Le contexte actuel est favorable. Avec une croissance économique soutenue, ces dernières années et une courbe démographique en hausse, l’Afrique a vu émerger une nouvelle classe moyenne. D’après un rapport de la BAD et de l’OCDE publié en 2017, le continent compte désormais 350 millions d’individus appartenant à la classe moyenne.
Ce marché de consommateurs constitue une cible de choix pour les grandes enseignes internationales souhaitant investir dans l’industrie automobile africaine. Surtout que le faible taux de pénétration du marché automobile africain offre la possibilité aux grandes entreprises d’entamer des stratégies d’expansion sur le continent. Ceci passe par la délocalisation de leurs usines d’assemblage et de fabrication, comme on le remarque ces dernières années.
Aussi, les politiques publiques des États africains semblent désormais se tourner vers la création d’usines locales d’assemblage, ou à défaut, vers l’importation de véhicules de plus en plus neufs. Ainsi, l’agence Reuters indiquait par exemple, que le Kenya devait appliquer dès 2021, des mesures restrictives sur l’importation des voitures d’occasion. Ceci, afin de réduire et remplacer « progressivement, mais systématiquement », la part des véhicules de seconde main, au profit de nouveaux produits fabriqués ou assemblés localement.
Une course des grandes marques étrangères vers l’eldorado africain ?
Comme pour les années précédentes, l’année 2018 a été marquée par une panoplie de projets d’investissements des grandes enseignes internationales. Ainsi, en juillet, le japonais Isuzu Motors annonçait la création d’une usine d’assemblage de véhicules en Éthiopie, prévue pour être opérationnelle au cours des deux années suivantes. Hyundai venait aussi d’augmenter la capacité de production automobile du pays à 10 000 véhicules par an. Au Rwanda, c’est le constructeur automobile allemand Volkswagen qui annonçait le déblocage de près de 20 millions $ pour créer une usine d’assemblage de 5000 véhicules chaque année. Quelques mois plus tard, il annoncera une usine d’assemblage au Ghana et l’expansion de ses activités au Nigeria.
Ces investissements ont permis de booster la production dans plusieurs pays du continent. Au Maroc, la production automobile est passée de seulement 50 000 véhicules en 2010, contre 335 000 en 2017. Et en 2020, le pays voulait atteindre une production de 650 000 véhicules par an. D’autres constructeurs comme Nissan, Ford ou Peugeot ont eux aussi annoncé de nouveaux investissements sur le continent.
En Afrique du Sud, principal pôle du secteur automobile africain, plusieurs groupes automobiles annonçaient qu’ils investiraient plus de 3 milliards $ au cours des cinq prochaines années. Ces annonces traduisent l’appétit croissant des grandes sociétés automobile mondiales pour le continent africain. « Certains constructeurs ont raté le marché chinois. Ils s’en mordent les doigts, et ils ne veulent pas rater le marché africain de demain », indiquait à cet effet Meissa Tall, expert automobile du cabinet Kurt Salmon cité par Slate Afrique.
La part des constructeurs africains
Les marques africaines, développées par des entrepreneurs du continent peinent toujours à faire face à la concurrence étrangère. Les coûts élevés de la fabrication des pièces, ou encore le manque de financement sont autant de raisons expliquant cette situation.
Cependant, on note de plus en plus l’émergence d’entrepreneurs africains qui essayent de proposer à la population locale, des véhicules fabriqués et assemblés en Afrique. Le nigérian Innoson Vehicle Manufacturing Co. Ltd (IVM), le tunisien Wallyscar, l’ougandais Kiira Motors, ou encore les sud-africains Optimal Energy Joule et Birkin valorisent le Made In Africa, malgré la forte concurrence exercée par les marques étrangères.
On note également l’adoption par certains gouvernements africains, de mesures visant à appuyer ces entreprises locales et à leur permettre de se développer. Le Ghana avait ainsi annoncé un plan visant à aider le constructeur automobile Kantanka en lui commandant plusieurs véhicules. En 2014, le gouvernement nigérian avait décidé d’adopter de nouvelles mesures visant à réduire l’importation de véhicules d’occasion sur son territoire.
Enfin, dans d’autres pays, ces mesures prennent d’autres formes. En Algérie, la loi dans le secteur des investissements, stipule que les entreprises étrangères ne peuvent investir dans le pays sans être associées avec un ou plusieurs partenaires locaux majoritaires. Dans cette optique, 51% des parts d’une coentreprise lancée en 2018 par Peugeot pour construire ses premiers véhicules « Made in Algeria », sont détenus par trois entreprises algériennes. Ces différentes mesures pourraient soutenir la création de millions d’emplois sur le continent. Au Maroc, 288 126 emplois ont été créés entre 2014 et 2017 par le secteur automobile. En 2020, ce sont près de 500 000 emplois qui devaient être créés.
Aperçu du marché africain
Le marché automobile africain était évalué à 30,44 milliards USD en 2021, et il devrait atteindre 42,06 milliards USD d’ici 2027, enregistrant un TCAC de 5,55 % sur la période de prévision (2022 – 2027). Mais, la pandémie de COVID-19 a eu un impact très négatif sur ce marché, et la majorité des marchés de la région ne se sont pas rétablis, et la demande est toujours en retard par rapport aux niveaux pré-COVID. La demande de véhicules neufs dans la région africaine a augmenté jusqu’en 2018.
