Dans la perspective de la redynamisation des places portuaires nationales, le gouvernement du Cameroun est en train de dépoussiérer le vieux projet de réhabilitation du port fluvial de Garoua, construit sous l’administration française en pleine deuxième guerre mondiale (1935), dans le but de désenclaver le Nord du pays et faciliter les échanges avec le Nigeria.
L’infrastructure a progressivement été laissée à l’abandon dès l’amorce de la décennie 1990 dans un contexte d’exacerbation des tensions entre le Cameroun et son grand voisin, tensions liées au différend frontalier de la presqu’île de Bakassi, située entre la région camerounaise du Sud-Ouest et l’Etat nigérian du Cross River (Calabar).
Ces dernières années, ce port rétrocédé à la communauté urbaine de céans en 2003 était devenu une plaque tournante du commerce illicite entre les deux pays. Sa réhabilitation annoncée vise également à stopper les activités illégales qui se déroulent à un niveau inquiétant le long du parcours fluvial entre Garoua et la ville de Warri, dans le sud du Nigeria (Etat du Delta).
En visite de travail dans la ville de Garoua fin juillet, le directeur général de l’Autorité portuaire nationale du Cameroun, Louis Epoupeke, a laissé entendre que le gouvernement recherche auprès de divers partenaires, un prêt de 16 milliards Fcfa, soit un peu plus de 26,7 millions de dollars US, pour désensabler le fleuve Bénoué sur lequel est construit le port, réhabiliter les voies de navigation, les quais, les bâtiments et toutes les infrastructures de la plateforme portuaire.
Les opérations annoncées visent à relancer les activités formelles sur le parcours fluvial de la Bénoué jusqu’au Nigeria et donner un coup de fouet aux activités économiques et commerciales dans le septentrion du pays.
Une démarche logique pour un pays qui, dans sa Stratégie nationale de développement à l’horizon 2030, ambitionne d’aller à la conquête des marchés à fort potentiel de développement afin de pallier la faiblesse des échanges avec ses voisins.
Le pays ne capte en effet que 7,8% des recettes d’exportations en direction des autres pays frontaliers, dont à peine 1,1% du Nigeria. Outre ce pays qui compte quelques 136 millions d’habitants, le Cameroun se projette en effet sur le vaste marché ouest-africain, au moment où se met progressivement en place la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) dans le but de renforcer le commerce intra-africain.
L’autre enjeu de la réhabilitation du port de Garoua pour le Cameroun réside en effet dans cette perspective. Car, au-delà du Nigeria, c’est tout le Bassin du Niger qui traverse une dizaine de pays (Burkina Faso, du Cameroun, Benin, Côte d’Ivoire, Mali, Guinée, Niger, Nigeria et Tchad), qui est privé d’accès aux grands bateaux.
Dans le cadre du Programme de lutte contre l’ensablement dans le Bassin du Niger, ce groupe de pays a mis en place il y a plusieurs années un projet visant à faciliter la navigabilité fluviale de bout en bout entre le Cameroun et le Niger.
Le projet pour lequel un certain nombre d’institutions financières s’étaient engagées à fournir des financements d’un montant de 113 milliards Fcfa, soit environ 270 millions de dollars US, incluant la contrepartie des Etats concernés, notamment la Banque africaine de développement (BAD) en qualité de file des bailleurs de fonds, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et la KFW (la coopération financière allemande), est tombé aux oubliettes.
La réalisation de ce gigantesque projet intégrait, entre autres infrastructures connexes, la construction de 6 retenues d’eau dans la partie camerounaise du bassin afin d’améliorer l’agriculture, l’élevage et la pêche, et aussi l’aménagement des forêts pour pouvoir mieux gérer ces ressources pour les générations présentes et futures.
En 2013, les chefs d’Etat et de gouvernement avaient adopté à l’unanimité un Plan d’action de développement durable du Bassin du Niger (PADD), assorti d’un programme d’investissements et d’un plan d’action à mettre en œuvre sur 27 ans. Et annoncé que le démarrage du projet était imminent, avant l’arrivée de la Zlecaf annoncée par l’Union africaine à l’horizon 2017.
Le Bassin du Niger compte 3000 km de navigation fluviale potentielle dont à peine 20% sont utilisés. Notamment, entre Bamako et Gao au Mali, Lagos (Nigeria) et Niamey (Niger) et Garoua-Warri comme mentionné supra. La concrétisation de ce projet visait à résoudre en partie le problème d’enclavement des pays comme le Mali, le Burkina-Faso ou encore le Niger.
Sous le coup de sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), du fait des coups d’Etat qui y ont installé des pouvoirs militaires, ces pays subissent de plein fouet les conséquences de leur enclavement.