En Afrique, l’artisanat est un secteur d’activité florissant et créatif. Lorsqu’un dirigeant africain reçoit un hôte, il est presque impossible de se séparer de ce dernier sans lui remettre un objet, produit de l’industrie artisanale locale. Cette tradition révèle déjà l’importance de ce secteur. Selon le journal le Monde, l’artisanat est le deuxième employeur du continent après l’agriculture. Cela s’est encore vérifié par exemple lors du dernier du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou au Burkina Faso, en novembre 2023. Producteurs, acheteurs, revendeurs, tous se sont pressés pour acheter, vendre ou commander les dernières nouveautés en matière de vêtements, de meubles, de jouets, de bijoux ou d’accessoires.
Des produits qui s’exportent vers les marchés occidentaux avec certaines difficultés mais qui pourraient également trouver des parts de marchés de plus en plus importantes sur le continent. Dans le but de valoriser ses produits artisanaux, le Cameroun, invité d’honneur de la 17e édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (Siao) -qui s’ouvrira dans la capitale burkinabé le 25 octobre 2024-, organise en ce moment à Yaoundé, la 8ème édition du Salon international de l’artisanat du Cameroun (Siarc)
Le digital au cœur du Salon international de l’artisanat du Cameroun
Porté par le ministère des Petites et Moyennes entreprises, de l’Economie sociale et de l’Artisanat du Cameroun (Minpmeesa), le Siarc se déroule du 22 au 31 juillet 2024 au Musée National. Ce salon est placé sous le thème : « le numérique comme facteur de développement durable de l’Artisanat et d’inclusion globale des artisans ».
A travers cet évènement, les artisans sont sensibilisés sur les opportunités offertes par le numérique pour développer leurs activités et accéder à de nouveaux marchés, aussi bien au niveau national qu’international. Au programme, des conférences et des ateliers pour former les artisans à l’utilisation des outils digitaux pour la promotion, la commercialisation et la gestion de leurs entreprises.
La transformation digitale du Cameroun constitue un axe capital de la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30), avec la modernisation du secteur de l’artisanat via les TIC. Elle promet de stimuler l’innovation, de générer des gains d’efficience, d’améliorer les services et, partant, de favoriser une croissance plus inclusive et plus durable, avec des effets bénéfiques sur le bien-être,
indique le ministre des Petites et Moyennes entreprises, de l’Economie sociale et de l’Artisanat du Cameroun, Achille Bassilekin III.
Au-delà de la dimension numérique, le Siarc 2024 est l’occasion de promouvoir et de commercialiser les produits artisanaux camerounais auprès d’un large public. En effet, le rendez-vous biennal de promotion et de commercialisation des produits de l’artisanat a pour objectif de permettre aux acteurs du secteur de l’artisanat de présenter, de promouvoir et de vendre directement leurs produits et leur savoir-faire à des amateurs et férus de l’artisanat dans un cadre approprié, afin de leur permettre de réaliser des bénéfices et de nouer des partenariats.
Dans le pays, les efforts pour moderniser les infrastructures artisanales sont déjà visibles, avec l’établissement de villages artisanaux régionaux et spécialisés comme ceux de Foumban pour la valorisation du patrimoine Bamoun, et de Mbalmayo pour la transformation du bambou et du rotin. En plus, le gouvernement a également lancé des initiatives telles que des formations en informatique pour les artisans, des plateformes numériques pour la vente en ligne des produits artisanaux et la mise en place de cartes biométriques professionnelles permettant de faciliter l’accès au crédit et à la sécurité sociale.
Ces efforts visent à renforcer la compétitivité des artisans camerounais sur le marché mondial, tout en préservant et valorisant les traditions artisanales. L’événement incontournable pour les acteurs du secteur de l’artisanat de la Cémac a pour vocation de réunir 800 artisans venus des dix régions du Cameroun ainsi que d’une vingtaine de pays africains, avec comme pays invité d’honneur la Tunisie.
