La Côte d’Ivoire importe 86% de ses besoins de consommation de poisson. Pour réduire cette proportion, le pays poursuit le déploiement de son plan national de développement aquacole avec le lancement d’un programme visant à favoriser l’autosuffisance en poisson et l’export à la fin de la décennie.
L’objectif du gouvernement est de permettre aux Ivoiriens de consommer à 100% du poisson local d’ici 2030 et même d’exporter le surplus. À cette fin, le ministère des Ressources animales et halieutiques a lancé, en 2022, le Programme stratégique de transformation de l’aquaculture en Côte d’Ivoire (Pstaci). Lié à la politique nationale de développement de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture qui vise une production de 150 000 tonnes de poissons en 2026, ce nouveau programme, selon ce ministère, devrait constituer la fondation d’une industrie aquacole nationale performante et compétitive dans cette économie phare d’Afrique de l’ouest qui importe encore 86% de ses besoins de consommation en poisson en 2021, selon les données officielles, précise le journal La Tribune Afrique.
La bonne mise en œuvre du programme permettra d’amorcer le développement futur de PME et de grandes entreprises capables non seulement de satisfaire la demande nationale, mais également d’envisager l’export pour lequel les besoins mondiaux sont de plus en plus croissants. Il permettra aussi de stimuler l’investissement dans le secteur aquacole,
a déclaré Sidi Touré, ministre des Ressources animales et halieutiques, cité par l’Agence de presse ivoirienne (API).
Vers la professionnalisation de l’activité piscicole avec l’appui de la FAO
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), à travers son programme FISH4ACP veut amener les acteurs de la filière piscicole à se professionnaliser et surtout à tirer un meilleur profit de leur activité. L’organisation a initié un séminaire de formation d’une trentaine de pisciculteurs en fin d’année 2023.
Durant 5 jours, les participants ont renforcé leurs connaissances à la fois techniques mais aussi économiques de la pratique de la pisciculture commerciale qui vise à maximiser les profits indépendamment de la taille de la ferme piscicole et le type d’élevage. Ils ont été spécifiquement outillés aux principes techniques de base de l’aquaculture, à la gestion des fermes comme des entreprises, au développement du sens des affaires et de plan d’affaires pour leur activité grâce à l’outil convivial d’aide à la prise de décision sur les investissements en aquaculture (Utida) développé par la FAO.
Pour Djédjé Pascale Epouse Anoh, gérante de la ferme piscicole pilote FISH4ACP de Gagnoa, cette session est d’une grande utilité au défi de l’atteinte de la sécurité alimentaire en Côte d’Ivoire en 2030, elle milite pour davantage de formations continues des pisciculteurs et la création de coopérative au niveau régional.
La production annuelle a doublé grâce au projet sous-régional Progeval
Le projet de valorisation des ressources génétiques animales et aquacoles locales dans l’espace UEMOA (Progeval) a été lancé en 2014 dans le but premier de renforcer la compétitivité et la productivité des chaines de valeur bétail-viande, aviculture traditionnelle et l’aquaculture/pisciculture dans les pays membres de l’Union. Le projet est mis en œuvre par CORAF, avec la coordination régionale du Centre international de recherche et de développement sur l’élevage en zone subhumide (CIRDES) basé au Burkina Faso. En Côte d’Ivoire, le projet est exécuté par le Centre national de recherche agronomique (CNRA) peut-on lire sur le site web de CORAF.
Jusqu’à présent, la production annuelle a doublé et, dans certains cas, triplé au point où la plupart des agriculteurs donnent maintenant la priorité à la pisciculture par rapport à d’autres cultures comme le cacao, l’hévéa et la noix de cajou. Dotés de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences et de terres appropriées (bas-fonds), bon nombre d’entre eux entrevoient maintenant de nouvelles perspectives de rentabilité à l’horizon.
