L’on s’achemine progressivement vers un vent nouveau à la tête de la Banque africaine de développement (BAD). Le mandat de Akinwumi Adesina à la tête de l’institution s’achève en 2025. Lors de son premier discours en tant que président de la BAD à Johannesburg, le Nigérian affirmait son désir de créer « une nouvelle Afrique dans laquelle les gens veulent venir, et non pas qu’ils veulent quitter ». Huit ans après, la migration à grande échelle des Africains vers l’Europe reste un enjeu politique et économique majeur.
« Tout d’abord, je ne suis pas opposé à l’immigration légale. Celle-ci doit se poursuivre, car c’est un marché du travail où les gens peuvent faire valoir leurs compétences, et c’est très bien ainsi. C’est la migration illégale forcée qui, selon moi, constitue un grand défi. Les gens oublient que 85 % de la migration des jeunes en Afrique est interne et que les gens se déplacent d’un pays à l’autre. Mais les médias ont tendance à exagérer l’importance de ce phénomène lorsque des personnes sombrent dans la Méditerranée. Mais le cœur de l’Afrique ne se vide pas dans la Méditerranée, voilà ce que je dis », déclare-t-il.
Promouvoir un climat favorable aux investissements
Cette situation témoigne de l’urgence de mettre en place de bonnes politiques ainsi qu’un environnement favorable à l’investissement. Pour lui, les gouvernements doivent injecter des fonds dans des secteurs clés afin de créer des richesses, moteur du développement. C’est sans doute pour chérir cette vision que Adesina a permis d’accroître le pool de capitaux dont dispose la Banque africaine de développement pour investir sur le continent au cours de ces huit années à la tête de la Banque.
À sa prise de fonction, il a fait passer le capital de la BAD à 201 milliards de dollars en 2019. Aujourd’hui, il s’élève à 318 milliards de dollars, selon les données récoltées auprès de l’institution financière. 50 milliards de dollars de ce capital ont été investis dans les infrastructures et des milliards supplémentaires ont été consacrés à l’agriculture, domaine de formation du président Adesina. Ainsi, ce dernier énumère ce qu’il considère comme les principales réalisations de la Banque.
« L’Éthiopie est autosuffisante en blé en moins de quatre ans. Nous mettons en place des zones de transformation agro-industrielle et des infrastructures qui permettront l’émergence de chaînes de valeur, pour un montant de 1,7 milliard de dollars. Le Bénin avait l’habitude d’exporter de la fibre de coton. Depuis que nous avons créé des zones de transformation agro-industrielle il y a deux ans, 100 % de leurs fibres sont transformées en textiles d’habillement. Tout leur argent allait au Viêt Nam ! », explique-t-il.
Toutefois, Adesina admet que les investissements en capital n’atteignent pas toujours les populations défavorisées, vivant dans les zones rurales. Macrotrends estime que plus de 698 millions de personnes en Afrique subsaharienne vivent dans des zones rurales, soit environ 57 % de la population. « Une grande partie des capitaux investis en Afrique dans les infrastructures va dans les zones urbaines, alors que la majeure partie de la population vit dans les zones reculées. Si l’on veut vraiment sortir un grand nombre de personnes de la pauvreté, il faut transformer ces économies rurales, car, à vrai dire, elles ne sont rien d’autre que des zones de misère économique », déplore-t-il.
La prime de risque injuste de l’Afrique
Aujourd’hui, le potentiel de l’Afrique est limité par une pénurie de capitaux à long terme, moins chers, dits « concessionnels ». Une situation causée par le coût trop élevé du capital en Afrique, en raison d’une « prime de risque » obsolète appliquée par les investisseurs extérieurs et les agences de notation de crédit.
« Le financement concessionnel a chuté en Afrique. En 2010, l’exposition à la dette des pays africains était d’environ 52 % de financement concessionnel. Aujourd’hui, elle n’est plus que de 25 %. En raison de cette baisse, de nombreux pays se tournent vers les marchés des capitaux, des prêteurs privés et des prêteurs commerciaux… Lorsque vous avez beaucoup de créanciers commerciaux, c’est différent, vous devez agir de manière plus intelligente », explique le président. « Ce que je demande, c’est la transparence, c’est la responsabilité… Nous voulons que les économies se développent de manière durable sans accumuler des dettes insensées », poursuit-il.
Rendu à la fin de son mandat à la tête de la Banque africaine de développement, Adesina souhaite léguer à la postérité une agence de notation africaine, dirigée depuis le continent. Les pays actionnaires de la Banque ont mandaté l’institution pour examiner les moyens d’y parvenir. « Il ne s’agit pas de rivaliser avec les agences de notation. Mais de pouvoir évaluer correctement les risques, de pouvoir comparer les méthodologies et de pouvoir donner une évaluation juste. Certains pensent qu’il s’agit d’une question politique. Ce n’est absolument pas le cas. C’est absurde », peut-on lire sur le site de la BAD.
Le prochain président de la Banque africaine de développement aura donc la charge de mener à terme ce dossier. Akinwumi Adesina achève son mandat alors que de nombreux pays africains sont toujours aux prises avec une dette croissante, une dépréciation de leur monnaie, une inflation élevée… La contribution de l’institution financière africaine au développement économique durable est d’autant plus importante. Le président actuel a exercé un lobbying intense pour que les droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (FMI) soient canalisés vers la Banque africaine de développement afin d’accroître la puissance de feu du continent et d’accélérer le développement.