Selon des données officielles, le principal produit halieutique exporté par le Cameroun est la crevette. D’après la Fao, l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, ce pays d’Afrique centrale qui dispose d’un littoral de plus de 400 kilomètres a exporté 590 tonnes de crevettes vers les pays voisins, et 290 tonnes vers l’Asie en 2021.
La production annuelle quant à elle se situant autour 5300 tonnes (panaeus monodon ou gambas, panaeus notialis ou crevettes roses, parapenaeopsis ou crevette grise, etc).
Selon Athman Mravili, le représentant de la FAO au Cameroun, cette production annuelle est
10 fois plus que les quantités enregistrées dans les statistiques officielles du ministère des Pêches et des Industries animales. Une différence considérable qui peut s’expliquer par des lacunes dans la collecte des données et par la forte prévalence de la pêche illégale non déclarée, en raison de laquelle, les captures pêchées dans les eaux territoriales du Cameroun ne sont pas totalement enregistrées.
Dominée par les acteurs industriels qui assurent près de 80% des captures, tandis que les pécheurs artisanaux capturent les 20% restant, la filière crevette emploie près de 2000 personnes et le commerce du crustacé représente environ 85 millions USD (environ 52 milliards FCfa) par an.
Si l’on s’en tient aux données de Fish4Acp (une initiative pour maximiser les retombées économiques de la filière, pilotée par la Fao et financée par l’Union européenne et le ministère allemand de la coopération économique et du développement) qui confirment l’étude effectuée par l’Institut des sciences halieutiques de l’Université de Douala (Ish), la chaine de valeur de l’industrie des crevettes au Cameroun regroupe les activités de pêche, de transformation, de commerce de gros et de détail.
Elle est composée de 10 armateurs de pêche industrielle, environ 100 pécheurs artisanaux repartis dans 380 équipages, une trentaine de transformateurs artisans, une quarantaine de grossistes qui sont des poissonneries et environ 70 détaillants qui vendent sur les étals.
Quelques pistes de solutions
La pêche à la crevette au Cameroun présente un fort potentiel de croissance économique et d’avantages sociaux incontestables. Toutefois, estiment les experts, une refonte de la filière est nécessaire afin de mieux valoriser son potentiel. Plusieurs pistes de solutions ont donc été élaborées qui militent pour une filière camerounaise plus performante et durable.
Fish4Acp a par exemple élaboré en collaboration avec le gouvernement camerounais, un plan stratégique de développement de la filière qui envisage d’augmenter de 40% les ventes de crevettes sur les marchés à forte valeur ajoutée. Il s’agit d’une stratégie sur 10 ans qui entend, entre autres, aider les pêcheurs industriels et artisanaux à développer leurs activités, tout en travaillant avec les pouvoirs publics pour améliorer le cadre réglementaire.
Le développement de la filière passe aussi par l’appui des initiatives visant à améliorer la gestion des stocks et à réduire les prises accessoires, ceci dans le but d’accroitre la durabilité environnementale du secteur. Toujours selon la stratégie élaborée par Fish4Acp, la sécurité en mer et la démarcation des zones de pêche par rapport aux zones d’extraction pétrolière pourrait également participer à l’amélioration quantitative et qualitative des captures.
D’autres acteurs de la filière évoquent par ailleurs, la mise en place par le gouvernement et ses partenaires, des moyens financiers subséquents au profit des petits et des grands pécheurs, des transformateurs et des commerçants en gros et détails. Un accompagnement qui pourrait aussi passer par une incitation à investir dans ce secteur riche en opportunités que ce soit dans la capture, la vente, la transformation, l’élevage.
L’Etat doit mettre en œuvre des mesures concrètes visant à renforcer la durabilité de la pêche à la crevette grâce à un meilleur contrôle et à une gouvernance plus participative. Il doit réduire les coûts de revient aux producteurs (carburant, location d’engins, acquisition de glaces, etc), promouvoir les méthodes de capture, de transformation, de conservation compatibles avec la protection de l’environnement. Renforcer et moderniser la chaine de froid.
In fine, il est plus qu’urgent de mettre un accent particulier sur le respect des mesures d’hygiène afin de reconquérir des marchés à forte valeur ajoutée tel que celui de l’Union européenne (les exportations de crevettes vers l’UE étant suspendues depuis 2006) et mieux structurer le circuit de production.
Pour rappel, Fish4Acp est à l’initiative du programme qui travaille avec douze chaines de valeur de la pêche et de l’aquaculture d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique pour maximiser les retombées économiques et les avantages sociaux, tout en minimisant les effets préjudiciables sur les habitats naturels et la faune. Concernant la filière crevette au Cameroun, l’objectif est d’accroitre la productivité en promouvant une pêche durable et gérée de manière responsable, qui stimule la croissance économique et apporte des avantages sociaux à tous les acteurs de la chaine de valeur.
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