Inscrit en 2019 sur la liste des produits pouvant bénéficier d’une Indication Géographique (IG), le cacao rouge du Cameroun a déjà franchi plusieurs étapes en vue de sa labellisation par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI). « Nous sommes en phase d’obtenir une indication géographique du cacao rouge du Cameroun, qui sera remis très bientôt par l’OAPI », indiquait l’expert en cacao, Simon Bassanaga, lors de l’inauguration d’une usine de transformation du cacao à Okoa Maria par Mbankomo, dans la région Centre-Cameroun, le 15 janvier 2025.
En effet, le cacao du Cameroun est particulièrement recherché par les grands négociants mondiaux pour ses caractéristiques particulières, à savoir : la couleur rouge brique de ses fèves, très prisée des chocolatiers pour effectuer des mélanges des textures ; ses arômes particuliers pour relever le goût du chocolat ; la grosseur de ses fèves, qui permet d’obtenir un pourcentage élevé de beurre ; un grainage stable et fort, qui produit jusqu’à 100 grammes de cacao pour 100 fèves, tandis qu’ailleurs, il en faut jusqu’à 120 pour 100 grammes.
En outre, la couleur rouge brique du cacao camerounais est très prisée par les chocolatiers en raison de son taux élevé de polyphénols (antioxydants). « Le Cameroun est l’un des rares pays, sinon le seul qui produit la couleur rouge issue de la poudre de ses fèves ; c’est du jamais vu », selon l’expert en cacao, Simon Bassanaga. C’est pourquoi l’OAPI, en lien avec les autorités camerounaises, a identifié et priorisé le cacao rouge comme l’un des produits potentiels au Cameroun pour un enregistrement en indication géographique protégée. A noter que l’IGP permet en effet au pays de valoriser à l’échelle internationale des produits qui lui sont spécifiques. Le consommateur, au travers de l’IGP, a l’assurance non seulement de la provenance du produit, de sa qualité, mais également que ses caractéristiques essentielles sont liées à son lieu d’origine.
La date exacte pas encore fixée
Lors du colloque international sur le développement des indications géographiques en Afrique tenu du 17 au 19 avril 2024 à Douala, la capitale économique du Cameroun, le chef du service des indications géographiques, des dessins et modèles et autres signes distinctifs à l’OAPI, Michel Gonomy affirmait qu’une étude scientifique a démontré que certaines régions du Cameroun, notamment le Centre, le Sud, le Sud-Ouest et l’Est, présentent des facteurs caractéristiques qui confèrent au cacao une coloration « beaucoup plus rouge », caractéristiques inexistantes dans la région du Nord.
C’est fort de cette spécificité et de la réputation de son cacao rouge que le Cameroun a engagé ce processus afin d’en tirer pleinement profit. Sur le plan scientifique, il s’est avéré nécessaire de pousser l’analyse plus loin en déterminant le seuil de coloration du cacao rouge pour répondre aux exigences du marché.
C’est pour cette raison que le Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC) a demandé une analyse complémentaire en laboratoire et l’acquisition d’un instrument permettant de définir précisément ce seuil de coloration. Ces deux éléments sont en cours de réalisation », explique le chef du service des indications géographiques, des dessins et modèles et autres signes distinctifs à l’OAPI. Si cette analyse se révèle concluante, révèle-t-on à l’OAPI, cela pourrait ouvrir la voie à la labellisation du cacao rouge du Cameroun. La date exacte n’est pas fixée, mais l’OAPI estime qu’une démarche normale vers l’indication géographique est complexe et prend en moyenne entre 5 et 7 ans. A préciser que le processus de labellisation de ce produit est rendu à sa sixième année.
Reconnaissance et protection juridique institutionnelle
L’objectif, selon les informations reçues, est de « protéger ce cacao tout en lui conférant une reconnaissance et une protection juridique institutionnelle ». À travers cette dualité juridique et économique, expliquent les experts de l’OAPI, l’Indication géographique permettra de positionner le cacao rouge du Cameroun sur un segment de marché haut de gamme, et d’en augmenter le prix.
Cette valorisation résulte de l’instauration d’une prime de qualité par l’État du Cameroun, destinée à répondre aux normes et aux exigences de qualité du marché international pour le cacao exporté. Selon l’OAPI, la dernière convention signée en 2020 entre le club des chocolatiers engagés et les producteurs de cacao du Cameroun a permis d’augmenter le prix du kilogramme de cacao de 2,6 USD (1 640 Fcfa) à plus de 6,71 USD (4 225 Fcfa) en 2024, établissant ainsi un record mondial pour le prix de la fève. Cette hausse est en partie due à une baisse de production prévue chez les deux principaux producteurs mondiaux, notamment la Côte d’Ivoire et le Ghana.
D’après Simon Bassanaga, « le Cameroun a les meilleurs prix bords champs sur la planète terre. Il faut faire des efforts pour les maintenir et le ministre du Commerce a mis à la disposition de la filière des constructions des centres de traitement post-récoltes du cacao dans tous les bassins du Cameroun dont les premiers seront inaugurés dans les prochains mois. Derrière ce projet se trouve l’ambition pour le pays d’instaurer un référentiel et un label Cameroun, précise l’expert en cacao. « Nous avons mis un référentiel des terroirs du Cameroun pour développer une carte gustative des cacao d’origine Cameroun, afin que les cacaos du camerounais se vendent en fonction de l’origine et du terroir pour que nous ne soyons plus soumis au diktat de la bourse ».
A travers ce système, les chocolatiers passent leur commande, et en fonction de la qualité souhaitée, ils sont orientés vers les régions ou bassins de production qui peuvent alimenter leurs désirs.
Cela permettra d’améliorer la capacité, la visibilité du cacao camerounais. Pour l’instant, une douzaine de chercheurs est déjà mis sur le travail. Ils sont sur le terrain pour identifier toutes les conditions pédoclimatiques, variétales, etc. Cette commission travaille en étroite collaboration avec le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, à travers le parc cacao dont les terroirs seront rapidement détectés, et une carte gustative sera mise en place le plus tôt possible,
ajoute, notre expert.
Bientôt une usine française pour transformer le cacao rouge à Obala
D’un coût d’environ 1,5 million de dollars Us (1 milliard de FCFA), « Chocolat rouge », la chocolaterie dont le Français Olivier Bordais a posé la première pierre dans la localité d’Obala, le 31 mai 2024, devrait ouvrir ses portes au cours de l’année 2025. C’est du moins ce que révèle le site d’information français letelegramme.fr, rapportant la visite du ministre camerounais du Commerce, le 9 novembre 2024 à la chocolaterie de Saint-Thonan, en marge du Salon international du chocolat de Vannes en France.
Accompagné de l’ambassadeur du Cameroun en France, le ministre Luc Magloire Mbarga Atangana est allé toucher du doigt l’expertise de cette chocolaterie, dont le promoteur entend bientôt produire un « chocolat haut de gamme Made in Cameroon » à Obala (un important bassin de production de fèves de cacao, situé non loin de la capitale camerounaise). Selon le membre du gouvernement, « Chocolat Rouge saura tirer pleinement avantage du modèle de circuit court et durable, en fédérant tous les acteurs de la filière dans une approche de soutenabilité sociale, fondée sur le principe de la profitabilité partagée ».
Au Cameroun, le cacao représente 30% des exportations non pétrolières et fait vivre plus de 2 millions de planteurs. Premier partenaire commercial du pays, l’Union européenne est le principal marché d’exportation du cacao camerounais, avec plus de 70% d’importation uniquement par les Pays-Bas.