Le constat est clair. Les maladies et les organismes nuisibles tels que la chenille légionnaire d’automne sont la cause de pertes de production agricole massive. À en croire la FAO, ces pertes pourraient représenter jusqu’à 40% de la production mondiale. Toute chose qui prive des millions de personnes d’une alimentation suffisante et contribue par ricochet à la persistance de l’insécurité alimentaire sur la planète.
L’Afrique centrale n’étant pas en reste, la sous région est l’une des zones le plus en proie à l’insécurité alimentaire, car une grande majorité de sa production céréalières (maïs, riz, mil, sorgho) est attaquée chaque année par cette grande ravageuse.
Au Cameroun par exemple, au mois de janvier 2023, près de 4 500 hectares de Sorgho ont été dévastés par la chenille légionnaire d’automne dans la région de l’Extrême-Nord, selon le trihebdomadaire régional L’œil du Sahel. Des attaques qui creusent le déficit céréalier d’année en année. En effet, en octobre 2022, lors du lancement officiel de la campagne agricole dans la partie septentrionale du Cameroun, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Gabriel Mbairobé, indiquait par exemple que ce déficit dans la région de l’Extrême-Nord a culminé en 2021 à 74 560 tonnes, contre seulement 15 560 tonnes en 2020.
Ce qui révèle une hausse du déficit de 58 919 tonnes en glissement annuel, soit 378% en valeur relative.
Grande destructrice des céréales avec une préférence pour le maïs, la chenille légionnaire ne s’attaque pas uniquement à la partie septentrionale du Cameroun. En 2018, par exemple, selon le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, elles ont été signalées dans sept régions sur les 10 que compte ce pays d’Afrique centrale. « Mettant en danger 75% de la production céréalière », avaient indiqué les autorités publiques.
Toutefois, ce tableau aussi sombre qu’il soit ne doit pas occulter les efforts entrepris par le Cameroun et la FAO pour lutter contre ce fléau. Grâce à l’appui technique et financier de la FAO (on se souvient encore des 450 000 dollars octroyés au Cameroun le 28 février 2018 dans le cadre de cette bataille), plusieurs activités ont été menées. Il s’agit, à en croire le représentant résident de l’institution onusienne, Athman Mravil de l’identification, la sensibilisation et l’information de 1800 producteurs et encadreurs ; la formation et le renforcement des capacités de 120 agents du ministère en charge de l’agriculture ; l’identification, la prévention et l’alerte précoce des ravageurs ; la formation de 360 agents, des leaders paysans, des organisations des producteurs ; etc.
Pour sa part, concernant la mise en œuvre des activités de démonstration et de recherche, Gabriel Mbairobé a indiqué que quatre lettres d’accord ont été signées entre la FAO-Cameroun et certains partenaires tels que le ministère en charge de l’Agriculture, l’Université de Douala, l’Institut de Recherche agricole (Irad) et l’Institut international d’Agriculture tropicale (Ita).
Quant aux activités de vulgarisation, toujours d’après le membre du gouvernement, des journées portes-ouvertes ont été organisées dans deux zones agro-écologiques méridionales du Cameroun notamment, la zone forestière à pluviométrie bimodale et la zone des haut-plateaux de l’Ouest. Bien plus, pour ne citer que ces cas, des activités d’évaluation, de démonstration des technologies et de formation sur le suivi et la gestion de la chenille légionnaire d’automne ont été menées au Cameroun en tant que pays de démonstration pour servir de référence aux pays pilotes.
Partage d’expérience
Fort de la mise en œuvre de ces différentes activités, le Cameroun a engrangé un certain nombre de connaissances et d’expériences. Lesquelles se doivent d’être partagées et vulgarisées. D’où l’atelier de partage de connaissances et d’expériences entre ce pays de démonstration (le Cameroun) et les pays pilotes de la zone Afrique centrale (Congo, RDC, RCA, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad Sao-Tomé et Principe) dont la cérémonie officielle d’ouverture s’est déroulée à Yaoundé le 29 mai 2023.
Organisée par la Fao-Cameroun en collaboration avec le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), l’atelier de trois jours vise donc à assurer le partage d’expérience et de connaissance du Cameroun avec les pays pilotes afin d’établir une meilleure coordination entre le pays de démonstration et les autres. La méthode utilisée consiste en des présentations et des échanges en salle et des visites de terrain (laboratoires et champs de maïs).
En outre, l’atelier de Yaoundé se veut être un laboratoire de réflexion avec pour objectif le renforcement des capacités des points focaux des pays d’Afrique centrale en matière de gestion de la chenille légionnaire d’automne. Sans oublier les leaders des groupements de producteurs, des chercheurs, des vulgarisateurs et des techniciens du monde rural.
L’objectif final des organisateurs de ce colloque étant d’empêcher la chenille légionnaire d’automne de menacer la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des millions de familles de petits exploitants agricoles en Afrique centrale.
Pour rappel, en 2019, la FAO a lancé l’action mondiale pour le contrôle de la chenille légionnaire d’automne (Ga-Faw) afin de réduire les pertes de production dues à cette chenille de 5 à 10%, les risques de propagation. Et d’établir un mécanisme de coordination aux niveaux, mondial, régional et national. La Ga-Faw est actuellement mise en œuvre de manière coordonnée en Afrique, au Proche-Orient et en Asie-Pacifique. Dans la zone géographique Afrique centrale, le Cameroun a été choisi comme pays de démonstration.