L’offre ne répond pas à la demande
La Côte d’Ivoire a besoin d’environ 400.000 tonnes de poisson par an pour répondre à la demande. Mais actuellement, la production est estimée à près de 70.000 tonnes par an. Cela représente près de 80% de l’écart à combler. Dans l’ensemble, l’écart est comblé en grande partie par du poisson importé de Chine.
La demande est très forte, tout le monde a besoin de poisson, mais malheureusement, nous ne pouvons pas produire assez pour satisfaire la demande,
affirme un producteur.
La plate-forme d’innovation qui fait la différence
Les pisciculteurs de Soubré, située à environ 400 kilomètres de la capitale économique de la Côte d’Ivoire, Abidjan et d’autres acteurs de la chaîne de valeur se sont réunis depuis 2016 dans un arrangement qui leur permet d’apprendre de nouvelles pratiques des chercheurs, d’échanger sur leurs défis et de rechercher collectivement des solutions. Cette approche de diffusion des technologies est connue sous le nom de plateformes d’innovation.
À Soubré, les différents maillons de la plateforme sont des pisciculteurs, des vendeuses (mareyeuses), des chercheurs, des représentants du gouvernement, du secteur privé et d’autres acteurs critiques qui se réunissent souvent pour examiner et aborder tous les aspects liés au secteur piscicole dans la zone d’exploitation.
Il y a environ un an, nous n’étions pas organisés. Mais depuis que nous nous sommes réunis, nous avons remarqué que le secteur est rentable,
a expliqué Bayala Odette, l’une des premières piscicultrices de Soubré et présidente des pisciculteurs de la localité.
Lorsque nous avons commencé le projet, nous avons remarqué que la plupart des pratiques étaient artisanales. Nous les avons formés à de nouvelles méthodes. Et nous avons vu des résultats encourageants, et maintenant beaucoup commencent à considérer cela comme une entreprise,
dit le Dr Khady Diop, le coordinateur du projet basé au CORAF à Dakar.
Poly Élevage, un joyau de l’aquaculture moderne ivoirienne
Poly Élevage est une entreprise de promotion de la pisciculture. Ses activités consistent en la production d’alevins, de larves et de mouches, compléments alimentaires des poissons. L’entreprise portée par le jeune Augustin Millan offre également des formations dans le domaine de l’aquaculture. Grâce à la pisciculture, Augustin Millan génère un chiffre d’affaires de 330494,20 USD (200 millions de FCFA) véritable modèle pour la jeunesse africaine.
Ma ferme est en travaux pour atteindre les objectifs que je me suis fixés. Je vais, peut-être, légèrement dépasser et être autour de 130 000 voire 150 000 alevins par cycle de 45 jours,
ambitionne-t-il.
Les difficultés que nous rencontrons dans ce secteur sont celles liées aux intrants. L’intrant au niveau de l’aliment est une difficulté à notre niveau. Pour pouvoir faire l’écloserie, il faut avoir l’aliment de qualité. Il y a certains matériels qui ne sont pas disponibles en Côte d’Ivoire, il faut forcément les importer depuis la Chine et d’autres pays de l’extérieur jusqu’en Côte d’Ivoire. L’autre difficulté, c’est au niveau du personnel. En effet, il n’y a pas de personnes ressources en qualité et en quantité pour que nous puissions les employer dans nos fermes. Ce sont des stagiaires que nous recrutons et que nous essayons de former pour faire le travail.
Le secteur aquacole ivoirien reste confronté à certaines faiblesses qui jusqu’à présent ont limité son impulsion. Toutefois, la Cote d’Ivoire dispose de plusieurs atouts et potentialités pour le développement de la filière. Il s’agit entre autre du potentiel hydrographique immense permettant de produire plus d’1 million de tonnes de poisson par an, le besoin d’optimisation de la chaine de valeur du secteur de l’aquaculture, les tendances de croissances de la consommation mondiale de produits halieutiques de 15% pour atteindre une moyenne de 21, 4 kg/habitant en 2030 et surtout, les exonérations fiscales et douanières accordées par le code des investissements aux entreprises de ce secteur selon une étude du cabinet à l’investissement Afrika Forward.