La Tunisie vise 160,9 millions USD de recettes d’exportation de l’artisanat en 2026
Parlant de la Tunisie, le secteur de l’artisanat représente bien plus qu’une simple activité économique. C’est un symbole de l’identité et de l’authenticité du pays, ainsi qu’un moteur de développement régional et national. Selon des données communiquées par le ministère du Tourisme et de l’Artisanat, le secteur de l’artisanat est un secteur vital et prometteur en raison des bons résultats qui ont été réalisés.
L’objectif pour le pays est d’atteindre 160,9 millions USD (97, 38 milliards de FCFA / 500 millions de dinars) de recettes d’exportation des industries artisanales au cours de l’année 2026, contre 48,9 millions USD (29,6 milliards de FCFA / 152 millions de dinars) l’année dernière.
Selon le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Moez Belhassine, les recettes d’exportation des produits artisanaux ont atteint plus de 112,6 millions USD en 2022 (soit 68, 17 milliards de FCFA / 350 millions de dinars). Le secteur contribue à hauteur de 5% du produit intérieur brut (PIB) et emploie environ 350 000 personnes à travers le pays. Chaque année, il génère également 6 000 nouveaux postes d’emploi, offrant ainsi des opportunités essentielles aux artisans talentueux et aux jeunes entrepreneurs. Rappelons qu’un conseil ministériel a été tenu en mars dernier, visant à soutenir les artisans et à promouvoir les entreprises citoyennes. Il a été question notamment de soutenir l’exportation dans le secteur des industries artisanales, en encourageant les incitations et en simplifiant les procédures via le projet « Easy Export ».
Le projet « Easy Export » pour conquérir de nouveaux marchés internationaux
Ce programme vise à faciliter l’exportation des produits de l’artisanat en utilisant le réseau de la poste tunisienne. Cette démarche pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour les artisans tunisiens, leur permettant de conquérir de nouveaux marchés internationaux et d’accroître leur visibilité à l’échelle mondiale. Les artisans tunisiens sont connus pour leur habileté dans une variété de métiers, allant de la poterie à la tapisserie en passant par la bijouterie, la broderie et la vannerie. Pour soutenir les artisans locaux, le gouvernement tunisien a lancé plusieurs initiatives. On note la création des centres de formation pour les artisans, la mise en place des marchés locaux pour promouvoir les produits artisanaux locaux ainsi que les coopératives d’artisans.
L’artisanat contribue à hauteur de 7% du PIB marocain
La richesse culturelle du Maroc passe nécessairement par son artisanat traditionnel. Tapis marocains, céramique et poterie, fer forgé, marqueterie et Thuya, plâtre et zellige ou encore tannerie, cuir et maroquinerie sont là quelques objets issus de l’artisanat marocain dont la demande est en croissance. Au Maroc, l’artisanat se veut en effet un pilier essentiel de la préservation du patrimoine matériel et immatériel du royaume.
Parallèlement à l’importance du secteur de l’artisanat en tant que source de création d’activités génératrices de revenus et de promotion de l’intégration sur le marché du travail, la richesse et la diversité de nos métiers d’art contribuent puissamment à valoriser l’image du Royaume à l’échelle mondiale,
indique le chef de gouvernement, Aziz Akhannouch. Selon les données, 10 % des recettes touristiques marocaines en devises proviennent des achats de produits de l’artisanat. De même, le secteur contribue à hauteur de 7% du produit intérieur brut et emploie environ 20% de la population active.
