA).
Coûts de production très élevés
Cette mesure qui se traduit désormais par la hausse du prix de transports urbains et interurbains, officialisée depuis ce 27 février, pose un problème aux entreprises. Car, hormis l’impact sur le pouvoir d’achat des salariés, qui doivent se rendre chaque jour à leur boulot, les entreprises peinent désormais à fonctionner à atteindre leur niveau de production normal et à couvrir leurs charges.
Cette hausse de prix de carburants que nous avons subie ces derniers jours a un impact significatif sur le prix du produit final que nous mettons sur le marché. Ça impacte le coût du transport, mais également le coût du diesel que nous utilisons pour nos groupes électrogènes, qui fonctionnent aujourd’hui quasiment à 70% comparativement à Enéo, qui a baissé de 30%,
déplore Olivier Atinbop, du groupe Saker. Et il ajoute :
Malgré la mise en service de notre groupe électrogène, avec le prix de carburants qui devient assez élevé, nous subissons des coûts énormes au niveau de notre fonctionnement.
A cause des délestages et des micro coupures d’électricité, leur minoterie peine à fonctionner à plein régime et la production de celle-ci a baissé de 50%.
Eneo Cameroun S.A. déclare préserver les industries
La société SAAGRI a pour activité principale la transformation de l’huile de palme brute en huile raffinée. Le processus peut durer jusqu’à 48 heures, explique Mme Ngo, responsable administratif au sein de cette société. Or, celle-ci subit parfois des coupures d’électricité de la même durée, se prolongeant souvent jusqu’à trois jours.
Les délestages affectent énormément notre système de production. (…) De façon chiffrée, nous pouvons dire que c’est 75 à 80% de notre production qui est affectée.
Le 22 février dernier à Douala, lors d’une journée de concertation avec des patrons, dont ceux du secteur de l’électricité, le directeur général d’Eneo Cameroun S.A., le concessionnaire privé chargé de la production et de la distribution d’électricité, s’est défendu des accusations de plomber la production des industries :
On préserve l’alimentation électrique des industriels pendant la journée pour que vous puissiez assurer le bon fonctionnement de vos installations,
a déclaré Amine Homman Ludiye.
Difficile de tenir le pari de la compétitivité
Dans les conditions décriées par les industriels, reconnaît Olivier Atinbop, il est difficile de rester compétitif. Une crainte que partage Mme Ngo, de la société SAAGRI :
Nos clients ont besoin de nos produits mais nous sommes incapables de les satisfaire à cause de cet aléa-là
Désormais, toutes les options sont sur la table, précise-t-elle.
A un moment donné, soit on sera obligé de procéder à des réductions des charges internes qui vont affecter notre activité, soit on sera obligé de limiter les coûts de production, ce qui va affecter également notre demande.
Nous sommes dans l’obligation de fonctionner 24h/24 et 7j/7 et, quand c’est comme ça nous courons un risque de la fermeture de l’usine,
redoute, pour sa part, Olivier Atinbop. Les industriels camerounais croisent les doigts en attendant l’injection des 60 premiers mégawatts de la centrale hydroélectrique de Nachtigal, annoncée pour le mois de mars prochain, et la mise en service, à la fin de cette année, de toutes les sept turbines qui vont produire 420 MW. Certains fondent cet espoir, ce même si d’autres ne croient pas qu’elle résorbera définitivement la crise énergétique dans ce pays considéré comme locomotive de l’Afrique centrale, dont la population semble croître plus vite que le rythme des investissements dans les énergies.