En 2019, en raison d’un ralentissement de l’économie, les ventes de véhicules neufs ont diminué de 4 % à 1,17 million d’unités, contre 1,22 million d’unités en 2018. Voitures particulières représentaient 73,81 %, tandis que les véhicules utilitaires représentaient 26,18 %.
Cependant, la demande dans les principaux pays comme l’Égypte, donne de l’élan et devrait se poursuivre au cours de la période de prévision, créant des perspectives positives pour le marché. Bien qu’il y ait eu une baisse des ventes globales de véhicules neufs, les véhicules utilitaires en 2019 ont augmenté de 0,33 % à 308 319 unités, contre 307 301 unités vendues en 2018. En 2020, l’Égypte a connu une augmentation des ventes de véhicules neufs de 26,55 % à 231 238 unités, contre 182 713 unités vendues en 2019.
Le marché africain a l’une des perspectives de croissance les plus élevées au monde. Les constructeurs automobiles multinationaux installant actuellement des usines de production en Angola, en Éthiopie, au Ghana, au Kenya, en Namibie, au Nigeria, au Rwanda, en Afrique du Sud et dans d’autres pays. Ce qui indique clairement qu’il existe un potentiel pour stimuler la fabrication pour le marché automobile dans cette région. L’Afrique du Sud, l’Égypte, le Maroc et l’Algérie possèdent d’importants secteurs de l’assemblage et de la fabrication d’automobiles.
La fabrication sous contrat est un autre facteur de croissance majeur pour les entreprises qui ont des franchises à fabriquer pour les équipementiers. Par exemple, Kenya Vehicle Manufacturers, où le gouvernement détient des parts, pour Mercedes-Benz, Volkswagen et Chrysler. Une autre entreprise locale, AVA, assemble des véhicules utilitaires moyens et lourds pour Mitsubishi et Fuso et Scania, Toyota, Hino et Tata.
L’Afrique du Sud, la plus grande industrie automobile du continent
Le marché sud-africain des voitures particulières est le plus grand marché de la région. Cependant, en 2019, il a connu une légère baisse des chiffres de vente. En 2019, 355 378 unités ont été vendues contre 365 242 unités en 2018, soit une baisse d’environ 2,7%. De même, le segment des véhicules utilitaires dans le pays a connu une baisse d’environ 3,07 % et enregistré des ventes de 181 233 unités en 2019.
En 2020, selon l’Association nationale des constructeurs automobiles d’Afrique du Sud, les ventes de véhicules dans le pays ont diminué de 29,1 % en raison de la pandémie. Cependant, comme le pays est une plaque tournante pour les exportations de voitures particulières dans plusieurs autres parties du monde, en particulier en Europe, le marché a commencé à rétablir la demande et devrait se poursuivre au cours de la période de prévision.
Par exemple, les ventes à l’exportation ont enregistré un deuxième mois consécutif de croissance solide en janvier 2021 et, à 22 771 unités, ont reflété une augmentation de 6 468 unités, ou 39,7 %, par rapport aux 16 303 véhicules exportés en janvier 2020. Dans le sillage d’un environnement aussi positif à travers le pays pour capturer la part de marché croissante, plusieurs grands équipementiers du monde entier investissent dans le pays.
Par exemple, En avril 2019, Ford a annoncé que Ford Motor Company of Southern Africa (FMCSA) étendait ses opérations d’exportation de véhicules en adoptant une stratégie multiport avec la première expédition de 1000 Ford Rangers assemblés localement de Port Elizabeth vers les marchés européens. En avril 2019, Nissan a annoncé qu’il investissait 3 milliards de rands dans son usine de Rosslyn, Pretoria, pour produire la prochaine génération de pick-up Nissan Navara.
Paysage concurrentiel
Le marché automobile africain est dominé par des constructeurs tels que Volkswagen AG, Toyota Motor Corporation, Groupe Renault (y compris Dacia Sales), Daimler AG, Ford Motor Company, Hyundai Motor Company et Isuzu Motors. Les fabricants se concentrent sur des stratégies pour améliorer leurs activités dans la région.
En juin 2020, Nissan Afrique, Moyen-Orient et Inde (AMI) a présenté une stratégie globale sur quatre ans pour la région dans le cadre du plan de transformation mondial de l’entreprise. Le plan s’aligne sur l’orientation globale de la rationalisation, de la hiérarchisation et de l’objectif d’apporter des modèles et des technologies de base à une région qui représente environ 10 % du marché automobile mondial.
En mai 2020, Toyota Motor Corporation a annoncé le lancement de la berline Corolla en Afrique du Sud. Cette voiture est livrée avec un moteur 1.8L et 2L avec une transmission CVT. Les entreprises clés investissent considérablement dans différents pays et établissent des usines de fabrication avec l’aide de politiques et d’exonérations fiscales des gouvernements locaux.
En février 2020, le Groupe Renault a annoncé le lancement du SUV Kiger en Afrique du Sud. Cette voiture est maintenant lancée avec un moteur turbocompressé de 1,0 L. En août 2020, Volkswagen AG a ouvert sa 5e usine de fabrication en Afrique au Ghana, etc.