Je tiens à saluer les performances exceptionnelles des exportations du secteur, ayant dépassé pour la première fois dans leur histoire le seuil du milliard de dirhams en 2022 et 2023, avec un taux de croissance estimé à 7 %,
affirmait le chef de gouvernement. Ces résultats sont le fruit de nombreuses mesures gouvernementales. Deux axes stratégiques majeurs sont définis au Maroc, notamment la restructuration du secteur et l’amélioration de la compétitivité des artisans traditionnels. « Le nombre d’artisans enregistrés dans ce registre a atteint 389.000 artisans ». Pour ce qui est de la généralisation de la protection sociale, plus de 641.000 artisans ont été enregistrés au sein de la Caisse nationale de sécurité sociale pour bénéficier de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), ce qui contribuera grandement à l’amélioration de la situation sanitaire et sociale de tous les acteurs du secteur.
40% du tissu économique de la Côte d’Ivoire
La 5e édition du Marché ivoirien de l’artisanat (Miva) s’est tenue en novembre 2023 à Abidjan, sous le thème « l’Artisanat, moyen d’inclusion sociale et de développement durable ». Un thème qui traduit l’importance et l’impact positif de l’Artisanat sur l’économie des pays en général et celle de la Côte d’Ivoire en particulier, selon le ministre ivoirien du Commerce et de l’Industrie, Souleymane Diarrassouba.
A en croire le ministre, le secteur de l’artisanat représente plus de 40% du tissu économique de la Côte d’Ivoire pour une contribution de 12% au PIB ivoirien. Ce secteur offre également une opportunité d’inclusion sociale, surtout pour les personnes handicapées, et dans les milieux les plus défavorisés, car faisant appel très souvent à l’esprit de créativité et d’ingéniosité. Le Miva, à travers des panels et ateliers, vise à mettre en exergue la pertinence du renforcement de la production artisanale en vue de promouvoir l’emploi et le développement parmi les populations les plus marginalisées, en particulier les jeunes et les femmes les plus pauvres.
En Côte d’Ivoire, le secteur de l’artisanat regroupe les métiers de la production, de l’extraction, du bâtiment, de l’automobile, de l’alimentation, tous les métiers de proximité (coiffeur, fleuriste, pressing…) et bien d’autres (traitement des métaux, sérigraphie, imprimerie, laboratoire photographique, récupérateur de matière recyclable…).
Bijoux africains « made in China »
Depuis quelques années, les périphéries urbaines du Cap, en Afrique du Sud, voient s’implanter des grandes surfaces chinoises. On y vend de l’électronique, des perles brutes qu’utilisent les Sud-africaines pour confectionner leurs bijoux, mais aussi des bijoux traditionnels sud-africains et kényans plastifiés. A première vue, ces bijoux africains « made in China » sont très ressemblants, mais au toucher, ils sont beaucoup plus légers et fragiles que ceux fabriqués par les artisans locaux, selon le journal le Monde.
Une situation alarmante qui nécessite des réponses efficaces, afin de préserver toute la valeur du secteur de l’artisanat en Afrique. En Egypte par exemple, La plupart des productions artisanales locales, bien que d’excellente qualité, ne peuvent pas résister aux prix cassés des œuvres importées. De nombreux artisans ont fermé boutique. C’est pourquoi le ministère de l’Industrie et du Commerce a interdit depuis 2015 l’importation des contrefaçons égyptiennes. Le ministère de l’Industrie et du Commerce a en effet pris la décision d’interdire l’importation des produits chinois, notamment ceux qui contrefont l’artisanat traditionnel égyptien. Une décision qui tente de protéger des savoir-faire traditionnels tombant dans l’oubli.
Cette décision a été longtemps attendue. Notre art est menacé par les produits importés, surtout ceux provenant de Chine,
affirme Hag Nader, un artisan travaillant le cuivre. Le secteur de l’artisanat représente pour les pays Africains un fort potentiel d’identité, de développement, de création de revenus, d’emplois et de lutte contre la pauvreté. Aujourd’hui, tandis que les experts recommandent la création d’un établissement de crédit dédié au secteur sur le continent, les Etats africains sont vivement engagés dans des processus de restitution d’objets d’art pillés et ennoyés à l’occident par le passé, estimés à des milliards de dollars.