Le taux de bancarisation sur le continent africain est faible, environ 90% des transactions se font toujours en espèces, selon Jeune Afrique, dans un article publié le 1er septembre 2022, signé Maureen Songne. Cité par Slate Afrique, l’économiste congolais, Jean-Baptiste Keza qui a effectué des recherches pour le Centre d’études stratégiques du Bassin du Congo, montre que le poids des traditions est tel que la confiance des populations à l’égard du système bancaire est proche du néant.
L’habitude des fameuses tontines continue d’être un maillon essentiel des circuits informels d’épargne. Le tout repose sur la confiance fondée sur des liens d’amitié, de fraternité ou de clan. Les habitudes évoluent cependant.
Des données fournies par la Banque centrale du Kenya (CBK) montrent une situation différente dans ce pays de l’Afrique de l’Est qui connait un bien meilleur sort. Le taux de bancarisation qui était de 14% en 2006 a bondi à 41% en 2019. Avec 41% de taux de bancarisation, le Kenya se positionne à la troisième place africaine derrière les Seychelles et l’Afrique du Sud. Deux pays où le taux de bancarisation est respectivement de 95 et de 90 %.
Selon un article de African Business Journal du 19 mai 2023, au Kenya, le nombre de comptes bancaires avec plus de 700 dollars US (100 000 shillings) a augmenté de près de 5 % au cours de la période de 12 mois se terminant en décembre de l’année dernière. A noter que la Kenya Commercial Bank (KCB) a accueilli un pourcentage plus élevé de dépôts de grande valeur à 11 %, suivie de la NCBA (10,1 %) puis de la Stanbic Bank (7,5 %).
Service M-Pesa
Pilier de cette performance, en mars 2007, le principal opérateur de téléphonie mobile au Kenya, Safaricom lance le service M-Pesa (M pour Mobile et Pesa qui veut dire en Swahili « argent ») et révolutionne la manière dont les habitants du pays gèrent leur argent. M-Pesa est une plateforme qui propose des services financiers par téléphonie mobile aux Kényans, en particulier aux habitants des zones rurales isolées. L’application permet surtout la bancarisation, voire même l’inclusion économique, de populations entières.
Le succès de M-Pesa est fulgurant, dix ans seulement après son lancement, la plateforme comptait déjà, en 2017, 30 millions de clients dans 10 pays et 96 % des familles vivant en dehors de la capitale, Nairobi, étaient titulaires au moins un compte M-Pesa. Un succès aussi massif qu’immédiat, qui pourrait servir d’exemple, selon un rapport de la Banque mondiale sur le sujet publié en 2017. Le succès du mobile money au Kenya est une référence au niveau mondial. Le système M-Pesa et les autres services de gestion de transaction par téléphone mobile continuent de réaliser des prouesses encore inimaginables.
La banque centrale du Kenya (CBK) a été bien inspirée d’adopter vis-à-vis de cette innovation, une position réglementaire bienveillante. Ne pas s’opposer à l’arrivée de l’opérateur téléphonique dans le secteur financier, du moment qu’il offrait des garanties suffisantes. Comme le souligne le rapport de la Banque mondiale évoqué précédemment, en se plaçant « au-dessus de la mêlée » en tant qu’organisme de réglementation, la CBK a autorisé l’expérimentation afin d’encourager l’innovation.
Fort de cet environnement règlementaire favorable et ouvert à l’innovation, la gamme des services proposés par M-Pesa n’a cessé de s’élargir depuis 2007. Elle se limitait au début à l’achat de minutes de communication mobile ou au paiement des factures d’eau et d’électricité ou des frais de scolarité. En 2012, elle a proposé un service permettant aux utilisateurs d’ouvrir des comptes d’épargne rémunérés et d’obtenir des prêts à court terme.
Dès 2017, franchissant un nouveau palier dans l’innovation, Safaricom lance une nouvelle plateforme grâce à laquelle de petits exploitants agricoles peuvent communiquer par téléphone mobile avec des fournisseurs (pour l’achat d’engrais, de graines ou d’aliments pour le bétail), avec des agronomes, des organismes d’information, ou encore avec des magasins pour vendre leur production.
Piratage informatique
Le Kenya, relève un article du magazine Ecofin du 29 mai 2020, a ainsi vu son taux d’inclusion financière passer de 26,7 % en 2006 à 82,9 % en 2019. Grâce notamment au « Mobile Money » qui s’appuie sur la forte pénétration du téléphone mobile au sein de sa population, les taux d’inclusion financière informelle et d’exclusion financière du Kenya sont passés respectivement de 32,1 % et 41,3 % en 2006 à 6,1 % et 11 % en 2019.
Bien que l’agriculture (37,5 %) assure toujours l’essentiel des exportations et deux-tiers des emplois, le développement des services numériques, bancaires et financiers a fait du Kenya le hub de l’Afrique de l’est. M-Pesa a été un vecteur de bancarisation puissant, avec un nombre de comptes bancaires associés à la plateforme égal à 31,6 millions fin 2016, un chiffre à mettre en regard des 41,7 millions de comptes bancaires classiques.
Le Kenya, avec son système de mobile banking M-Pesa, avait fait dire à The Atlantic que c’est « la solution qui portera le monde rural à l’économie moderne ». Bémol toutefois, le poids de M-Pesa dans la vie quotidienne des Kenyans et, plus globalement, dans le fonctionnement de l’économie kenyane est tel que, le National Treasury s’était inquiété dans une loi de finances des conséquences d’une faille du système, faille liée à un piratage informatique ou encore à un défaut de gestion de la banque qui héberge les fonds M-Pesa.