Le marché aérien africain, bien qu’il ne représente actuellement que 2,1 % du trafic mondial, affiche une croissance rapide. Selon l’IATA, le trafic passager sur le continent pourrait augmenter de 5,7 % par an jusqu’en 2034, doublant ainsi les flux actuels d’ici 2040. Boeing estime que 1 180 nouveaux avions seront nécessaires en Afrique d’ici 2042 pour répondre à cette demande. Cette croissance représente une opportunité unique pour l’Afrique de se positionner comme un acteur incontournable dans la production de SAF. Un levier incontournable pour atteindre la neutralité carbone.
Avec l’objectif ambitieux de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) d’atteindre « zéro émission nette » d’ici 2050, le SAF s’impose comme une alternative majeure au kérosène fossile, réduisant jusqu’à 80 % les émissions de CO2. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), il faudra 450 milliards de litres de SAF par an pour atteindre cet objectif, un défi colossal nécessitant des investissements annuels estimés à 174 milliards de dollars. En Afrique, l’utilisation actuelle du SAF est quasi-nulle malgré des initiatives récentes. En 2023, seulement 0,17 % des besoins mondiaux en carburant d’aviation étaient couverts par le SAF, soit environ 600 millions de litres produits. Toutefois, les opportunités d’investissement et le potentiel de production sur le continent suscitent un intérêt croissant.
Le Zimbabwe, acteur prometteur
Le Zimbabwe ambitionne de devenir un fournisseur clé de SAF en Afrique, grâce à ses vastes ressources agricoles, notamment les huiles végétales (soja, palme) et la canne à sucre. Selon Nonkosi Ncube, directrice générale de l’Autorité de l’aviation civile du Zimbabwe (CAAZ), une étude nationale est en cours pour évaluer le potentiel commercial du pays dans ce secteur.
Cette étude marque une étape cruciale dans notre cheminement vers une aviation durable. Nous cherchons à évaluer le marché du SAF, à élaborer une analyse de rentabilisation et à identifier les cadres réglementaires pour son développement,
a-t-elle déclaré.
Le gouvernement prévoit une augmentation de la production de canne à sucre, qui atteindra 3,5 millions de tonnes métriques en 2023-2024, fournissant ainsi des matières premières essentielles à la fabrication de SAF.
L’Afrique du Sud, un pionnier potentiel
L’Afrique du Sud, forte de son expérience dans la production de carburants synthétiques et de son infrastructure industrielle existante, est considérée comme un futur leader régional. Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), le pays pourrait produire entre 3,2 et 4,5 milliards de litres de SAF par an. Ce potentiel repose sur des matières premières abondantes, telles que la biomasse et les sous-produits de la canne à sucre. Marie Owens Thomsen, économiste en chef de l’IATA, souligne l’importance de cette opportunité :
L’Afrique du Sud peut devenir un producteur majeur de SAF, non seulement pour répondre à la demande locale, mais aussi pour exporter. Cela permettrait de créer des emplois, de réduire la pauvreté et d’assurer une plus grande indépendance énergétique.
Défis et perspectives pour l’Afrique
Bien que l’Afrique dispose de ressources abondantes, plusieurs obstacles freinent le développement du SAF sur le continent. Le coût élevé de production reste un défi majeur. Yvonne Makolo, présidente de l’IATA, rappelle que le SAF, bien que crucial pour atteindre la neutralité carbone, représente une charge financière importante pour les compagnies aériennes africaines, déjà confrontées à des coûts élevés pour le carburant conventionnel.
De plus, la production de SAF doit être planifiée avec soin pour éviter les risques environnementaux et sociaux. Selon le WWF, l’expansion de cette industrie pourrait empiéter sur les terres agricoles destinées aux cultures vivrières ou entraîner une dégradation des ressources en eau et des forêts. Malgré ces défis, plusieurs pays africains et compagnies aériennes ont déjà amorcé leur transition vers le SAF. En 2023, Royal Air Maroc et Kenya Airways ont réalisé leurs premiers vols avec du SAF. Ethiopian Airlines, de son côté, prévoit d’intégrer des appareils adaptés à ce carburant dans sa flotte. Les efforts des entreprises privées et des gouvernements pour attirer des investissements dans le secteur sont également encourageants. Par exemple, des entreprises comme Sasol (Afrique du Sud) et Eni (Italie) développent des projets de SAF en Afrique.
Alors que l’OACI et l’IATA mettent la pression pour une transition mondiale vers le SAF, l’Afrique se trouve à un carrefour stratégique. Avec ses vastes ressources naturelles, son potentiel agricole et sa croissance économique, le continent est bien placé pour devenir un acteur majeur dans ce secteur.